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Dépendance, un nouveau contrat

Par Martin Vial, Le Monde

France

29 novembre 2006

 

L'allongement de l'espérance de vie est un progrès formidable, mais aussi un vrai défi économique et sociétal en Europe de l'Ouest. A l'horizon 2010, près du quart de la population de la région aura plus de 60 ans, et 20 millions de personnes seront "dépendantes" ou en situation de perte d'autonomie, nécessitant des soins de longue durée. Le besoin de financement associé est considérable : le coût de la prise en charge par la Sécurité sociale d'une personne âgée de plus de 65 ans est 2,6 fois plus élevé que celui de la moyenne de la population, et 4,5 fois pour une personne âgée de plus de 80 ans.

Face à ce formidable défi pour nos sociétés de ce début de siècle, c'est une réflexion globale qui doit être menée, en intégrant bien sûr la prise en charge en établissement spécialisé, mais surtout le maintien à domicile sous assistance. D'une part, parce que, en 2010, 8 millions de personnes âgées seront non autonomes, mais non hospitalisées, et d'autre part parce qu'en amont de l'hospitalisation, ou après, les systèmes de maintien à domicile permettent de ralentir nettement la perte d'autonomie ou son aggravation, en sauvegardant le lien social et le cadre de vie des personnes âgées. Pour une question de coûts, aussi : en France, la prise en charge hospitalière d'une personne âgée dépendante est 1,5 à 2 fois plus coûteuse qu'à domicile.

La transformation des comportements liée à l'urbanisation, en particulier l'affaiblissement de la solidarité familiale ou de voisinage qui prévalait dans les sociétés rurales, accentue encore les besoins de prise en charge. La demande de services recouvre l'assistance médicale, le transport de repas et de médicaments, les aides ménagères, la mise en relation avec différents organismes. En amont, le besoin augmente pour des prestations accompagnant la perte d'autonomie (bilan de santé, intervention d'un ergothérapeute - qui aide les patients présentant un déficit fonctionnel à s'adapter à leur handicap -, transport vers une maison spécialisée, télé-assistance...). On estime que le volume global des services à domicile et à la famille devrait croître de plus de 10 % par an en moyenne d'ici à 2010 en France.

Se pose alors la question de la répartition du financement et des forces à mettre en oeuvre, à un moment où l'opinion publique est de plus en plus en demande de garantie et d'assistance. Le financement de la dépendance doit relever d'un double principe, solidarité et responsabilité personnelle.

Tout d'abord le consensus français porte sur la mutualisation et la solidarité nationale. A cet égard parce que la gestion du "risque dépendance" diffère de celle du risque santé par le caractère permanent de la couverture de ceux qui sont entrés en dépendance, du fait de son fort niveau de probabilité pour les mêmes tranches d'âge et parce que le besoin de services liés à la dépendance dépasse celui des seuls soins médicaux, la création d'un régime spécifique - une cinquième branche - paraît s'imposer.

Mais parce que les besoins de financement à moyen terme sont considérables, il faut également aller vers plus de responsabilisation personnelle. En 2004 en France, un peu plus de 1,8 million de personnes étaient assurées pour le risque de dépendance, et ce nombre progresse d'environ 200 000 personnes par an depuis 2000. La question qui se posera dans les prochaines années est celle de la couverture de ce besoin de financement et, compte tenu de son impact considérable sur les prélèvements obligatoires, d'un système d'assurance obligatoire à l'instar de ce qui existe déjà dans certains pays.

Au-delà de la question du financement, la prise en charge de la dépendance doit être considérée comme un secteur d'activité spécifique. Les emplois générés par ce secteur, la diversité des intervenants et la croissance de la demande en font un des grands secteurs économiques et sociaux du domaine des services. Aujourd'hui, la fourniture des services à la personne en France est essentiellement assurée par des acteurs associatifs et par les sociétés d'assistance, qui ont développé au fil des années un savoir-faire précieux. Dans le futur, cette expertise permettra de concevoir des gammes de services et de soins intégrés, d'évaluer les besoins en ressources humaines, en capacités d'accueil, d'optimiser les coûts de santé, et de gérer des réseaux complexes, avec des labels d'engagement et de qualité.

Ensuite, la dépendance sera traitée de la façon la plus adaptée au niveau local, comme c'est le cas dans les pays scandinaves. En France, la demande des collectivités locales pour des structures de proximité est importante. C'est la raison pour laquelle certaines entreprises d'assistance de dimension mondiale - qui ont donc une vision et une expérience de ce qui se fait à l'étranger - développent déjà, en partenariat avec les collectivités locales, des projets de plates-formes médico-sociales sur notre territoire. Ces plates-formes feront office de "centres médico-sociaux à distance", qui regrouperont des ressources sur un centre d'appel, notamment des médecins et assistants sociaux spécialement formés, afin d'identifier les publics, de dresser des diagnostics de dépendance, de définir les besoins et de rechercher des financements.

La dépendance est l'un des grands enjeux collectifs des prochaines années en Europe de l'Ouest. Un effort massif en faveur du maintien à domicile doit être entrepris visant à ré-autonomiser les personnes fragilisées grâce à une convergence globale, au niveau national et local, des initiatives des acteurs publics et privés. Cette convergence se traduira par un nouveau "contrat social" sur la fin de vie, offrant des garanties et des services mieux ciblés en fonction des besoins réels et permettant une meilleure maîtrise des coûts et des dépenses.
 


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