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Vieillir chez soi en 2030


Par Michaëla Bobasch, le Monde

8 Mars 2008

France

Le robot Ri-Man, entièrement conçu au centre de Nagoya, a été imaginé pour évoluer en milieu hospitalier, dans une société japonaise vieillissante qui manque de main-d'oeuvre et conçoit le robot comme un assistant de vie.
Le robot Ri-Man, entièrement conçu au centre de Nagoya, a été imaginé pour évoluer en milieu hospitalier, dans une société japonaise vieillissante qui manque de main-d'oeuvre et conçoit le robot comme un assistant de vie. 

Véronique a 90 ans. Dès son réveil, détecté par des capteurs, la cafetière se met automatiquement en route, ainsi que le distributeur de médicaments et l'ordinateur qui télécharge le journal. La vieille dame vit seule, mais elle peut, grâce au visiophone, converser de visu avec sa fille, puis commander son repas de midi au traiteur. Gymnastique adaptée à son arthrose du genou sous le contrôle visuel de son kinésithérapeute (télé-rééducation), jeux vidéo pour stimuler son cerveau : la matinée sera vite passée. Equipée de son détecteur de chutes - un simple bracelet porté au poignet, qui surveille également son rythme cardiaque et sa tension -, elle occupera l'après-midi par une promenade avec Annette : sa vieille amie habite le pavillon voisin, de plain-pied comme le sien. 

Quel changement par rapport à la vie des personnes âgées que Véronique a connues vingt ans auparavant ! Quand elle y pense, elle en a un frisson rétrospectif. Le maintien à domicile aboutissait souvent à une grande solitude.

Et lorsque la personne devenait trop dépendante, elle terminait ses jours, qu'elle le voulût ou non, dans un établissement médicalisé. 

Ce scénario imaginaire n'est pas pour autant utopique : c'est dès aujourd'hui, en 2008, que s'amorcent les changements. Dans les pays occidentaux, on prévoit une augmentation considérable du nombre de personnes âgées dépendantes : rien qu'en France, selon l'Insee, 10 millions de personnes auront plus de 75 ans en 2040, dont près de 2 millions atteintes par la maladie d'Alzheimer. Bien trop pour que toutes soient accueillies dans des structures spécialisées. C'est pourquoi les pouvoirs publics tentent d'ores et déjà d'encourager le maintien à domicile, plus économique (1 800 euros par mois en moyenne) que le séjour en maison de retraite médicalisée (2 500 euros).

Dans notre vie actuelle, vivre vieux chez soi suppose une multiplication des services à la personne. Mais cette solution, souhaitée tant pour créer des emplois que pour prendre en charge la dépendance, s'avère difficile, en raison du manque de personnel qualifié et de la baisse du montant des retraites. Demain, c'est donc sur la "gérontechnologie" qu'il faudra avant tout compter pour restreindre les coûts, soulager les familles et sécuriser le domicile. Ainsi qu'en ont témoigné les participants au colloque "Sciences et démocratie" récemment organisé par la communauté d'agglomération de Grenoble Alpes Métropole, certains de ces dispositifs d'aide à la personne sont déjà en cours d'évaluation. A Grenoble, dans des "appartements intelligents" mis au point par des chercheurs du laboratoire d'ingénierie médicale TIMC-IMAG, on trouve par exemple une lampe qui s'éclaire d'elle-même dès que le jour décline, afin de lutter contre l'angoisse nocturne. Ou encore le visiophone grâce auquel les équipes du centre de télé-assistance peuvent entrer en contact avec la personne âgée dès réception d'une alerte.

