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Les vieux: mythes et réalités

Katia Gagnon, La Presse

Canada

19 fevrier 2006


Photo : Patrick Sanfaçon, La Presse

 

"Câlisse de place de marde. Pas de service icitte. " C'est le cri rituel de Carmen Champagne, qui réclame ses cigarettes au personnel du deuxième étage à toutes les 15 minutes. Le spectacle de cette grande femme, à la mine patibulaire, qui pompe sur ses clopes dans un fumoir de la résidence Maison-Neuve, est à dix mille lieues de la grand-maman gâteau qui constitue notre image type de la personne âgée.

" Dans les journaux, ce qu'on voit, c'est la petite personne âgée, avec une canne, toute fragile. Mais c'est pas toujours comme ça. Y'en a des détestables. Y'en a qui te frappent, qui te lancent leur bol de gruau par la tête ", s'exclame Catherine Tapp, préposée aux bénéficiaires à la résidence Laurendeau.

Car le CHSLD est une micro-société, où les gens vieillissent comme ils ont vécu. Prenez Micheline Gauthier, une bénéficiaire assez jeune, entrée à la résidence Maison-Neuve avec une arthrose sévère couplée à un problème d'alcool. Elle était devenue incapable de rester seule chez elle. De son propre aveu, Mme Gauthier a pris un verre toute sa vie. " Je vais mourir avec un verre dans les mains ", résume-t-elle.


Or, une fois en hébergement, après que furent survenues quelques chutes assez sérieuses, on l'a pratiquement mise au régime sec. Ses bouteilles sont sous clé, dans le bureau de la chef d'unité. " Trois verres par jour. Pas une goutte de plus. Ça n'a pas de bon sens de couper ça aussi radicalement ", s'insurge Mme Gauthier. Et elle n'est pas un cas unique: certains résidants de Maison-Neuve sont affligés de psychoses organiques, tels le syndrome de Korsakoff, une dégénérescence neurologique causé par d'énormes abus d'alcool.

Et comme dans toute société, il y a des patrons et des moutons. Des combats de coqs entre personnalités fortes. Yvette Gendron est la leader du cinquième étage à la résidence Maison-Neuve. Elle a son idée bien arrêtée sur tout, et tout le monde. Et elle entretient une aversion particulière pour une autre résidante, Jeannine Dufresne, une grande femme corpulente, qui, elle aussi, a un tempérament assez fort. " Je lui ai dit ma façon de penser souvent ", dit Mme Gendron.

Il arrive aux résidants des CHSLD de s'épier, de se jalouser, souligne Marie Lapointe, préposée aux bénéficiaires à la résidence Laurendeau. " Les résidants nous demandent souvent: pourquoi tu t'occupes plus d'elle que de moi? "

Jean-Claude Gadbois, lui, est un ancien militaire dont le tempérament a été sérieusement affecté par son passage dans l'armée. À 85 ans, il est devenu le cas difficile de la résidence Maison-Neuve. Il est, la plupart du temps, d'une humeur massacrante. Il lui arrive d'insulter les autres résidants. Il a même, à une occasion, frappé une préposée. Même sa femme, Bibiane, qui partage pourtant sa vie depuis 63 ans, a de plus en plus de difficulté à le supporter. " Quand je suis arrivée ici, il était content. La servante s'en venait ", laisse-t-elle tomber.

On se désole souvent du sort des couples séparés par la mécanique administrative des centres d'hébergement. Mais la plupart du temps, les vieux couples qui tentent de cohabiter aboutissent à l'échec. Le modèle est généralement le même: le mari, autoritaire, réclame sans cesse l'assistance de sa femme, incapable de répondre à ses demandes. Nicole Legault, préposée à Yvon-Brunet, a déjà vu un mari régenter toute la vie de sa femme, même ce qu'elle mangeait. " Elle ne mangeait plus. Elle était devenue toute maigre. " Les deux époux ont demandé à être séparés.

Autre mythe: le bain. Les médias ne cessent de se scandaliser de ce bain hebdomadaire donné aux gens âgés. Il est vrai qu'une minorité de résidants prendrait volontiers davantage de bains. Mais dans les faits, les résidants détestent, pour la plupart, l'épreuve de la baignoire: n'oublions pas que certains d'entre eux se sont lavés toute leur vie à la débarbouillette. Les patients qui soufrent de la maladie d'Alzheimer sont souvent terrorisés par la baignoire. Il faut prendre mille précautions- recouvrir la baignoire d'un drap, les amener de reculons- pour les convaincre de s'y tremper.

Mais le plus grand tabou des CHLSD, c'est la sexualité des personnes âgées. Michelle Bellemarre, une belle grande femme de 65 ans perdue dans les brumes de l'Alzheimer, a été " placée " à contrecoeur par sa fille, car elle était devenue incapable de s'en occuper. Dans sa chambrette de la résidence Maison-Neuve, Mme Bellemarre a pleuré pendant des jours. Jusqu'à ce qu'elle rencontre l'amour, en la personne de Michel Pierre, un autre résidant. Un beau monsieur, charmeur et empressé. L'histoire d'amour des deux tourtereaux, qui n'est pas que platonique, a mis bien du monde mal à l'aise à la résidence Maison-Neuve. Mais devant leur bonheur manifeste, le personnel a rendu les armes. Et depuis, le beau rire de Mme Bellemarre résonne régulièrement dans les couloirs du cinquième étage.

À leur demande, les noms de la plupart des résidants ont été changés dans ce texte.


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