Préambule
Tout au long de cette déclaration, nous utilisons le terme « Personnes
handicapées vieillissantes». Les personnes handicapées représentent un
groupe très diversifié, incluant des personnes avec des handicaps
physiques, sensoriels, intellectuels, des difficultés de développement,
des personnes ayant des problèmes de santé, mais aussi présentant des
handicaps complexes et multiples, comme cela est souligné dans la
Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la
Santé (OMS 2001). Ces handicaps peuvent affecter tout le cours de la
vie, ou apparaître lors du vieillissement. Il est largement admis que
nombre de situations de handicap, telles que décrites dans ce texte,
sont dues à la société.
Lors de la construction d’une zone européenne de droits et de
participation, une attention particulière devra être apportée aux
citoyens handicapés âgés, de manière à leur permettre de bénéficier des
mêmes opportunités dans la vie que celles offertes à leurs concitoyens.
La question du vieillissement a été reconnue comme un thème central sur
l’agenda européen. Les sociétés européennes se caractérisent par une
proportion croissante de personnes âgées et très âgées. Il est prévu que
l’espérance de vie continue à croître pendant encore plusieurs dizaines
d’années, accompagnée d’une baisse continue du taux de natalité dans la
plupart des pays européens (cf. le livre vert de la Commission
Européenne : « Le défi du changement démographique : une nouvelle
solidarité entre les générations », (mars 2005). Nous vivons dans une
société qui vieillit de plus en plus, mais qui n’est pas préparée à
faire face aux besoins et aux intérêts de ce groupe de personnes, en
particulier de ceux qui présentent un handicap.
Fondamentalement, on associe au vieillissement le développement ou
l’acquisition de l’expérience, de la sagesse, de la compétence, ainsi
que le respect. Ces développements et ces valeurs sont également
valables pour les personnes handicapées. Mais le concept de
vieillissement peut souvent aussi avoir des connotations négatives,
telles que une santé physique et/ou des capacités cognitives déclinant,
l’inactivité, la pauvreté, l’isolement et la dépendance sociale. Ceci
signifie que tout en respectant le vieillissement, il faut davantage
privilégier les concepts de vieillissement actif et en bonne santé.
Promouvoir des perspectives positives, grâce à des stratégies actives
face au vieillissement, apportera une valeur ajoutée aussi bien à
l’individu qu’à la société. Nous devons aussi accepter que les personnes
handicapées vieillissantes vont vers leur fin de vie et que c’est un
défi particulier de s’assurer que celle-ci se déroulera dans la dignité
et le respect.
Les Gouvernements doivent prendre en considération les coûts financiers
associés à la prise en charge des personnes âgées : besoins croissants
d’accompagnement social et de soins de santé, ainsi que l’augmentation
du besoin d’accompagnement et de soin pour les personnes handicapées
vieillissantes (cf le rapport spécial 1/2006 de la Commission Européenne,
Affaires économiques et sociales : « L’impact du vieillissement sur la
dépense publique (2004-2050) ». Ainsi vieillissement et handicap seront
au cours des décades futures un test de la capacité des sociétés
européennes à intégrer tous les citoyens, les notions de vie dans la
société et de vie autonome en étant des éléments-clés. Au total, il
s’agira de la qualité de vie des personnes dans la société et des
services dont elles ont besoin. Le plus grand défi sera d’arriver à
identifier et à répondre aux besoins globaux de toutes les personnes
âgées handicapées ou non, tout en mettant l’accent sur et en répondant
aux besoins très spécifiques et diversifiés de chaque individu du groupe.
Parmi les personnes âgées en général, on peut identifier deux groupes
qui nécessitent une attention spéciale en termes de politique publique,
systèmes d’aide et respect des droits – la Déclaration de Graz concerne
tout particulièrement ces deux groupes.
Premièrement, les personnes déficientes intellectuelles : elles
jouissent aujourd’hui d’une espérance de vie semblable à celle de la
population générale, mais ne sont pas prises en compte dans la plupart
des programmes, stratégies ou statistiques, que ce soit au niveau
européen ou national. L’accompagnement des citoyens déficients
intellectuels est souvent peu voire pas développé du tout en matière de
vieillissement. La législation des différents Etats membres présente des
lacunes importantes s’agissant de l’émergence de groupes de personnes
handicapées vieillissantes, comme les personnes déficientes
intellectuelles.
