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Mourir au travail

Par Ignacio Ramonet, Le Monde diplomatique

Octobre 2003

Occulté par les grands médias, un document décisif est passé inaperçu : le rapport (1) publié par l'Organisation internationale du travail (OIT) dénonçant le fait que, chaque année dans le monde, 270 millions de salariés sont victimes d'accidents du travail et que 160 millions contractent des maladies professionnelles. L'étude révèle que le nombre de travailleurs morts dans l'exercice de leur métier dépasse, par an, les deux millions... Chaque jour, donc, le travail tue 5 000 personnes ! « Et ces chiffres, signale le rapport, sont au-dessous de la réalité (2). »

En France, chaque année, selon la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), 780 salariés sont également tués par leur travail (plus de 2 par jour !). Là aussi, « les chiffres sont sous-estimés ». Et il y a 1 350 000 accidents du travail environ (3), ce qui correspond à 3 700 victimes par jour, soit, pour une journée de huit heures, à 8 blessés par minute...

Cette souffrance silencieuse, cette redevance versée à la croissance et à la compétitivité, les défenseurs du peuple l'appelaient jadis : l'« impôt du sang (4) ». A l'heure de se pencher sur la question des retraites, il convient de garder ce tribut en mémoire. Et de songer aux centaines de milliers de salariés qui n'atteignent la fin de leur vie active qu'usés, échinés, délabrés. Sans pouvoir profiter de leur troisième âge. Car, si l'espérance de vie a augmenté, cela se traduit aussi, en raison des séquelles de l'activité professionnelle, par une explosion des maladies du retraité : cancers, affections cardiovasculaires, dépressions, attaques cérébrales, handicaps sensoriels, arthrose, démences séniles, Alzheimer, etc.

Cela rend particulièrement répugnante l'attaque contre le régime des retraites. Une attaque coordonnée, entraînée par les moteurs de la mondialisation libérale (5) - G8, Banque mondiale (6), OCDE (7) - qui, depuis les années 1970, conduisent une offensive contre la Sécurité sociale (8) et l'Etat-providence. Relayée par l'Union européenne, dont les chefs d'Etat et de gouvernement, de droite et de gauche (M. Chirac et M. Jospin pour la France), ont décidé, lors du sommet de Barcelone, en mars 2002, de repousser de cinq ans l'âge de départ à la retraite (9). Ce qui suppose une sérieuse régression sociale, et l'abandon du projet de bâtir des sociétés plus équilibrées et plus égalitaires.
Alors que les classes moyennes sont laminées, appauvries, la richesse continue de se concentrer au sommet : il y a trente ans, un patron touchait environ quarante fois le salaire moyen d'un travailleur ; aujourd'hui, il gagne mille fois plus (10)... Et peut voir venir, sans inquiétude, l'heure de la cessation d'activité. Ce qui est loin d'être le cas des salariés ordinaires, en particulier des enseignants.

Par centaines de milliers, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Grèce, en Autriche, en France, ceux-ci ont donc multiplié les arrêts de travail pour protester contre le démantèlement du système des retraites, qu'il faut par ailleurs réformer. Parce que le nombre d'actifs diminue, alors qu'augmente celui des retraités. Et parce que le poids des pensions, égal à 11,5 % du PIB, représentera 13,5 % en 2020, 15,5 % en 2040, et deviendra une charge importante pour la société.

Malgré la crise boursière, qui a fait perdre plus de 20 % de leur valeur aux fonds de pension (11), l'option d'une retraite par capitalisation n'est pas écartée. Elle l'est d'autant moins que la réforme du système par répartition n'est envisagée qu'aux dépens des salariés. Comme s'il ne s'agissait que d'un problème technique, sans conséquences pour l'ensemble de la société. Toutes les variables - montant et allongement des cotisations, âge de départ à la retraite, montant des pensions - sont modifiées systématiquement au détriment du salarié et des revenus du travail. Aucune solution alternative, mettant à contribution les entreprises ou taxant les profits financiers, n'a été retenue.
On estime normal que deux salariés français perdent leur vie au travail chaque jour, et que huit autres soient sacrifiés par minute au bien-être des entreprises. Mais pas que celles-ci, ni le capital, participent davantage aux retraites des personnels. Comment ne pas comprendre la colère des citoyens ?

 


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