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Senior partage appartement 


Par Olga Molinari, Liberation

 

France


November 13, 2007

Logement. La colocation, solution pratique contre la solitude des retraités.

«Femme, 60 ans, cultivée, distinguée, recherche femme idem pour partager location.» Les petites annonces de ce genre, Notre Temps en publie des dizaines. Rien d’étonnant, ce mensuel destiné aux seniors est souvent le seul moyen pour les plus de 55 ans de trouver un colocataire de leur âge. Car, derrière l’anecdote, il y a une vraie tendance : les retraités se mettent à la colocation, un mode de vie qui n’est plus l’apanage des jeunes. Yvette et Denise partageant un trois-pièces, cela fait sourire ? La situation n’est pourtant pas rare en Suisse, en Allemagne ou encore en Belgique. Dans ces pays, les habitats collectifs pour personnes âgées se sont multipliés depuis quelques années.

Canicule. En France, faute d’organismes adaptés, tout commence doucement. «J’ai mis une petite annonce dans le Chasseur français, raconte Anne, 65 ans. Je ne suis tombée que sur des vicieux.» Cette retraitée au caractère solide cherche toujours une maison à partager dans le Sud. «Je n’ai qu’une toute petite retraite. La colocation serait pour moi le seul moyen de vivre plus confortablement.» Alors, quand Anne a entendu parler du projet des cocons solidaires, elle s’est précipitée sur son téléphone. L’initiative vient de la Trame (1), une association située dans le Gard, née après la canicule de 2003. Il s’agit de mettre en contact des seniors dans toute la France pour qu’ils s’écrivent, s’appellent, se rencontrent et décident de s’installer ensemble. Une solution qui tombe à pic alors que la génération du baby-boom atteint le troisième âge et que les structures d’accueil restent largement insuffisantes.

C’est en observant ses amis que la présidente de l’association, Christiane Baumelle, a eu l’idée de créer ces cocons, «unités de vie collective pour des seniors ne souhaitant pas vivre seuls». Au-delà du jargon, cette ancienne psychosociologue à l’esprit soixante-huitard parle de colocation entre trois personnes ou plus. Un petit groupe soudé, qui vivrait dans une maison rénovée. Une grande chambre avec sanitaires pour chacun, et le reste en commun. Pour elle, il existe différentes raisons de choisir la colocation à 55, 60, ou même 80 ans. «Les avantages financiers d’abord, explique cette retraitée de 67 ans. A plusieurs, le loyer et les charges diminuent. Et puis il y a la solidarité. Avec l’explosion des divorces, tant de gens se sentent seuls une fois à la retraite ! De toute façon, il faudra bien trouver des solutions, parce qu’on ne peut pas compter sur nos enfants pour nous aider.» 

Depuis son lancement, à l’été 2007, le projet des cocons attire beaucoup de curieux, car il est le seul dans ce genre. Il compte même 150 fidèles, de Marseille à Nantes, qui attendent de trouver les bons partenaires de vie pour se mettre en colocation, et 80 % sont des femmes. Pour certaines, le déclic est long à venir. «Plusieurs cocons étaient formés. Et, au moment de s’installer, elles ont pris peur. Perdre ses habitudes de solitaire, c’est difficile», explique Christiane Baumelle. Pourtant, elle peut aisément témoigner du contraire. Depuis trois ans, Christiane partage sa maison de Manduel (Gard) avec Sylvain, 55 ans. Et l’installation d’un homme à domicile s’est faite «très naturellement», précise-t-elle. Le monsieur n’est pas cordon-bleu ?Qu’importe, il bricole, tandis qu’elle se charge de la cuisine. «La répartition des tâches dépend des compétences de chacun. Si je fais une lessive et qu’il a du linge sale, je mets tout dans la machine.» Rien de différent, en somme, d’un foyer normal. «Mais, attention, on ne fait pas tout ensemble, ajoute Christiane, nous avons chacun notre indépendance.» 

En attendant que les premiers cocons se forment, la présidente de la Trame peaufine son projet. Elle a écrit au Premier ministre pour qu’il facilite la création de baux de location collectifs. Et contacté des architectes pour réfléchir à la construction de logements adaptés aux cocons (ascenseurs, salles de bains privatives). Enfin, elle sillonne la France pour convaincre ses adhérents de changer de vie.

Boutade. Aline fait déjà partie des convaincues. Cette retraitée de 65 ans attend la vente de sa maison à Royan, en Charente-Maritime, pour en construire une nouvelle dans la même région, où elle habitera avec d’autres. «Des femmes, insiste-t-elle. J’ai conquis ma liberté, je ne vais pas la confisquer avec un bedonnant !» Derrière la boutade, le besoin d’être entourée pour affronter les années à venir, les dernières. «Vivre avec quelqu’un, c’est comme une sécurité, là, derrière. Si ça ne va pas, on peut demander de l’aide. La maison de retraite ? J’aime mieux me tirer une balle.» 


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