Deuxièmement, de nombreuses personnes âgées deviennent dépendantes à la
fin de leur vie, souvent à la suite de pertes de capacités
fonctionnelles dues à l’âge. Beaucoup d’entre ceux-là auront sans doute
besoin de soins de nursing pendant leurs dernières années.
Pour ces deux groupes, il faut aussi tenir compte du nombre croissant de
personnes handicapées vieillissantes qui vivent dans une dépendance
mutuelle avec des membres de leur famille eux-mêmes âgés.
Il y a probablement des différences entre ces deux groupes en termes de
besoins et d’aides nécessaires, ainsi que des différences entre eux et
la population âgée en général, toile de fond souvent négligée et que la
Déclaration de Graz souligne ici
En outre, les politiques publiques tendent à se focaliser sur la
question de la prise en charge, en oubliant les nécessaires réformes
pour développer des mécanismes facilitant la participation et
l’autonomie. Sans une législation faisant disparaître les obstacles en
matière de biens et services, sans un marché du travail plus ouvert,
avec des mesures d’aménagement de l’environnement de travail ainsi que
de maintien dans l’emploi, la société ne pourra pas répondre aux défis
qui se présentent.
Au final, peu a été fait pour favoriser l’émergence d’une économie des
seniors, qui mettrait en évidence à la fois le poids économique des
dépenses dues à l’âge mais aussi le potentiel de contribution des
citoyens âgés à la marche de l’économie.
En tant que société, l’Europe n’en est qu’au début d’un processus
d’apprentissage des effets de l’âge. Le défi fondamental est de passer
d’un Etat-providence à une société du bien-être, en développant des
structures et une organisation permettant à chacun, qu’il soit handicapé
sa vie durant ou seulement à cause de l’âge, d’avoir les mêmes chances
de participer, grâce à des politiques favorisant la participation
sociale et un accompagnement adéquat : ce sont là les points les plus
importants pour la qualité de vie des personnes handicapées
vieillissantes.
Les participants
à la Conférence européenne sur « Handicap et Vieillissement » qui s’est
tenue à Graz, en Autriche, représentant les divers acteurs aussi bien du
champ du handicap que des personnes âgées :
• Personnes avec des handicaps physique, sensoriel ou intellectuel,
• Personnes âgées,
• Familles et professionnels,
• Prestataires de services,
• Pouvoirs publics,
• Décideurs politiques,
• Chercheurs,
• Professionnels de santé
a) défendent une conception positive du vieillissement, vu comme une
performance et une avancée tant sur le plan individuel que pour la
société ;
b) affirment que les personnes handicapées vieillissantes doivent jouir
de tous les droits et libertés fondamentaux énoncés dans la « Charte des
Nations Unies » de 1948, et tels qu’ils sont repris dans de nombreuses
autres déclarations et conventions internationales ;
c) confirment l’importance des principes et règles politiques contenus
dans les « Règles Standards des Nations-Unies pour l’Egalisation des
Chances pour les Personnes Handicapées » (1993) ainsi que celle des «
Principes des Nations-Unies pour les Personnes Agées » (1991), qui
mettent en avant les principes d’autonomie, de participation,
d’accompagnement, d’épanouissement personnel et de dignité « de manière
à « mieux vivre l’allongement de la vie » (UN, 1992) ;
d) confirment la diversité des personnes handicapées ainsi que celle des
personnes âgées handicapées ;
e) font référence au « Traité d’Amsterdam » (1997), qui développe le
concept de citoyenneté dans l’Union européenne et renforce les garanties
contre les discriminations (article 13) ;
f) sont attentifs au fait que selon la « Charte européenne des Droits
fondamentaux » (2000) toute discrimination basée sur l’âge ou le
handicap est interdite par l’article 21 et, en conséquence, est une
violation de la dignité de la personne humaine, et sont attentifs au
droit des personnes âgées et des personnes handicapées à bénéficier de
mesures adaptées pour assurer leur autonomie et leur permettre de
participer à la vie sociale (articles 25 et 26) ;
g) réaffirment le principe « Rien nous concernant sans nous » destiné à
s’assurer que les politiques et les mesures affectant les personnes
handicapées ne peuvent pas être décidées sans leur participation et leur
consultation.
