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Vieillissement de la population; Un coup de jeune pour la croissance 

Par Danièle Licata et Elodie Grangié, L´Expansion

1 octobre 2009

France

Grands consommateurs, les papy-boomeurs constituent un formidable moteur pour de nombreux secteurs et un soutien essentiel pour les autres générations.

Mine hâlée et démarche souple, Jean, jeune retraité de 63 ans, est heureux. Il rentre tout juste de Chine, où il a passé trois semaines inoubliables et, déjà, il est vissé devant l'écran de son ordinateur, où des centaines de photos défilent. "Une fois triées, je les enverrai à mes enfants et à mes petits-enfants. Une façon de leur faire partager mon voyage." Comme Jean, ils sont plus de 10 millions d'enfants de l'après-guerre à refuser de se laisser enfermer dans les clichés de la vieillesse. Inutile de leur parler maison de retraite ou tournoi de bridge, ils rêvent de villa au soleil, de loft à Paris, de vacances dans les îles, de grands restaurants et de parties de golf entre copains. Selon une étude de HSBC, 78 % des seniors interrogés perçoivent la retraite comme une période de liberté et de bonheur. Les travaux de l'Insee sont formels : les plus de 65 ans sont de loin les plus heureux des Français.

Les raisons de cette joie de vivre ? Ils sont au coeur d'un triangle magique puisqu'ils ont du temps, de l'argent et la santé. La plupart d'entre eux vivront en effet jusqu'à plus de 84 ans pour les femmes et 77 ans pour les hommes, bien plus longtemps que leurs parents. "Pour la première fois dans l'histoire, le vieillissement de la population s'explique par un allongement de la durée de vie et non par une chute de la natalité", explique Claudine Attias-Donfut, directrice de recherche à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav).

Les chiffres sont implacables : selon les projections de l'Insee, les seniors seront pour la première fois cette année plus nombreux que les moins de 20 ans. En 2035, on comptera 21 millions de personnes de plus de 65 ans, contre un peu plus de 12 millions aujourd'hui ; elles représenteront un tiers de la population. Dans les livres d'histoire, le papy-boom succéderait ainsi au baby-boom.

Mais, par un heureux paradoxe économique, le vieillissement de sa population peut favoriser la naissance d'une nouvelle France, riche et dynamique. "On propose une vision très dramatisée du vieillissement, alors que le phénomène peut être porteur de richesses à la fois économiques et humaines", positive le sociologue Serge Guérin, auteur de La Société des seniors (Michalon). Romain Geiss, chercheur à l'Institut Montaigne et auteur du rapport "Faire du vieillissement un moteur de croissance", enfonce le clou. "La France peut faire le choix de transformer sa population vieillissante en une force plutôt qu'en une faiblesse en créant davantage de richesses, grâce aux gains de productivité et à l'allongement de la durée de la vie active." Autant de tendances favorables au rééquilibrage des comptes des régimes de retraite.

Pour ces partisans de la "croissance grise", la révolution est déjà en marche. Jamais les seniors n'ont eu autant d'argent. Patrimoine inclus, leurs revenus sont supérieurs de 31 % à la moyenne de l'ensemble des actifs et, au total, ils détiennent 60 % des richesses nationales privées. Selon l'Insee, les baby-boomeurs bénéficient d'un niveau de vie supérieur à la fois à celui des jeunes actifs et à celui de leurs aînés. Et ce pour trois raisons : ils ont connu le faste des Trente Glorieuses ; à l'heure de la retraite, ils sont à l'apogée de leur carrière ; on trouve dans cette génération la plus forte proportion de femmes susceptibles de toucher une retraite confortable qui s'ajoute à celle de leur époux. Conséquence : les plus de 50 ans réalisent près de la moitié des dépenses totales de consommation. Quant à celles des jeunes seniors (55-64 ans), elles sont supérieures à la moyenne nationale : 28 913 euros par ménage en 2006, contre 27 784 euros toutes tranches d'âge confondues. Non contents de bénéficier de revenus confortables, les papy-boomeurs recourent aussi plus souvent au crédit à la consommation : 17,9 % des 55-64 ans étaient endettés en 1990, ils étaient 29,2 % en 2007.

"Les seniors deviennent majoritaires en nombre, et le sont déjà en valeur dans de nombreux secteurs, souligne Nicolas Pécourt, directeur des études à Sofinco. C'est un véritable basculement de l'équilibre des consommateurs qui s'opère." Désormais, soucieux de leur corps, de leur alimentation, de leur santé, de leur sécurité, ouverts aux nouvelles technologies et aux cultures du monde entier, ils sont autant de clients potentiels sur des créneaux qui ne demandent qu'à se développer.

Le secteur des soins et des produits de santé est, bien évidemment, l'un de ceux qui va le plus profiter du boom du marché des seniors, tirant dans son sillage la pharmacie, les cosmétiques et la biotechnologie. Tout comme l'automobile (les plus de 60 ans acquièrent 55 % des voitures neuves et 90 % des modèles haut de gamme) ou les nouvelles technologies (50 % des ventes d'iPhone) et, bien sûr, le tourisme. Selon le Crédoc, 47,3 % des jeunes seniors voyagent, contre 38,7 % pour les autres catégories de la population, et une étude réalisée par Sofinco en 2008 note que 70 % des acheteurs de camping-cars neufs ont 50 ans et plus.

