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L'Espérance de Vie des Hommes Tend à Rattraper celle des Femmes

By Stéphanie Noblet

Le Monde, June 2, 2004

Les femmes continuent à distancer les hommes. Mais, discrètement et sûrement, ils commencent à les rattraper. C'est la tendance observée par l'Institut national d'études démographiques (INED) sur l'espérance de vie respective des hommes et des femmes, dont l'écart tend à s'amenuiser.
Ce constat, dressé par la chercheuse France Meslé, est détaillé dans le dernier bulletin mensuel d'information de l'INED, Population et sociétés, dans une étude intitulée : "Espérance de vie : un avantage féminin menacé ?" 

Derrière ce titre, nulle note alarmiste : globalement, l'espérance de vie continue à progresser dans les pays industrialisés, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Seul l'épisode de la canicule, pendant l'été 2003, a brutalement contrarié les courbes parallèles et toujours ascendantes de la longévité : l'espérance de vie, qui progressait chaque année de 0,15 an pour les femmes, a connu une légère baisse en 2003 (82,9 ans, contre 83 ans un an plus tôt), tandis que celle des hommes (75,9 ans, contre 75,8 en 2002) a faiblement progressé : + 0,1 an en 2003 contre 0,25 en moyenne, chaque année, depuis dix ans. L'importante surmortalité constatée entre le 1er et le 20 août 2003 (15 000 morts au total) a été sensiblement plus élevée chez les femmes (70 %) que chez les hommes (40 %), selon une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publiée en septembre 2003.

Mais en dehors de cet épisode exceptionnel, la tendance de fond confirme, selon l'INED, l'atténuation de l'inégalité entre les sexes face à la mortalité. Cette inégalité, qui n'avait cessé de s'accentuer pendant trente ans au bénéfice des femmes, a commencé à se stabiliser, et même à décroître depuis le début des années 1990 en France : l'écart entre les espérances de vie féminine et masculine n'est plus que de 7 ans en 2003, alors qu'il avait culminé à 8,2 ans dans les années 1980.

Au-delà de la différence, en apparence minime (1,2 année), l'auteur de l'étude voit dans cette inversion de tendance "un mouvement d'ensemble important" qui touche, l'une après l'autre, toutes les nations à faible mortalité. Ce retournement a, en effet, été observé successivement dans les pays anglo-saxons dans les années 1970, puis dans les pays du nord de l'Europe (à l'exemple de la Suède) dix ans plus tard, et enfin dans les pays méditerranéens (France, Italie) dix ans après.

Pour comprendre les raisons de ce mouvement, il faut souligner deux facteurs déterminants dans l'évolution des différentes causes de décès : les comportements individuels face à la santé et les progrès médicaux. Historiquement, rappelle l'INED, les femmes ont toujours été favorisées sur ces deux plans : "Plus proches des services médicaux, tout au long de leur vie, à travers la contraception, la maternité ou la santé de leurs enfants, elles ont bénéficié à plein de la prévention et des nouveaux traitements."

"AVANTAGE BIOLOGIQUE"

Selon France Meslé, les femmes sont en outre dotées, dès le départ, d'un "avantage biologique"- une sorte de "coup de pouce" inné - qui leur offrirait, pour des raisons biologiques uniquement liées à leur sexe, une longévité plus importante que celle des hommes - un "bonus" de l'ordre de deux ans. Pour étayer cette idée, Mme Meslé prend l'exemple des "tout petits enfants, chez qui l'on constate aujourd'hui une légère surmortalité (+30 %) des garçons avant l'âge de 3 mois, avant même que la culture et la société aient influencé leur comportement". L'inégalité homme/femme face à la mortalité serait ainsi présente dès la naissance, mais "l'essentiel est le culturel et le social", estime l'auteur de l'étude, en guise d'encouragement.

C'est donc surtout par la modification active de leur comportement que femmes et hommes, indépendamment, ont réduit l'écart entre leurs espérances de vie respectives. Pour la gente masculine, deux types d'explication sont avancés. D'une part, les hommes ont abandonné ou du moins plus souvent évité, les comportements nocifs pour la santé. Dans le passé, "plus engagés dans des activités professionnelles à risque, consommant davantage d'alcool et de tabac, conduisant plus souvent, les hommes ont été touchés, plus prématurément et plus fortement que les femmes, par les maladies de société",indique l'étude. Fort logiquement, l'explosion des accidents de la circulation et la hausse des cancers des poumons avaient donc creusé l'écart avec les femmes.

Mais ces dernières années, du fait de la politique de lutte contre le tabagisme, la baisse de la consommation de cigarettes, plus importante chez les hommes que chez les femmes parce que plus ancienne, a conduit à "un retournement de la mortalité cancéreuse masculine liée au tabagisme", selon Mme Meslé. "Compte tenu du long délai de latence entre l'intoxication tabagique et le développement des tumeurs malignes, les effets de la baisse de la consommation masculine sur la mortalité par cancer broncho-pulmonaire ne sont devenus visibles que récemment, explique l'étude. C'est cette nouvelle évolution qui a été déterminante dans la réduction de l'écart d'espérance de vie entre les sexes amorcée en France en 1992."

LA PART DES FUMEUSES

Par ailleurs, les hommes ont aussi eu la bonne idée de s'inspirer des lignes de conduite des femmes en matière de prévention. Le souci accru d'une alimentation saine et des contrôles réguliers des facteurs de risques (tension, cholestérol), alliés aux avancées en cardiologie, ont permis à l'ensemble des hommes de "tirer parti à leur tour des progrès remportés dans la lutte contre les maladies cardio-vasculaires". Or, "partant d'un niveau plus élevé de surmortalité, ils ont pu engranger des gains supérieurs à ceux des femmes".

Cette réduction du "retard" des hommes ne signifie pas pour autant, souligne bien l'étude, que la surmortalité masculine diminue à tous les âges. L'exemple le plus frappant est celui des décès accidentels : à 20 ans, un jeune homme risque trois fois plus de mourir qu'une femme du même âge.

Du côté des femmes, la tendance, en matière de comportement, est moins favorable que chez les hommes, en particulier sur la question du tabagisme : la part des fumeuses régulières s'accroît régulièrement. Mais cette modification des comportements féminins ne permet encore, selon la chercheuse, de parler de retournement au détriment de l'espérance de vie féminine, compte tenu des effets à retardement du tabagisme. A l'heure actuelle, la mortalité liée au tabac chez les femmes reste encore très nettement inférieure à celle des hommes.

La réduction des différences d'espérance de vie entre les sexes est donc très largement à mettre au compte du rapprochement des comportements entre hommes et femmes, et des effets de rattrapage statistique. " Ce phénomène était prévisible,explique la chercheuse de l'INED, mais la surprise tient au fait qu'il ne soit pas arrivé plus tôt et qu'il ait fallu attendre les années 1990 pour qu'il se produise en France."


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