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Mal-connus et négligés : les vieux migrants

Par Laure Lasfargues, Vivre 100 ans

France 

15 novembre 2005 

Mal-connus et négligés : les vieux migrants :

2003 a vu se dérouler deux événements dont la discrétion est sans aucune mesure avec leur importance sur le plan social et humain . 
Tout d'abord, en janvier, la création à Paris du "Café social". Un lieu d'accueil innovant et exemplaire au profit d'une population mal-connue et surtout négligée : les vieux migrants. Après avoir connu tout au long de l'année un succès grandissant, le "Café social" vient de fêter ces derniers jours sa première année d'existence. 

Autre événement : la tenue d'un "colloque" en Avignon au début de l'hiver, qui pointait notamment les difficultés de logement de la population immigrée vieillissante. Et qui relevait l'urgence des mesures à prendre pour leur offrir des conditions d'existence compatibles avec leur avancée en âge. 
D'enormes carences 

La population d'origine étrangère résidant en France a vieillit. Très discrètement. Et cela a surpris autant les intéressés eux mêmes, que les pouvoirs publics et, dans une moindre mesure, les associations. Les uns et les autres s'en sont trouvés bien souvent démunis. Résultat : les mesures d'accompagnement sont encore bien maigres au regard des besoins sociaux, humains, médico-sociaux de ces vieux travailleurs. 
Une immigration "piégée" par son vieillissement 

Depuis le dernier recensement, on connait plus précisément le profil des migrants âgés vivant en France. Ils seraient plus de 530 000 âgés de plus de 60 ans, dont une bonne part originaire du Maghreb.

C'est un nombre qui peut surprendre, face à l'interêt bien maigre porté à cette population. Le ministère des Affaires sociales en charge de la politique gérontologique, se déclare d'ailleurs de son coté pas vraiment directement concerné par la question, au principe de la non discrimination. En effet, par exemple, les prestations telles que l'Allocation personnalisée d'autonomie peut être attribuée quelque soit la nationalité (le principe retenu étant celui de la territorialité, c'est à dire de la résidence sur le sol français). 

Mais s'il existe une non discrimination dans les textes sur le plan administratif, une discrimination plus insidieuse peut exister, qui s'avère, elle très dommageable. Il s'agit d'une discrimination liée au manque d'information enves ces vieux migrants, mais aussi lié à la complexité des processus d'attribution des aides sociales et des pensions de retraite.

On peut dire, plus largement, qu'il existe un "relatif désintérêt des administrations" (nationales et locales) que ce soit de la part des municipalités, des caisses de sécurité sociale ou des caisses de retraite, comme l'ont souligné les auteurs d'un rapport récent sur "les immigrés vieillissants". En effet, et la première fois en France, une mission officielle s'est enfin penchée sur ces questions. C'est en 2002, que ces auteurs de l'Inspection Générale de l'action sociale (IGAS) ont publié un volumineux rapport. Ce dernier fait le point sur la situation des migrants âgés, et souligne justement les carences administratives, sanitaires, sociales, financières dont sont victimes une grande partie d'entre eux. Un exemple parmi d'autre : l'orientation vers une institution adaptée telle qu'une maison de retraite (lorsque le maintien à domicile devient impossible) qui s'avère très exceptionnel.

Cette étude n'est pas la première à dénoncer la situation des immigrés vieillissants sur le sol français. Dès les années 85, et régulièrement, colloques et rapports se sont succédés. Sans que, toutefois, ils soient suivis de décisions concrètes. Comment expliquer alors cette timidité des pouvoirs publics ?

La plupart des immigrés vieillissants sont originaires du Nord de l'Afrique (Maghreb), notamment d'Algérie, un pays lié à la France par un passé colonial, qui s'est achevé par une guerre. Ils sont arrivés dans les années 50 et 60, pour offrir leur force de travail. Leur vie sociale, familiale, leur logement ou leur santé étaient loin d'être une priorité. Victimes de relations ambiguës avec les Français, pour ne pas dire xénophobes,"ils ont pris l'habitude de ne rien demander, et sont devenus invisibles", comme le souligne Moncef Labidi, sociologue. A cela s'ajoute le fait que la plupart de ces immigrants restés en France soit célibataire, et donc non concernée par les politiques sociales d'accompagnement, principalement orientées vers les familles. Même si certains d'entre eux ont choisi tardivement de faire venir leurs enfants du pays, voire leur épouse, ce qui d'ailleurs n'est pas allé sans de vraies difficultés d'intégration, pour ces femmes déjà âgées.

