22 millions
de 50+ font le marché de l’auto
«Elle a six ans, 65 000
kilomètres. Elle a toujours dormi dans
un garage. » Le concessionnaire a
proposé à
Bénédicte, 57 ans, professeure
agrégée de lycée à
Paris et mère divorcée de trois
grands enfants ,de lui reprendre sa Mini 15%
au dessus de l’Argus. Bénédicte
a envie de se laisser tenter par une BMW 3.
Elle pourra y loger plus facilement ses trois
petits enfants pour aller à sa maison
de campagne, dans le Perche.
Bénédicte fait partie de ces 22
millions de 50 ans et plus qui font et feront
encore longtemps les beaux jours de
l’industrie automobile.
Ils forment en effet la catégorie
d’âge la plus nombreuse et disposent des
revenus les plus élevés. Les
plus de 50 ans et les seniors
bénéficient de revenus
imposables supérieurs de 38% en moyenne
à ceux des moins de 50 ans.
La voiture
modulable de Patrick
Par ailleurs, le nombre des 50+ va continuer
à croître. En 2050, ils
représenteront 50% de la population.
Séparée depuis une dizaine
d’années, Bénédicte vit
dans un pimpant trois-pièces du 14°
arrondissement. Elle ne nourrit plus
l’intention de convoler, ni de cohabiter
à temps plein. Son ami actuel, Patrick,
53 ans, est un comédien qui vit
essentiellement de ses cours d’art dramatique
et des séances de coaching qu’il donne
pour des cabinets de relations publiques
chargés de l’image et de la parole de
leaders économiques.
Patrick conduit une petite voiture
étrangère dont il
apprécie la modularité. Elle
permet d’y loger aussi bien ses enfants que
les petits meubles qu’il restaure et achemine
à la maison du Perche. C’est presque
chaque week-end qu’il s’y rend, des fois
même en milieu de semaine. Son emploi du
temps est moins rigide que celui d’un
professeur.
Quatre fois
plus de maisons de campagne que les 35/49
ans
Les seniors sont les principaux
détenteurs de maisons de campagne,
puisque 3,4 millions d’entre eux en ont une,
contre 845 000- le quart- pour les 35/49 ans.
Cette résidence secondaire motive
effectivement l’achat d’une voiture fiable et
bonne routière. Elles se situent le
plus souvent dans un rayon de 300
kilomètres du domicile principal.
Ajoutons que même lorsqu’ils n’ont pas
de voiture, les seniors voyagent puisqu’ils
partent au moins quatre fois en vacances ou en
week end dans l’année. Est-ce à
dire qu’ils disposent d’un temps de loisirs
plus important que celui de leurs cadets ?
Oui, souvent, mais cette latitude est aussi
fonction de leur situation.
L’élément déterminant
réside surtout dans leur attitude
à l’égard des loisirs qui
répond plus à un critère
de génération que d’âge.
En effet, les seniors d’aujourd’hui se vivent
plus jeunes que la génération
précédente. A 55 ans, on se
perçoit et on veut vivre sur le mode
d’une personne de 45 ans, à 65 ans, on
en a 49 dans sa tête. On n’est pas
prêt à cesser de mordre la vie
à pleines dents. Les boomers, qui sont
les principaux acteurs du marché de
l’immobilier régissent aussi le
marché de la voiture neuve vendue aux
particuliers.
1,2 millions
de voitures particulières neuves, 55%
aux 50+
2,2 millions de voitures neuves ont
été vendues en France en 2011,
dont 1,2 million aux particuliers et 660 000
aux seniors. Ils comptent pour 55% des
acquisitions particulières.
Comme 58% des propriétaires de
Mercédès, Georges, 63 ans, un
garçon de 12 ans, est un senior. 2%
seulement des Français possèdent
une Mercédès achetée
neuve, mais 533 000 des 917 000
propriétaires ont plus de 50 ans.
