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«Les services aux personnes cachent des horaires en miettes»

Jean-Louis Laville, sociologue, réagit à une enquête sur le marché du travail en 2015

Par Sonya Faure, Libération

France

3 janvier 2007


A l'école, on voulait «faire pompier» ou «maîtresse». Il faudra désormais choisir une carrière d'aide aux personnes âgées. Selon une enquête du Centre d'analyse stratégique et de la Dares, les services aux particuliers sont les métiers porteurs de demain : ils créeront 400 000 emplois d'ici à 2015. Plus que toute autre branche (lire ci-dessous). Jean-Louis Laville, sociologue et professeur au Conservatoire national des arts et métiers revient sur ce bouleversement du marché du travail.

L'explosion des emplois dans les services aux personnes est-elle une bonne nouvelle ?

Quand on parle services aux particuliers, on se focalise sur le nombre d'emplois créés. Ce n'est pourtant pas l'enjeu principal. Méfions-nous des effets d'annonce. Depuis vingt ans, les politiques gouvernementales veulent développer ces emplois, mais jamais une véritable évaluation n'est menée. Derrière ces chiffres se cachent des horaires en miettes, du temps partiel, des degrés de dignité très divers... On mélange des réalités qui n'ont rien à voir : des services de ménage ou de repassage, et des services relationnels auprès des enfants et des personnes âgées, déterminants pour l'avenir de notre société. Longtemps, les femmes s'en sont occupées dans la sphère domestique. Dans les années 50, l'Etat-providence s'en est chargé. Mais avec l'explosion des besoins depuis quinze ans, la baisse du coût de ces services est devenue la priorité des gouvernements. On évoque désormais le marché, les exonérations fiscales... On ne parle pourtant pas de l'achat d'un bien de consommation, mais bien du rapport entre les générations. Ces métiers doivent-ils être laissés au privé ? Faire partie du service public ? Ces questions n'ont jamais été posées, sauf très récemment, avec la proposition d'un service public de la petite enfance par le Parti socialiste.

Quelles conséquences sur le système productif français ?

En France, les services représentent déjà 75 % de l'emploi total. Et parmi ceux qui progressent le plus vite, les services à la personne : entre 1990 et 2000, ils avaient déjà créé 300 000 emplois. Ce qui remet en cause le salariat : quand l'économie était avant tout industrielle, l'emploi, c'était une rémunération correcte et l'assurance de faire partie d'un collectif détenteur de droits. Les emplois de services à la personne, où l'on travaille à domicile au gré d'horaires fractionnés, remettent en cause cette idée d'intégration. Sans collectif, il n'y a plus de garde-fous face aux abus.


Les services à la personne ébranlent aussi la notion d'innovation...

Contrairement aux emplois industriels, où la cadence peut être sans cesse accélérée, les services de proximité ont une productivité stagnante : les employés sont obligés d'être en relation directe avec les usagers, il y a un «temps de contact» que l'on ne peut pas réduire. D'ailleurs, si la croissance française est aujourd'hui deux fois moindre que dans les années 60, c'est notamment à cause de la faible productivité des services. Mais, si ces emplois ne génèrent pas de gains de productivité, comment les financer ? Là, deux modèles s'opposent : soit on baisse les rémunérations des employés des services à la personne (en France, elles sont inférieures à celles des emplois industriels), quitte à multiplier les travailleurs pauvres ; soit on décide d'augmenter les prélèvements (impôts sur le revenu ou cotisations patronales) pour financer le secteur, comme le font certains pays scandinaves. Avec le développement de ces métiers, la question n'est plus celle des progrès techniques, comme au temps de l'industrie, mais celle de la qualité de relation. Il ne faut plus parler technologie, mais innovations socio-économiques. Au lieu de s'intéresser au nombre d'emplois créés, penchons-nous sur leur structure : il faut organiser le secteur, refonder un collectif, éviter les relations de gré à gré entre employé et usager. En Italie, des coopératives sociales associent les salariés du secteur, les usagers et des bénévoles. En Suède, les services aux personnes font partie d'un service public qui regroupe entreprises et associations.
 


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