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La Chine contrainte à reconstruire un modèle social pour éviter le chaos 

seniorscopie.com

Chine

21 septembre 2005


Chinese Grandma in pictures of old people gives some advice to a younger man in Longzhou.

Déficit de la natalité féminine, vieillissement accéléré, dissolution des solidarités familiales. Après les errements du maoïsme, le "bond en avant" capitaliste de l'économie chinoise a aussi provoqué des dégâts sociaux. L'espérance de vie y stagne depuis que la santé a été privatisée dans des conditions anarchiques. La Chine doit reconstruire une économie des services publics (hôpitaux, maisons de retraite. ) selon de nouveaux modèles. Une chance pour les compagnies occidentales de monnayer leurs concepts et savoir-faire à condition que la demande soit solvabilisée.

Sa pyramide des âges fait apparaître les nouveaux défis que la Chine doit affronter avec "le vieillissement démographique à venir et le déficit de filles dans les jeunes générations", selon les mots d'Isabelle Attané. Cette chercheuse de l'INED consacre la dernière livraison de Population et sociétés (N° 416, octobre 2005) à l'histoire et aux perspectives tourmentées de la démographie chinoise. 

Une pyramide des âges déformée par l'idéologie
La Chine de 2005 compte 1,3 milliards d'habitants en 2005, soit 100 à 200 millions de plus que l'Inde qui l'aura rattrapée, puis dépassée d'ici 2030. Pourquoi ? Sa structure démographique particulière a été largement modelée par l'idéologie et leur faillite.

Comme tous les pays en voie de développement, la Chine a vu son taux de natalité progressivement décroître. Elle l'a vu passer de 5,7 enfants en moyenne par femme en 1970 à moins de trois en 1980.

Mais, rares sont les pays où l'empreinte de l'idéologie se lit aussi nettement dans une pyramide démographique. Sans doute le blocus alimentaire imposé par Staline à l'Ukraine dans les années trente serait-il lisible dans les statistiques de l'époque, si elles n'ont pas été "corrigées".

Ainsi, la pyramide chinoise de 2000 permet-elle de constater que le "creux à 38-40 ans correspond à la famine de 1959-1961 engendrée par le Grand bond en avant qui avait désorganisé les campagnes", selon Isabelle Attané.

La composition de l'actuelle pyramide permet de constater que le pays a encore subi d'autres dommages. La chute de sa fécondité en dessous du seuil de remplacement des générations (1,5) a trois causes, la hausse du coût de la vie, la montée du chômage, l'urbanisation des années 70, liées à l'émergence de la politique de l'enfant unique.

Est-ce tout ? Pas exactement. Le marxisme chinois, comme son homologue nord-coréen, ont su intégrer les apports du confucianisme et des cultures locales lorsqu'elles servaient leur projet. 

Avortements sélectifs pour éliminer dix millions de filles
Traditionnellement, le confucianisme donne préséance à l'enfant mâle sur les filles. Car ce sont les garçons qui assureraient "perpétuation de la lignée, prise en charge des parents dans leur vieillesse, soutien économique".Cette préséance s'est caractérisée par des infanticides dans les années trente, dont on trouve la trace jusque dans le très documenté "Tintin et le Lotus bleu" de Hergé.

Les infanticides féminins se sont raréfiés dans les années cinquante. Le marxisme favorisait alors l'émergence d'un statut de la femme. Mais, depuis, le déséquilibre entre les sexes est réapparu. Il "vient d'un déficit des naissances féminines lié à la pratique en plein essor de l'avortement sélectif des filles. Il est aggravé par la surmortalité des filles après la naissance, due à une moindre attention à leur alimentation et à leur santé".

Les chiffres traduisent donc la double discrimination exercée à l'encontre des filles :
A la naissance."Le rapport de masculinité à la naissance a augmenté (. ) passant de 107 garçons pour 100 filles en 1982 à 111 en 1989, puis 117 en 2000. Il en est résulté une masculinisation de la population enfantine (. ) Le déficit cumulé de filles qui en découle avoisine les dix millions sur les vingt dernières années". 

