Home |  Elder Rights |  Health |  Pension Watch |  Rural Aging |  Armed Conflict |  Aging Watch at the UN  

  SEARCH SUBSCRIBE  
 

Mission  |  Contact Us  |  Internships  |    

        

 

 

 

 

 

 

 

 



Quand nous vivrons tous 100 ans

Le Monde 

France

11 novembre 2006


Un homme de 101 ans vote dans l'Ohio, lors des élections de mi-mandat américains, le 7 novembre 2006. | AP/FRANK ROBERTSON

Ils étaient 200 en 1950, 3 760 en 1990, 17 267 au 1er janvier 2006. L'Insee estime qu'ils devraient être 150 000 en 2050, et les extrapolations de certains démographes évoquent même 300 000 au milieu du siècle. Ils fleurissent plus vite que primevères au printemps. Les centenaires. 

Après le Japon et la Suisse, la France est le pays au monde où leur progression est le plus rapide. "Alors qu'il doublait tous les dix ans depuis l'après-guerre, le nombre des centenaires approche aujourd'hui d'un doublement tous les cinq ans et rien ne permet de dire qu'il y a une limite à ce phénomène", explique Jean-Marie Robine, directeur de recherche à l'Inserm. Les femmes constituent encore 80 % du contingent, mais les hommes, dont la pyramide des âges sort d'un creux statistique dû à l'hécatombe de 14-18, "connaissent une courbe qui remonte en ligne droite depuis deux ou trois ans", selon M. Robine.

Le démographe a été parmi les premiers à s'intéresser, au début des années 1990, à ce qui n'était encore qu'une catégorie marginale de la population. C'était encore l'époque où souffler 100 bougies était un exploit qui faisait le régal de la presse locale et le désespoir des acheteurs en viager. Aujourd'hui, on en est à répertorier une nouvelle catégorie, les super-centenaires, qui dépassent 107 ans.

D'un thème médical, le grand âge est devenu "un marché en pleine expansion", plaisante M. Robine. Cette population en devenir intéresse les entreprises de haute technologie. Elles sont poussées par les compagnies d'assurances ou les complémentaires de retraite, soucieuses que cette prolongation de la vie se fasse à moindre coût. Elles sont également sollicitées par les familles pour qui l'aïeul peut devenir un fardeau, en raison de la distance, de l'emploi du temps ou du coût. 

Aujourd'hui, la recherche s'applique à maintenir autant que faire se peut les personnes à domicile. Le 24 novembre à Grenoble, une journée de rencontre entre chercheurs aura d'ailleurs pour thème "L'innovation au service du maintien à domicile".

Le cocooning, un environnement sans stress, est en effet un facteur déterminant de longévité. Les vieux chênes sont souvent à l'image de Simone Capony, 112 ans, la doyenne des Français, qui ne demande qu'une chose : "Qu'on ne me casse pas la tête." C'est là plus qu'une formule bougonne, une nécessité vitale. D'après une étude conduite auprès de personnes très âgées, les individus qui ont subi une fracture du col du fémur voient ainsi leur espérance de vie diminuer fortement. Moins en raison de la gravité de la blessure que du traumatisme d'une longue hospitalisation.

Selon Vincent Rialle, enseignant chercheur à l'université des sciences de la technologie et de la santé, à Grenoble, trois thèmes sont explorés : "La sécurité, c'est-à-dire la prévention ou la détection des situations graves comme les chutes ou les malaises ; le maintien d'un contact social, indispensable à l'estime de soi ; l'instauration d'un lien médical permanent."

Téléassistance et Robotique 

Dans ces trois domaines, de nombreuses innovations sont en phase expérimentale ou déjà commercialisées. Des ordinateurs permettent, en pointant des icônes simples sur des écrans tactiles ou même par commande vocale, d'entrer en contact visiophonique avec la famille ou le médecin par exemple. Utilisés depuis vingt-cinq ans, les médaillons de téléassistance, qui permettent par simple pression d'un bouton d'alerter un plateau de secours médicalisé, se généralisent. 

