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Démographie, l'exception française 

 

Le Monde


20 Octobre 2009

 

France

Championne d'Europe de la fécondité, la France a adopté le modèle familial scandinave qui associe travail des femmes et naissances hors mariage. Ce qui ne l'empêche pas d'être touchée par le vieillissement de la population
Quel est le secret du " modèle français " ? Depuis quelques années, les démographes, les sociologues et les responsables politiques étrangers se penchent avec perplexité sur le cas de la France : à l'heure où l'Europe est touchée par un recul des naissances, ce pays est devenu le champion d'Europe de la fécondité.

Auteur des Figures de la parenté (PUF, 2009) et du Temps des immigrés (Le Seuil, 2007), François Héran, qui vient de quitter la direction de l'Institut national d'études démographiques (INED), nous explique les paradoxes de la démographie française. Il vient d'être remplacé à la direction de l'INED par Chantal Cases.

La fécondité en France. " Il y a une véritable exception française : en 2008, la France a atteint un taux de fécondité de plus de deux enfants par femme, ce qui fait d'elle la championne d'Europe. A elle seule, elle assure les trois quarts de l'excédent naturel de l'ensemble du continent européen ! Ce phénomène est d'autant plus intéressant que la France revient de loin : à la fin des années 1930, elle était le pays le plus vieux du monde. La génération de ma grand-mère, c'est-à-dire les personnes nées un peu avant 1900, avait une fécondité qui ne garantissait pas le remplacement des générations. Le renouvellement de la population est donc mieux assuré aujourd'hui qu'au début du XXe siècle! "

Les raisons de cette forte fécondité. " En France comme dans tous les pays européens, le calendrier des naissances s'est décalé : les femmes ont des enfants de plus en plus tard, le premier arrivant en général un peu avant 30 ans. Mais, alors que les Allemandes, les Italiennes, les Espagnoles et les femmes qui vivent en Europe centrale s'en tiennent là, les Françaises, elles, ont un deuxième enfant après 30 ans. Ces maternités tardives permettent aux Françaises de rattraper le retard à la vie en couple et à la fécondité qui touche aujourd'hui tous les pays européens.

La deuxième caractéristique de la fécondité française est qu'elle a désormais lieu majoritairement hors mariage : en 2008, près de 52 % des enfants étaient issus d'un couple non marié. En trente ans, la France s'est donc éloignée du modèle latin de l'Europe du Sud, où le taux de naissances hors mariage est très faible, pour se rapprocher du modèle scandinave : des femmes qui travaillent, un calendrier de fécondité tardif et des naissances hors mariage nombreuses.
Ce qui est fascinant, c'est que ce modèle scandinave garantit aujourd'hui des taux de fécondité élevés. Il y a trente ans, les pays qui avaient le plus de divorces et de naissances hors mariage avaient en effet les taux de fécondité les plus bas d'Europe. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Ce qui était autrefois un indicateur d'altérations des structures familiales est devenu un indicateur de souplesse : grâce à cette flexibilité de notre modèle, les hommes et les femmes optent plus facilement pour la vie de couple et réalisent plus aisément leur désir d'enfant.

Au Japon, en Corée ou en Italie, on pense au contraire qu'il vaut mieux être marié pour avoir des enfants et que les femmes restent à la maison pour les élever. En raison de cette rigidité des structures familiales, l'extrême Orient et l'Europe du Sud battent tous les records de basse fécondité. Dans ces pays, les femmes ne refusent pas d'avoir des enfants : elles refusent seulement les conditions qui leur sont faites dans le mariage et le renoncement au travail qu'implique une naissance. "

Le rôle de la politique familiale française. " La politique familiale française a l'avantage d'offrir une large palette de choix : les modes de garde sont très diversifiés - crèches, assistantes maternelles, haltes-garderies -, même s'ils sont insuffisants pour les enfants de moins de 3 ans. L'école maternelle, qui scolarise les enfants dès l'âge de 3 ans, est sans doute l'un des éléments fondamentaux du système. Mais la clé de la réussite de la politique familiale française, c'est sa continuité : elle fait l'objet d'un consensus très fort acquis au lendemain de la seconde guerre mondiale et régulièrement reconstruit depuis lors par les générations successives. Lors de la dernière campagne présidentielle, en 2007, ni la droite ni la gauche n'ont d'ailleurs remis en cause les fondements de cette politique. "