Lorsqu'ils restent chez eux, ces jeunes retraités rénovent, réaménagent, décorent leur résidence principale, dont ils sont majoritairement propriétaires. Une aubaine pour les grandes surfaces de bricolage, d'ameublement, de jardinage et de décoration, et pour les métiers du bâtiment : les travaux de rénovation représentent la moitié du chiffre d'affaires d'un secteur qui profite aussi des grandes migrations déclenchées par le passage à la retraite. L'Insee estime ainsi que, d'ici à 2030, le paysage démographique de la France aura bien changé, avec des zones de migration au nord et à l'est et d'autres plus au sud. "L'arrivée des plus de 60 ans représente une chance pour les territoires qui les accueillent. Car, selon une étude américaine, la venue d'un retraité engendre la création de 0,2 à 0,7 emploi", explique Marc Mousli, dans son étude sur la montée en puissance du troisième âge parue à la Documentation française.

Autre gisement d'emplois généré par les néoretraités : l'aide à domicile. Parce qu'ils en ont les moyens ou parce qu'ils ne souhaitent ou ne peuvent plus les assumer, ils ont tendance à sous-traiter les corvées ménagères. Ces trois dernières années, le secteur des services à la personne a progressé de 10 à 12 % par an. Pour le Bipe, le poids de ce marché devrait augmenter de 31 % en euros constants entre 2007 et 2015 sur la tranche d'âge des 65-75 ans, et de 35 % sur celle des plus de 75 ans. A titre d'exemple, le chiffre d'affaires d'Age d'or services, premier réseau spécialisé, a explosé de 47 % en 2008 ! 100 000 postes sont créés chaque année et la secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, Valérie Letard, table sur 400 000 nouveaux emplois au cours des dix prochaines années dans la prise en charge des personnes âgées. "Le secteur ne propose pas que des petits boulots peu qualifiés, précise Bruno Arbouet, directeur général de l'Agence nationale des services à la personne. Plus de 80 % des emplois créés sont des CDI et le salaire moyen est supérieur au smic. Aujourd'hui, nous avons besoin de cadres pour gérer et contrôler les intervenants, et de spécialistes pour les services qui intègrent de nouvelles technologies, comme la visio-assistance."

Les seniors vont aussi apporter leur écot à la croissance en travaillant plus longtemps. Certes, pour l'heure, 38 % seulement des 55-64 ans ont encore un emploi dans l'Hexagone, contre 53,8 % en Allemagne, 58 % au Royaume-Uni et 70 % en Suède. Mais la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et la suppression des incitations aux départs anticipés à partir de janvier 2010 pousseront les entreprises à vouloir conserver leurs salariés les plus expérimentés, quitte à leur proposer un temps partiel ou à recourir au télétravail. Beaucoup de seniors veulent prolonger leur vie active en étant leur propre patron : un nouvel entrepreneur sur cinq a ainsi plus de 55 ans. Une étude de HSBC-université d'Oxford montre qu'ils sont aussi les premiers à donner de leur temps aux associations et qu'ils jouent ainsi un rôle moteur dans l'économie : la "valeur" de leur bénévolat représenterait plus de 7 milliards d'euros par an.

Enfin, les seniors sont devenus les acteurs financiers de plus en plus essentiels de la famille. Pour Claudine Attias-Donfut, coauteur avec Martine Segalen de Grands-Parents (Odile Jacob), là est peut-être la principale révolution provoquée par l'allongement de la durée de vie. Les familles qui étaient autrefois "horizontales" (avec beaucoup de frères et soeurs et moins de générations contemporaines) deviennent progressivement "verticales" : on rencontre des familles comptant cinq générations. Les baby-boomeurs constituent une génération pivot révolutionnant la notion de "grand-parentalité". "Ces liens intergénérationnels sont notamment caractérisés par des transferts financiers importants", constate Nicolas Pécourt. Selon l'Insee, les grands-parents dépensent en moyenne 600 euros pour leurs petits-enfants chaque année. Au total, ces aides à destination des enfants et petits-enfants atteindraient 33 milliards d'euros. La plus grande partie participe aux financements "élémentaires" des enfants : 52 % disent les aider pour les questions liées à l'éducation et 45 %, pour les besoins de la vie courante.

En plus de leurs descendants, les jeunes seniors s'occupent également de leurs parents vieillissants. Dans les années qui viennent, les transferts des jeunes retraités vers leurs aînés augmenteront vraisemblablement, les grands seniors étant de plus en plus nombreux à devenir dépendants, sans avoir les moyens de payer une maison de retraite correcte, difficile à trouver à moins de 3 000 euros par mois.

