La
Société royale du Canada (SRC)
publie un rapport attendu sur la prise de
décisions en fin de vie, dans lequel des
experts recommandent au gouvernement
fédéral de légaliser
l'euthanasie et le suicide assisté dans
un cadre étroitement
réglementé.
Le groupe d'experts estime que le suicide
assisté et l'euthanasie volontaire
devraient être permis pour les personnes
aptes à prendre une décision libre
et éclairée. Cette mesure risque
de relancer le débat sur le sujet au
pays, le rapport ne recommandant pas de limiter
la pratique de l'euthanasie seulement aux
malades en phase terminale.
Actuellement au Canada, la cause de Sue
Rodriguez fait jurisprudence. Cette femme
atteinte de la sclérose latérale
amyotrophique (SLA), appelée aussi
maladie de Lou Gehrig, demandait qu'on autorise
légalement quelqu'un à l'aider
à mourir. En 1993, dans un jugement
très partagé (5 membres contre 4),
la Cour suprême du Canada avait conclu
que, dans l'état actuel du droit, on ne
pouvait pas faire exception à la loi
interdisant l'aide médicale au suicide.
Selon Daniel Weinstock, l'un des auteurs du
rapport publié mardi, les choses ont
beaucoup changé depuis. En entrevue
à RDI, le chercheur en éthique et
en philosophie de l'Université de
Montréal a rappelé qu'à
l'époque, si les juges de la Cour
suprême avaient pris en compte les risques
de dérapages pour justifier leur
décision, ils avaient également
évoqué l'absence de pays
comparables au Canada en termes de culture
politique ayant choisi la
décriminalisation.
Pour M. Weinstock, avec la
décriminalisation de la pratique dans des
pays comme la Belgique et les Pays-Bas, «
nous avons maintenant des raisons de penser
qu'il est possible de réglementer la
pratique de manière à
éviter les abus ».
« Une
personne comme Sue Rodriguez devrait avoir le
droit de déterminer les conditions de
sa mort, non seulement quand elle est à
l'agonie, dans les derniers jours de sa vie,
tel qu'indiqué par le pronostic
médical, mais également si elle
sent que la progression de sa maladie serait
telle qu'elle serait incompatible avec sa
manière de concevoir une vie
acceptable.
»
— Daniel Weinstock, membre du comité
d'experts de la Société royale
du Canada
S'ils proposent de décriminaliser
l'euthanasie et le suicide assisté, les
experts mandatés par la
Société royale du Canada estiment
que des mesures doivent être mises en
oeuvre pour éviter les dérapages.
« Il faut un cadre réglementaire
très étroit dont la principale
fonction est de s'assurer que lorsqu'une demande
est faite, on a affaire à une personne
qui exprime un désir qui est
informé, rationnel et persistant dans le
temps ».
Des mesures
pour les provinces
Le groupe d'experts stipule par ailleurs que si
le gouvernement fédéral, qui a
déjà clairement indiqué ne
pas vouloir rouvrir le débat sur
l'euthanasie et le suicide assisté,
n'allait pas de l'avant avec la
décriminalisation, les provinces
devraient mettre en oeuvre certaines mesures de
leur côté. Les provinces pourraient
aller elles seules de l'avant en indiquant
clairement qu'elles ne poursuivront pas les
professionnels de la santé
impliqués dans la mort assistée.
Selon Jocelyn Downie, membre du groupe
d'experts, l'euthanasie et le suicide
assisté surviennent de toute façon
au Canada et dans d'autres pays où ces
pratiques sont illégales.
La cause de Gloria Taylor
Une
Britanno-Colombienne de 63 ans demande
actuellement à la Cour suprême de
la province d'invalider la loi canadienne et
de lui accorder le droit au suicide
médicalement assisté. Atteinte
comme Sue Rodriguez de sclérose
latérale amyotrophique, elle souhaite
que son médecin l'aide à mettre
fin à ses jours avant que sa souffrance
ne devienne intolérable.
Les Canadiens
ne discutent pas assez de la mort.
Outre les questions légales
reliées à l'euthanasie et au
suicide assisté, les experts ont
étudié l'ensemble des
décisions que les Canadiens doivent
prendre en fin de vie.
Les experts soulignent que les gouvernements et
institutions ne se préparent pas
suffisamment à la mort des citoyens, de
même que les familles sont trop souvent
prises de court par celle de leurs proches. Ils
demandent donc que l'attention soit
portée à l'accès aux soins
palliatifs, qualifié de «
médiocre » au Canada, aux
testaments et à l'éducation pour
mieux encadrer les soins de fin de vie des
patients.
Les experts estiment par ailleurs que les
incertitudes relatives au statut juridique de
l'abstention et de l'interruption des
traitements susceptibles de maintenir le patient
en vie sans le consentement de la personne
concernée doivent être
résolues.
Le rapport stipule que si une majorité de
citoyens souhaitent finir leur vie à la
maison, entourés de leurs proches, ils
meurent actuellement pour la plupart en
institution. Au Canada, 68,6 % des gens meurent
à l'hôpital. Au Québec,
cette proportion grimpe à 86 %.