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«Les Serbes du Kosovo Vivent Comme dans une Prison»

Par Hélène Despic-Popovic, Liberation

Le 25 octobre 2004
 


Chechen woman Aset Musayeva, 70, stands in the ruins of her home in the village of Alleroy, 70 km (about 44 miles) southeast of the Chechen capital of Grozny, Tuesday, Aug. 28, 2001.
"Google" Image


C'est un hameau plus qu'un village avec 180 maisons alignées sagement des deux côtés de la rue. Il n'y a pas de magasin, pas d'église, et pratiquement plus d'habitant, mais il y a une gare. C'est là que tous les matins débarquent quelques dizaines d'hommes qui repartiront quatre heures plus tard par ce que l'on n'appelle plus que le «petit train des enclaves». Des soldats français de la Kfor, la force de l'Otan au Kosovo, les attendent à l'arrêt et les comptent. Ils les recomptent au départ. «S'il en manque, nous nous mettons à leur recherche pour voir ce qui leur est arrivé», dit le plus gradé du groupe.

Ces hommes que l'on veille comme des convalescents sont les habitants serbes du village, chassés par les émeutes albanaises de mars qui ont fait 19 morts. Ils sont désormais hébergés au nord de la ville de Mitrovica, côté serbe. Avec 137 maisons brûlées sur les 850 démolies pendant trois jours de violence, Svinjare, l'unique hameau serbe situé en lisière de la partie sud de Mitrovica, a été le village le plus touché et un programme pour la reconstruction a été mis en place par la communauté internationale qui administre depuis juin 1999 cette province du sud de la Serbie peuplée en majorité d'Albanais de souche. Là à Svinjare, comme ailleurs dans les enclaves serbes du Kosovo, l'écrasante majorité de la population a boycotté les élections législatives de samedi.

Comme chaque jour, Milica et Dragomir Pantic, un couple marié depuis cinquante-six ans, viennent voir où en sont les travaux de leur maison. Du container blanc «offert par la Russie au peuple serbe», ils sortent des tabourets flambant neufs où ils pourront reposer leurs vieilles jambes. Les travaux ont été confiés pour l'essentiel à des entreprises albanaises du sud de Mitrovica. Aucun habitant du village n'a été employé sur ce chantier. Le vieux couple de 75 ans regarde le bâtiment, reconstruit à l'identique, reprendre allure. «C'est ma maison, sans vraiment l'être, dit la vieille Milica. Tout a brûlé. Je n'ai plus un souvenir.» 
En même temps que les clefs, les ménages devraient recevoir à l'issue des travaux un chèque de 2 000 euros pour compenser la perte de leur mobilier. Peu d'entre eux croient toutefois qu'ils se réinstalleront un jour dans leurs murs. La saison agricole est perdue, bétail et outils ont disparu. Le compteur électrique posé sur le mur extérieur de la maison des Pantic a été volé quelques jours après avoir été installé par les ouvriers. Plus que leurs biens, c'est l'absence de sécurité qui préoccupe les habitants du village. La caserne des soldats français se trouve à peine 500 mètres plus loin, et suffisamment en hauteur pour voir tout ce qui se passe dans le village. «On se croyait en sécurité. Mais le 17 mars, quand les émeutiers ont déferlé sur notre village, les soldats de la Kfor sont venus nous chercher. Nos hommes voulaient qu'ils restent avec eux pour les empêcher de tout saccager. Mais ils n'ont pas voulu. Et de la caserne, on a regardé le village brûler», se souvient Milica Pantic.

Les cinq années précédentes depuis le déploiement des forces de l'Otan avaient déjà été difficiles. «Les Albanais qui habitent les 30 maisons au bout sud du village nous insultaient en nous disant :"Partez en Serbie ." Et on ne pouvait quitter le village que dans des camions militaires accueillis à coups de pierre, raconte Milica Pantic. L'arrivée du petit train nous avait fait reprendre espoir.» Personne n'exclut la possibilité d'une nouvelle flambée de violence. «Un des maçons nous a dit que de toute façon ces maisons ne sont pas pour nous et qu'on y installera des paysans albanais de la Drenica», poursuit-elle. Désemparés, les paysans ne croient plus à des changements, surtout pas électoraux : «Cela fait cinquante ans que je vote, dit Milica, et la situation est toujours allée de mal en pis.»

Tout aussi désemparés, les derniers Serbes de Pristina, logés dans un immeuble du centre-ville placé sous la protection de la Kfor, ont boudé les urnes. Il n'y a eu samedi lors des deuxièmes élections organisées depuis la guerre dans la province que trois bulletins de vote placés dans leur bureau où il y avait 130 inscrits. En 2001, lors du premier scrutin, la participation avait été de 100 %. «Nous croyions que les choses pouvaient changer, mais nous vivons comme dans une prison, sans même pouvoir tourner au coin de la rue», explique Zivka Savic, une ancienne cadre du service d'électricité qui a perdu son emploi. «S'il y avait eu le moindre progrès, nous serions allés voter, indépendamment de ce qui se dit à Belgrade», dit-elle.

Le chef de la mission des Nations unies (UNMIK), Soren Jessen-Petersen, qui administre de fait la province, n'a pas caché son mécontentement devant l'ampleur du boycottage de ces législatives par la communauté serbe, rejetant la responsabilité sur ses «prétendus leaders». L'église orthodoxe et le Premier ministre de Serbie avaient appelé à ignorer le vote. Le président de Serbie et le ministre des Affaires étrangères de Serbie-Monténégro avaient au contraire soutenu la participation. Il semble qu'ils aient sous-estimé le sentiment d'insécurité qui s'est emparé des enclaves du centre du pays, en 2001 les plus acquises à prendre part au jeu politique, et qui sont les plus menacées en cas de répétition des violences. 
A Gracanica, un gros bourg fédérant quelque 17 villages et 2 000 habitants, à quelques kilomètres de Pristina, un des bureaux de vote n'a eu qu'un seul votant... le candidat de la liste appelant au vote.


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