Ce sont les associations qui ont été les premières à tirer la sonnette d'alarme sur la situation de précarité des migrants âgés, et qui ont cherché à apporter des réponses innovantes. Parmi elles : les associations gestionnaires de foyers d'hébergement, comme l'UNAFO qui regroupe 700 établissements. Ces foyers étaient initialement prévus pour les "jeunes travailleurs". De nombreux migrants y sont restés, sans que l'on se soucie de les intégrer plus tard par exemple dans un logement social ou dans une structure adaptée aux personnes vieillissantes.

De fait, en foyer, comme en habitat isolé (ce qui concerne environ 80 000 personnes immigrées vieillissantes dans les deux cas), les logements sont totalement inadaptés à des personnes âgées, notamment pour organiser un accompagnement avec des services comme les portages de repas, ou les soins infirmiers, ...

La santé reste d'ailleurs un volet majeur à explorer, et une étude officielle est prévue qui concerne les vieux immigrés. Ce programme de prévention et d'accès aux soins s'intéressera aux personnes vieillissant en foyer. La majorité a en effet connu des conditions de travail pénibles, et n'a eu accès aux soins que tardivement. 

Du foyer de vieux travailleurs à la résidence sociale 

"Un grand chantier est à engager, insiste l'UNAFO, qui organisait en novembre dernier un colloque en Avignon, incluant des conférences et réflexions sur le vieillissement des résidents.

Dominique Giudicelli, directeur d'ALEOS, a animé l'un des débats. Son association, situé à Mulhouse dans l'Est de la France, accompagne, notamment grâce au logement, des publics en difficulté. Dans les foyers que l'association gère, résident de nombreux immigrés âgés. "Ils partent très rarement en maison de retraite, commente-il. C'est surtout par souci d'argent, car ils continuent à envoyer la majorité de leurs revenus dans leur famille, et vivent très chichement. D'ailleurs, je me demande si la population des maisons de retraite, une majorité de femmes, les accepterait facilement".

L'association a procédé à la totale rénovation de certains de ses anciens foyers. Pour "apporter confort et sécurité". Un plan national permet en effet d'obtenir des financements pour réhabiliter et transformer les foyers en résidence sociale. Ainsi, les portes ont été élargies pour permettre le passage de fauteuils roulants, et les salles de bain et le mobilier ont été adaptés aux difficultés de mobilité. Les chambres de 7 mètres carrés ont disparu. Ce sont des Unités de 4 chambres individuelles d'un volume double qui les remplacent. Dans chaque Unité (un appartement en quelque sorte) : une salle à manger et une cuisine commune. Une salle de prière collective a été créée également. "Pour les vieux immigrants, la pratique de la religion est très apaisante". 

Enfin, un espace a été ouvert pour permettre aux professionnels extérieurs (médecins, infirmières, ...") d'offrir les soins nécessaires. "Nous ne sommes en aucun cas devenus une maison de retraite. D'ailleurs cohabitent ici des gens d'âge -de 18 à 85 ans- et d'origine très différents. Toutefois nous travaillons de plus en plus avec les professionnels de la gérontologie des environs, qu'il s'agisse de travailleurs sociaux ou de gériatres hospitaliers".

Parmi les intérêts de ces transformations : la possibilité pour les résidents âgés de pouvoir toucher l'allocation personnalisée d'autonomie, puisqu'ils ont désormais leur propre espace de vie et une domiciliation officielle. Autre intérêt du travail d'ALEOS, qui est non négligeable mais plus symbolique : avoir créer une émulsion dans la région face aux problèmes des migrants âgés.

Les études lancées par cette association, les rencontres organisées avec les professionnels de la gérontologie ont permis en effet de faire émerger les difficultés et besoins de ce que Dominique Guidicelli qualifie lui aussi de "public méconnu". Les différents contacts ont ainsi suscité une prise de conscience des responsables politiques du département et des gériatres, qui ignoraient les uns et les autres la situation de cette population immigrées vieillissante. "Petit à petit, nos travaux et réflexions ont permis de créer des liens et ont réussi à faire évoluer les représentations négatives, voire inexistantes". 

Autre association présente en novembre en Avignon au colloque de l'UNAFO: l'AFTAM. Cette organisme a également procédé à la complète rénovation de foyers anciens. Quitte à reconstruire en totalité la résidence. Exemple à Aubervilliers, au nord de Paris, où ce sont désormais 49 chambres totalement rénovées et adaptées qui ont remplacé les anciennes chambres collectives.

Encore une fois, en Avignon, a donc été soulignée l'importance (pour ne pas dire l'urgence !) d' adapter le logement, les pratiques médico-sociales et administrives, à la question du vieillissement des publics issus de l'immigration et notamment du Maghreb. Vaste chantier ! Car au delà de quelques innovations (qu'il serait urgent de capitaliser, relèvent les chercheurs et les professionnels concernés), au delà des réflexions et préconisations.... tout reste à mettre en oeuvre pour permettre enfin à cette population de vivre et de vieillir dignement sur notre sol !


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