La marque bénéficie aux yeux des
plus âgés d’une sorte de valeur
symbolique. Elle valorise visuellement une
réussite professionnelle ou un statut
social. Georges y voit davantage un outil de
travail. Directeur éditorial d’une
maison qui publie essentiellement des livres
pratiques et des guides touristiques
régionaux, Georges passe moins de temps
assis à son bureau qu’en
déplacement, en visite à un
auteur, en négociation dans une
imprimerie ou chez un papetier. D’où le
besoin d’une grande routière, la
voiture préférée de 32%
des seniors contre 26% dans la moyenne de la
population. Georges « est
Mercédès » depuis vingt
ans.
40% des
propriétaires de 4×4
Mais, chasseur à l’époque, il
avait hésité, avec un 4X4, un
Range Rover, dont 40% des possesseurs sont des
seniors. La seule caractéristique qui
les réunisse est leur goût pour
des voitures sûres, sexy et
confortables. Le prix est un critère
important de leur choix, mais surtout le bon
rapport qualité prix. Les seniors sont
les principaux acheteurs (55%) dans la gamme
des véhicules de plus de 18000 euros.
Donc mieux vaut ne pas les considérer
comme une clientèle acquise à
une marque, par appartenance familiale ou
tradition.
« Je suis née Citroën,
grand-père avait une traction 15
où il enfournait toute la famille,
papa, une DS qui faisait l’envie de mes
copines. se faufilait presque partout en
souplesse. Ca me faisait l’impression d’un
paquebot. »
Armelle, une Bretonne de 62 ans, assistante
sociale en Basse-Normandie, a pourtant
opté pour une petite citadine
coréenne. Son atout ? Lui permettre de
se garer un peu partout, au gré des
visites qu’elle doit accomplir dans les
familles et de ses réunions avec les
diverses instances publiques.
7 seniors sur
10 décident un achat en 3 mois !
32% des seniors ont un faible pour les petites
citadines contre 28% pour la moyenne de la
population. Celle d’Armelle est absolument
rutilante. Achat typiquement boomer sur un
coup de tête raisonné. Rapide
aussi. Une habitude chez les 50+. 7 sur 10
mettent moins de trois mois en moyenne
à se décider en faveur d’un
nouveau véhicule. Aujourd’hui, beaucoup
gardent un fort attachement à une
marque nationale. Qu’achètent-ils ? A
45 % un véhicule français. 16%
optent d’emblée pour une marque
étrangère. 39% ne savent pas.
Autrement dit, les marketeurs ont de quoi
s’amuser. En effet, on compte 6,1 millions de
seniors susceptibles de s’acheter une voiture
dans les deux ans. Ces 39% représentent
2,4 millions de clients potentiels à
séduire. Mais, même si les
Français continuent à dominer
leur marché, les étrangers y
sont solidement implantés. Citroën
compte une proportion de 46% de seniors parmi
les acheteurs de ses 10,3 millions de
véhicules en circulation (4,7 millions
de seniors). Un pourcentage identique à
celui de Toyota (44%) qui a vendu 758 000 de
ses voitures aux 50+
Assistance
électronique et subtilités
ergonomiques
« Pourquoi je préfère une
Japonaise ? Simple, je n’ai aucune envie de
m’embêter avec une multitude d’options
qui dépasseront mon budget. Leurs
véhicules sont désormais
très bien finis et très bien
pourvus en série. Je me vis comme un
opportuniste sur roues. Si ça se trouve
dans trois ans, j’opterai pour une
Peugeot ou une Renault qui ont aussi de
gentils cabriolets qui pètent le
feu» . A 61 ans, Jacques, un ancien
cadre du secteur aérien, a pu s’offrir
la jolie voiture rouge dont il rêvait
à 20 ans pour frimer coude à la
portière, cheveux au vent, sur le
remblais de la plage des Sables d’Olonne. A
l’époque, il se serait offert un
tape-cul anglais qui lui aurait
défoncé les côtes au
moindre nid-de-poule. Aujourd’hui, il s’offre
un véhicule rutilant au capot plongeant
comme une invitation, mais bourré
d’assistance électronique et de
subtilités ergonomiques. Sièges
chauffants, pédales sensibles, assise
à mémoire…Le constructeur a
parfaitement anticipé pour
répondre aux désirs et aux
besoins du senior. Car capituler est un terme
inusité pour les boomers. Ils livrent
bataille aussi longtemps que le plaisir
gouverne, aussi longtemps que la santé
permet de considérer la retraite comme
une RTT géante.