1) Déclarent
a) que toutes les personnes handicapées vieillissantes sont des citoyens
à part entière, titulaires de droits qu’ils exercent dans le respect de
leurs choix et de leurs différences ;
b) qu’il faut promouvoir une culture d’autonomie, de dignité, du choix
et du respect pour les personnes handicapées vieillissantes ;
c) que toutes les personnes handicapées vieillissantes ont le même droit
que tout un chacun de prendre elles-mêmes les décisions qui les
concernent ;
d) qu’elles sont présumées capables de faire ces choix et de prendre
leurs décisions ;
e) qu’une aide doit être apportée à ceux dont la capacité à exprimer
leurs choix et leurs décisions est limitée, pour leur permettre de le
faire. Il est essentiel que cette aide respecte la volonté et les
souhaits de la personne, sans l’influencer ;
f) qu’il est inacceptable que les personnes handicapées vieillissantes
continuent à rencontrer des obstacles pour leurs activités et la pleine
participation à la vie sociale ;
g) qu’il est inacceptable qu’un nombre significatif de personnes
handicapées vieillissantes vivent sans respect pour leur dignité dans
des structures d’hébergement inappropriées, contraignantes, isolées et
non centrées sur les besoins individuels, sans égards pour leur volonté,
leurs préférences, leurs besoins et leurs droits ;
h) être très inquiets sur un risque élevé de discriminations multiples
et aggravées envers les personnes handicapées vieillissantes, telles que
l’exclusion sociale, la marginalisation, la pauvreté, des négligences,
ainsi que des violations de droits et des abus ;
i) que les personnes handicapées vieillissantes ont le même droit que la
population générale à des programmes favorisant la santé et la
prévention des maladies, aux soins de santé, ainsi qu’à des systèmes
d’aide adaptés, permettant une meilleure qualité de vie et facilitant
ainsi un vieillissement positif et une pleine participation à la vie
sociale ;
j) qu’il est essentiel de respecter les droits humains ainsi que les
droits civiques dans la vie quotidienne des personnes handicapées
vieillissantes ;
k) que les mesures d’aide à domicile et favorisant la vie autonome
doivent être privilégiées et que les hébergements ségrégatifs (c-a-d les
institutions où l’on ne respecte pas les choix des personnes) doivent
être remplacés par de petites unités de vie intégrées, encourageant la
participation sociale et la citoyenneté, grâce à une stimulation adaptée
et à la réforme des systèmes de protection sociale ;
l) que les personnes âgées, les personnes handicapées et les familles
doivent participer à la définition des politiques ;
m) que les professionnels ainsi que les aidants familiaux doivent être
consultés sur leurs besoins pour l’accompagnement des personnes
handicapées vieillissantes ;
n) que le dialogue entre tous les acteurs ( personnes handicapées,
familles, prestataires, décideurs politiques, chercheurs) doit être
favorisé à tous les niveaux par les Pouvoirs publics.
2) Décident
a) de promouvoir une approche positive des personnes handicapées
vieillissantes permettant de les renforcer ;
b) de défendre les droits humains et civiques des personnes handicapées
vieillissantes très vulnérables ;
c) de renforcer l’insertion et la participation en aidant les personnes
à agir elles-mêmes, et en respectant et aidant les réseaux sociaux et
familiaux existants ;
d) de défendre les besoins des personnes handicapées vieillissantes dans
toutes les politiques et les stratégies mises en place, mais en même
temps de défendre la prise en compte des besoins spécifiques de cette
population par des politiques et des texte spécifiques sur certains
points (méthode à double approche) ;
e) de défendre une approche basée sur les droits de l’homme et centrée
sur la personne, tenant compte des besoins et des préférences
individuels dans la planification, le développement, le financement et
l’évaluation des services fournis ;
f) de demander la mise en place avec les moyens nécessaires de services
de proximité et que la vie intégrée dans la société soit développée pour
remplacer tous les hébergements ségrégatifs.