Mais une fois dissipé l'impact positif sur la croissance de cette première génération de retraités baby-boomeurs, les suivantes joueront-elles le même rôle ? "Rien n'est moins sûr, estime Frédéric Serrière. Ces nouveaux inactifs auront connu le chômage, la crise, des salaires stagnants. Ils auront été obligés de calculer à l'euro près pour se loger, éduquer leurs enfants, et porteront un autre regard sur la société de consommation. Alors que les retraites seront vraisemblablement moins généreuses, leurs achats seront moins frénétiques et leur générosité vis-à-vis de leurs parents, enfants et petits-enfants, moins grande." Autrement dit, cette génération de baby-boomeurs nous offre un sursis pour réformer enfin notre système de retraite.

Des seniors Nombreux, riches et dépensiers

Il y aura 21 millions de plus de 65 ans en 2035, contre 12 millions aujourd'hui.
La consommation des plus de 50 ans représente 48,5 % des dépenses totales.
29 % des 55-64 ans sont endettés, 11 points de plus qu'en 1990.
Les seniors détiennent 60 % des richesses privées et 75 % des portefeuilles boursiers.

600 euros par an : c'est ce qu'ils dépensent en moyenne pour leurs petits-enfants.

Saveurs et vie - Le traiteur des personnes âgées a du pain sur la planche

Danièle Licata

Spécialisé dans la livraison à domicile de repas, Saveurs et vie voit son business s'envoler avec le vieillissement de la population.Prenez l'expérience professionnelle de Paul Tronchon dans la restauration et les métiers de la santé, notamment auprès de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, mixez-la avec les compétences de Patrick Serog, médecin nutritionniste, et vous obtenez Saveurs et vie, l'une des premières sociétés de portage de repas à domicile en France, un secteur en plein boum avec le vieillissement de la population.

Située en plein coeur du marché de Rungis, cette entreprise créée en 2001 offre une prestation alimentaire 100 % adaptée aux goûts et aux besoins d'une clientèle essentiellement senior. "Le premier soin à apporter aux personnes âgées est une approche nutritionnelle spécifique pour éviter les troubles de l'alimentation dont elles souffrent", explique Paul Tronchon.

Alors, à Saveurs et vie, on privilégie la qualité et la diversité des produits pour stimuler l'appétit des plus âgés. Une équipe de nutritionnistes élabore les menus - un plat ne sera pas proposé plus d'une fois toutes les cinq semaines ! Les recettes sont réalisées par des traiteurs, puis goûtées sur place par toute l'équipe. Les produits frais sont achetés au marché de Rungis. Le tout est assemblé là-bas et livré à domicile dans toute l'Ile-de-France, mais seulement deux fois par semaine - respect de l'environnement oblige.

Des repas à moins de 13 euros.

Un business bien rodé, qui a réalisé l'an dernier plus de 1,5 million d'euros de chiffre d'affaires, en hausse de 40 %, pour presque 1 000 repas par jour vendus à moins de 13 euros. Des dispositifs fiscaux ont été mis en place par le gouvernement pour favoriser le recours aux services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées : une réduction de 50 % des dépenses engagées dans l'année sera appliquée aux impôts du retraité, ce qui ramène le coût du repas à moins de 10 euros. "Pour les bénéficiaires de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, il n'y aura pas à avancer l'argent, car nous sommes conventionnés par l'organisme", ajoute Paul Tronchon.

Et l'avenir ? En s'adossant à un grand groupe comme Sodexo, la PME de 23 personnes se voit déjà porter son volume d'activité à 12 millions d'euros d'ici trois ans en touchant plusieurs grandes villes de province, mais aussi en développant des prestations kasher et halal. Sans oublier le haut de gamme : des pourparlers sont déjà engagés avec des grands chefs étoilés et une carte bio est en préparation !

Japon - L'économie tourne autour des aînés

Elodie Grangié

Depuis les années 90, le Japon met tout en oeuvre pour faire de ses seniors un moteur de la croissance. Normal : l'archipel est le doyen du monde. En 2015, un Japonais sur quatre aura plus de 65 ans. Plutôt que de recourir à l'immigration pour amortir le choc démographique, le pays du Soleil-Levant a choisi de réinventer son modèle de croissance. Pour éviter la pénurie de main-d'oeuvre, on sollicite davantage les têtes grises : rythmes et schémas de travail repensés, développement du télétravail, mesures fiscales incitatives en faveur des entreprises et des seniors entrepreneurs, création d'agences publiques spécialisées. Résultat : plus de six Japonais de 55 à 65 ans sur dix sont aujourd'hui au travail.

Les grandes marques nippones ont elles aussi pris le virage de la croissance argentée. "Elles n'appréhendent pas le vieillissement comme un risque pour leur image, mais rivalisent de créativité pour développer des produits intergénérationnels", explique Romain Geiss, chercheur à l'Institut Montaigne. Les pouvoirs publics ont soutenu cette stratégie en restructurant certains pôles de compéti-tivité autour des enjeux clefs du vieillissement : robotique, télémédecine et biotechnologies. En cinq ans, 10 000 entreprises et 250 universités ont été mises en réseau autour de ces secteurs ouvrant des débouchés estimés à plus de 1 400 milliards d'euros.



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