Après la naissance. Les filles bénéficient d'une moindre attention que les garçons. Conséquence : la mortalité infantile des garçons a diminué de moitié en trente ans, passant de 48,9 décès pour 1000 naissances en 1973-1975 à 26,5 /1000 en 2000. En revanche, celle des filles qui était (42,8 /1000) inférieure à celle des garçons en 1973 est restée au même niveau (38,9/1000 en 2000) en dépit des progrès médicaux enregistrés.

Deux parents et quatre grands-parents à la charge de chaque enfant unique
La Chine qui s'annonce est donc une Chine vieillie prématurément. Elle compte actuellement 8% de plus de 60 ans, soit 100 millions. En 2035, 27% des Chinois - soit près de 400 millions - auront dépassé la soixantaine. En revanche, la proportion des moins de quinze ans sera tombée à 16% (200 millions), soit une perte de 100 millions sur ce qu'elle est aujourd'hui.

Le déficit de filles contient le danger d'une incapacité de la Chine à redresser son taux de fécondité. La Corée du Sud, sa voisine, est un pays marqué de la même manière par le confucianisme. Mais Séoul a su mettre un terme aux avortements sélectifs et favoriser une reconsidération du statut de la femme.

Reste qu'au delà de ces constatations, la Chine doit véritablement reconstruire sa structure sociale pour ne pas devenir un chaos. De l'Etat communiste qui fournissait emploi à vie et retraite publique subsiste seulement une structure autoritaire. Elle a permis le développement d'un capitalisme sans frein auquel est fourni une main d'ouvre tenue d'une main de fer.
Mais la solidarité familiale sur laquelle reposait le confucianisme ne pourra plus prendre en charge le vieillissement. La politique de l'enfant unique aura en effet pour conséquence d'obliger à nouveau la collectivité à se muer en acteur social du vieillissement.

Isabelle Attané explique : "La réduction du nombre d'enfants et l'allongement de la durée de la vie font que deux enfants uniques une fois mariés doivent entretenir leur quatre parents et parfois plusieurs grands-parents encore en vie."
Stagnation de l'espérance de vie
Impossible d'y parvenir sans établissement d'un système de retraite accessible à tous. L'éparpillement des familles obligera aussi au développement des services à domicile, de même qu'à la création d'établissements d'hébergement, à grande échelle.

Il s'agit là d'une bonne nouvelle pour les compagnies hospitalières et les sociétés ayant développé concepts et savoir-faire. Mais, l'Etat chinois aura dû se restructurer afin de solvabiliser sa demande. Elle ne manquera pas d'être forte à condition que l'espérance de vie croisse à la mesure du développement économique.

Or, la démographie donne encore une précieuse indication sur l'état de la société chinoise. Son développement apparaît chaotique, sans réel projet de société. Ceci se traduit par la stagnation actuelle de l'espérance de vie qui avait progressé de trente ans depuis 1949. Elle était alors de 40 ans. Elle est de 71 ans aujourd'hui.

Mais elle stagne : "Depuis la privatisation progressive du secteur de la santé, dans les années 1980, les inégalités se creusent dans l'accès aux soins de base. Leur paiement incombe désormais de plus en plus aux patients, tandis que médecins et directeurs d'hôpitaux sont soumis à des contraintes de rentabilité. Les soins préventifs et curatifs reculeraient en efficacité, ce qui contre balancerait les améliorations dues à l'élévation du niveau de vie", constate Isabelle Attané.

La situation est potentiellement dangereuse car une mauvaise santé publique est nuisible au maintien de la force de travail. Bref, la Chine doit reconstruire une économie des services publics. Ce dont elle n'a pas encore pris conscience, ni mesuré le coût.


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