3) Recommandent
3.1. à la Commission Européenne
a) de produire, dans un livre vert, un cadre pour le développement de
normes relatives à l’aide et aux conditions de vie des personnes
handicapées vieillissantes. Ce livre vert devrait couvrir des domaines
tels que la vie dans la société, accès aux soins et aux services sociaux,
les obstacles à l’emploi, le désign universel, l’e-participation, aussi
bien que les questions relatives au vieillissement et à la fin de vie
dans la dignité ;
b) de prendre ces questions en considération dans le cadre de la méthode
ouverte de coordination en œuvre pour la protection sociale ;
c) de développer une vaste législation contre la discrimination sur la
base du handicap et de l’âge dans tous les domaines de la politique
européenne ;
d) de viser, dans le développement de la législation relative au marché
intérieur et aux transports, les obstacles en matière d’accès aux biens
et services ;
3.2. aux Etats membres
a) de développer des aides pour les personnes handicapées vieillissantes
leur assurant une égale participation à la vie en société, et de viser à
ce que les services aient suffisamment de moyens, soient accessibles,
disponibles et adaptables, y compris les services de santé (Charte
européenne des Droits Fondamentaux, art.21, 25, 26 et 35) ;
b) de prendre l’approche des droits de l’Homme et centrée sur la
personne pour permettre aux personnes handicapées vieillissantes de
vivre dans et participer à la vie de leur environnement ;
c) de remplacer peu à peu tous les lieux ségrégatifs par des
hébergements de proximité individuels ou en petits groupes, et par une
aide aux personnes handicapées vieillissantes vivant dans leur famille ;
d) de développer des programmes spécifiques de promotion de la santé et
prévention des maladies pour les personnes handicapées vieillissantes ;
e) de faire participer activement les personnes handicapées
vieillissantes et leur famille dans des systèmes de management de la
qualité basés sur les résultats pour les personnes ;
f) de développer les modes de défense/représentation des personnes
existant, ainsi que de nouveaux modes, indépendants, neutres, pour
répondre spécifiquement aux besoins individuels des personnes
handicapées vieillissantes qui ne peuvent parler pour elles-mêmes et ne
disposent pas d’un réseau social informel d’aide (ex. famille) ;
g) d’activement anticiper et développer des aides spécifiques pour les
personnes handicapées vieillissantes vivant avec des aidants familiaux ;
h) de s’assurer que la législation nationale encourage et reconnaît le
besoin d’une aide à l’information et à la prise de décision pour les
personnes handicapées vieillissantes, et de changer les systèmes se
substituant à la personne pour la prise de décision et lui enlevant sa
capacité juridique ;
i) d’inclure tous les acteurs, à savoir : personnes handicapées,
familles, prestataires de services sociaux, planificateurs et chercheurs,
dans la définition des politiques et des cadres d’aides et
d’accompagnement ;
j) de développer, pour les professionnels et les autres aidants, des
programmes d’éducation formelle, de formation et d’information sur les
questions du vieillissement et du handicap (connaissances, attitudes et
valeurs), y compris sous l’angle des droits de l’Homme et de la
citoyenneté ;
k) de reconnaître, encourager et récompenser les solutions informelles
d’accompagnement social en leur offrant un cadre attractif ;
l) d’encourager et investir dans la recherche à la fois fondamentale et
appliquée (approche holistique), y compris sur les technologies
d’assistance et les nouvelles technologies relatives aux handicaps dus à
l’âge, ainsi qu’aux effets du vieillissement sur les personnes
handicapées, avec des stratégies de financement à la fois public et
privé ;
3.3. aux divers acteurs sociaux et civils
a) de développer les existantes ou de nouvelles structures sociales pour
veiller au maintien des droits et des libertés fondamentales des
personnes handicapées vieillissantes ;
b) de promouvoir la collaboration entre tous les acteurs dans les champs
à la fois du handicap et des personnes âgées ;
3.4. aux organisations nationales et internationales
a) de disséminer largement les principes de la Déclaration de Graz et de
faire connaître aux administrations et Pouvoirs publics nationaux et
régionaux leur adhésion à celle-ci ;
b) de faire connaître au Président de la Commission Européenne leur
soutien à la présente déclaration.
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