Verra-t-on à l'avenir se multiplier des aides robotisées plus sophistiquées ? Un déambulateur intelligent, muni de poignées qui vont au-devant des mains de l'utilisateur, l'aide à se lever, détecte et compense ses pertes d'équilibre ? Un distributeur de médicaments, plateau pivotant préalablement garni et programmé par l'infirmière pour une semaine, qui se déverrouille et dispense la dose adéquate au jour et à l'heure prévus ? Des "capteurs de soif" pourraient aussi mesurer le degré d'hydratation du corps, et émettre un signal pour rappeler à la personne âgée qu'il est temps de boire. Tous ces prototypes existent déjà en Europe. Reste à trouver les moyens de leur développement industriel.

Plus généralement, les capteurs devraient révolutionner la télé-assistance. Portés sous forme d'un bracelet électronique ou dans les vêtements, ils analyseront les paramètres vitaux des personnes âgées (taux d'oxygénation du sang, pression sanguine, rythme cardiaque) et les transmettront à leur centre de soins. D'autres encore, placés dans l'appartement, détecteront leurs troubles du comportement (chute, malaise) et émettront une alarme.

Surveillance excessive ? Vincent Rialle, maître de conférences à l'université Joseph-Fourier et praticien hospitalier au CHU de Grenoble, ne néglige pas le problème éthique. Il fait toutefois valoir que les gérontechnologies sont destinées avant tout "à améliorer la qualité de vie des personnes âgées à domicile et à faciliter le quotidien de leur entourage". Mais si ces aides technologiques peuvent éviter ou limiter la dépendance, elles ne remédieront pas à la solitude. Un problème qu'anticipent dès aujourd'hui nombre de seniors.
"Le seul moyen de rendre le vieillissement acceptable, c'est de le vivre de manière solidaire", affirme Monique, 55 ans, qui réfléchit avec un groupe de futurs retraités à un projet d'habitat autogéré, inspiré de l'expérience des "coopératives d'habitants" nées en 2002 à Genève (Suisse). "Le principe consiste à réunir dix à quinze seniors dans un immeuble - chacun chez soi - avec un local commun qui comportera une salle avec coin cuisine pour les repas festifs, une buanderie et un studio. Celui-ci pourra accueillir ultérieurement le cabinet d'une infirmière qui aura sa propre clientèle et un contrat prioritaire avec le groupe de seniors", explique Charles Fourrey, architecte retraité, à l'origine de plusieurs projets de ce type à Grenoble.

Dans la même logique, une autre initiative projette de regrouper des seniors isolés, aux revenus plus modestes, au sein des "Cocons 3S" (cocon pour "colocation, cohabitation, cooptation, convivialité", 3S pour "solidarité, senior, solo"). Il s'agit de maisons où chacun aura sa chambre (de 300 à 480 euros mensuels). Les résidents partageront les frais et effectueront ensemble ou à tour de rôle les tâches quotidiennes : courses, ménage, préparation des repas. Un questionnaire sur leurs habitudes (alimentation, hygiène, horaires, loisirs) permettra de s'assurer que les futurs voisins partagent les mêmes goûts et les mêmes valeurs. Le premier Cocon ouvrira en mai à Aigues-Vives (Gard).

Ces formules sont aux antipodes du lotissement à l'américaine consacré aux seniors, excentré et placé sous surveillance électronique, type Sun City à Phoenix (Arizona), dont plusieurs études dénoncent les effets néfastes (isolement, vie en vase clos). Selon Marc Mousli, chercheur au laboratoire en prospective, stratégie et organisations (Lipsor, CNAM), l'avenir est au retour des seniors en centre-ville. Il leur y sera plus facile de trouver commerces, loisirs, aide ménagère, services de santé et transports en commun. Une prédiction d'autant plus réaliste que la loi no 2005-102 de février 2005 obligeant les villes françaises à devenir, à l'horizon 2015, accessibles aux personnes handicapées, profitera aussi aux personnes âgées.

Dernière raison d'espérer pour les seniors de 2030 : selon Joëlle Gaymu, chercheur à l'Institut national d'études démographiques (INED), la longévité masculine sera supérieure à celle d'aujourd'hui. On vieillira donc davantage en couple... pour le meilleur et pour le pire. 


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