La contribution de l'immigration. " La France a été le premier pays d'Europe à faire appel à l'immigration : au milieu du XIXe siècle, alors que l'Allemagne, la Scandinavie, la Grande-Bretagne et l'Italie expédiaient par millions leurs pauvres dans le Nouveau Monde, la France accueillait déjà des migrants. Cette politique n'a quasiment pas connu d'interruptions, à part à la fin des années 1930, durant les guerres et, en 1974, avec l'arrêt de l'immigration de travail. Cet apport d'habitants supplémentaires n'a jamais dépassé un tiers de l'augmentation annuelle de la population, mais il a contribué, au fil des décennies, à renouveler la composition de la population : l'enquête Famille de l'INED, en 1999, a montré que 22 % des personnes vivant en France avaient au moins un grand-parent né à l'étranger. "

Les deux ingrédients du vieillissement. " Le premier ingrédient est tout simplement l'allongement incroyable de l'espérance de vie que nous avons connu depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les démographes des années 1970 n'avaient absolument pas prévu une telle augmentation : ils voyaient bien que la mortalité infantile était en train de baisser, mais ils ne pensaient pas qu'il y avait un tel réservoir de longévité au grand âge. Ces progrès ont été accomplis grâce aux découvertes médicales, mais aussi grâce aux soins que nous prodiguons à nos aînés : la canicule de 2003 a montré, par exemple, qu'il suffisait de donner régulièrement à boire aux personnes âgées et d'installer la climatisation dans les maisons de retraite pour éviter les 15 000 décès supplémentaires enregistrés cette année-là. Depuis les années 1960, nous gagnons tous les ans trois mois d'espérance de vie, ce qui est sans précédent dans l'histoire de l'humanité !

Le second ingrédient, c'est le baby-boom de l'après-guerre, qui a été, en France, beaucoup plus long et plus puissant que dans les autres pays européens. En 1946, la France a brusquement enregistré 200 000 naissances supplémentaires et ce phénomène a duré pendant près de trente ans ! Les enquêtes ont montré qu'un quart de ces naissances n'était pas désiré et qu'un autre quart était intervenu à un moment indésirable, ce qui explique que la contraception ait, à la même époque, fait l'objet d'une demande très forte... Ces générations nombreuses de l'après-guerre commencent aujourd'hui à atteindre l'âge de la retraite, ce qui nourrit le processus de vieillissement de la population française. "

Le calendrier du vieillissement en France. " D'ici à cinquante ans, le nombre de personnes âgées devrait doubler et le nombre de décès progresser de 40 %. Le nombre de centenaires devrait, lui aussi, augmenter : j'ai rencontré un jour le maire de Tours qui m'a dit qu'il pouvait, il y a dix ans, fêter un à un les 100 ans des habitants de sa commune, mais que cette tâche était devenue impossible ! Aujourd'hui, nous ne sommes pas encore entrés dans la grande période du vieillissement car nous bénéficions encore des classes creuses de la guerre de 1914 : les personnes âgées de 94 ans sont nées en 1916, pendant un conflit qui a provoqué un déficit de 1,5 million de naissances. Dans trente ans, en revanche, lorsque les baby-boomers atteindront le grand âge, la prise en charge de la dépendance représentera un enjeu important. Les années gagnées en espérance de vie sont plutôt des années en bonne santé mais les personnes âgées seront très nombreuses du fait de l'importance, en France, du baby-boom.

Du fait de ce vieillissement des baby-boomers, les équilibres entre générations vont profondément se modifier. D'ici cinquante ans, le rapport de soutien - le rapport entre les 15-64 ans et les plus de 65 ans - va s'effondrer. En 1900, la France comptait huit personnes d'âge moyen pour une personne âgée, on n'en compte plus que quatre aujourd'hui et seulement deux dans cinquante ans...
La France va donc devoir accueillir des surcroîts de population âgée, comme nous avons accueilli les enfants du baby-boom, les rapatriés en 1962 ou les immigrés dans les années 1960. Finalement, toute la politique de la France depuis 1945 a consisté à accueillir des surcroîts de population qui étaient pour la plupart inattendus!


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