Arrivent également des bracelets qui détectent les chutes, des capteurs capables de diagnostiquer des apnées du sommeil, des détecteurs d'inconscience ou des GPS qui permettent de localiser précisément la personne et même sa position, debout, assise ou couchée. Des gilets "actimétriques" mesurent la fréquence de mouvements et les données vitales de la personne qui les porte. Il existe aussi des systèmes qui permettent de détecter des durées anormales dans certains lieux, comme les toilettes... Des techniques permettant des téléconsultations médicales sont au point mais se heurtent aujourd'hui à des restrictions du conseil de l'ordre.

La robotique, moins onéreuse que les aides à domicile, va seconder les personnes dans leurs tâches quotidiennes : travaux domestiques, aide à la marche, etc. Mais des faux humains ou des faux animaux de compagnie sont également pensés pour répondre aux besoins affectifs. Les Japonais ont ainsi testé un bébé phoque, Paro, qui bouge, pleure ou se montre joyeux, réagissant aux émotions de son interlocuteur.

Les modes alimentaires, différents à 20 ou 100 ans, sont également l'objet de recherches. Aux Etats-Unis et dans certains pays d'Europe du Nord, qui comptaient naguère le plus de centenaires, on a constaté une évolution plus lente de leur nombre, en partie attribuable à un régime alimentaire inadapté parce que trop riche. Des nutritionnistes ont donc étudié des menus plus adaptés à Okinawa, en Sardaigne ou en Crète, autant d'îles réputées pour la durée de vie de leurs habitants.

Mais, pour M. Rialle, nos sociétés obnubilées par le culte de la jeunesse assument toujours aussi mal leur vieillissement. "Vivre, c'est naître et mourir. Il faut l'accepter. On constate que les personnes qui vivent le plus longtemps sont celles qui n'ont pas peur de mourir." Le chercheur constate également qu'"il y a encore beaucoup à faire pour développer le rôle social des personnes âgées et gommer la rupture entre vieux et jeunes". Les expériences visant à inviter des maternelles dans des maisons de retraite ou à faire cohabiter des étudiants chez des personnes âgées sont un pas dans ce sens, même si elles restent encore marginales. Les hommes politiques commencent également à effleurer le sujet : l'Assemblée nationale a ainsi mis en place un groupe d'étude sur la longévité.
Les Japonais semblent avoir plus promptement réagi. "Ils ont déjà réfléchi à une société adaptée à tous les âges de la vie", constate M. Robine. Les nouvelles baignoires, en cours de standardisation, sont désormais équipées de barres et de systèmes d'accès facilités. Des scientifiques nippons travaillent à la conception d'un riz générique, plus facile à mastiquer.

Reste l'éternelle question de l'éternité : jusqu'à quel âge pourra-t-on vivre demain ? L'idée d'un seuil physiologique est aujourd'hui battue en brèche. "Nous n'avons pas de connaissance scientifique sur les paramètres de la durée de vie", assure M. Rialle. Cette méconnaissance alimente les fantasmagories. Aux limites de la science-fiction et des avancées médicales, des esprits éclairés évoquent, par la transplantation successive de pièces de rechange sur les corps malades, la transformation progressive au long de la vie de l'homme en une sorte de cyborg inusable. Encore faut-il en avoir l'envie.
Le Français Lazarre Ponticelli, 108 ans, trouve ainsi un énorme avantage à son grand âge. "Pour mourir, c'est facile, il n'y a qu'à fermer les yeux." 

Chiffres 

Espérance de vie. De 25 ans en 1740, elle atteint plus de 80 ans en 2006 (84 ans pour les femmes, 77 ans pour les hommes) selon l'INED. Elle augmente actuellement de trois mois par an. Au Japon, elle est de 82 ans.

Nombre de centenaires. Au 1er janvier, l'Insee en recensait 17 267 en France, dont 14 008 femmes et 3 259 hommes. Ils sont plus de 30 000 au Japon.
Doyens. La doyenne de l'humanité est l'Américaine Elizabeth Bolden, 116 ans. La doyenne des Français, Simone Capony, a 112 ans. Jeanne Calment, morte en 1997 à 122 ans 5 mois et 14 jours, détient le record de longévité humaine démontré par un acte d'état civil.


Copyright © Global Action on Aging
Terms of Use  |  Privacy Policy  |  Contact Us