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La loi belge sur l’euthanasie pose toujours question


La Croix

11 Mars 2012

  Belgique


 

Début 2002, le Parlement belge a adopté une série de « lois relatives à la fin de vie » . En plus d’une « loi sur les droits du patient » – permettant notamment de refuser l’acharnement thérapeutique – et d’une autre sur les soins palliatifs, députés et sénateurs ont voté cette année-là la loi sur l’euthanasie, en dépit de l’opposition, réitérée, de la Conférence des évêques de Belgique notamment. Comme le souligne le professeur Étienne Montero, doyen de la faculté de droit de Namur et président de l’Institut européen de bioéthique, « les législateurs avaient alors trois objectifs majeurs en tête : sortir l’euthanasie de la clandestinité, garantir qu’un médecin la pratique, et garantir le respect de la volonté du patient » .

Au terme de plusieurs années de débats, des balises avaient donc été placées : un texte n’ouvrant pas un « droit à l’euthanasie » mais « un droit à la demande d’euthanasie » et une dépénalisation concernant un geste pratiqué uniquement par un médecin, après avis d’un confrère indépendant, sur un patient majeur ou mineur émancipé, conscient, se trouvant dans une situation médicale sans issue, faite de « souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et inapaisables », ou sur un patient irréversiblement inconscient, mais ayant rédigé une « déclaration anticipée » depuis moins de cinq ans.

La loi a mis également en place une commission fédérale de contrôle et d’évaluation chargée de vérifier, sur la base des déclarations obligatoires des médecins, la conformité des procédures suivies et, en cas d’irrégularité, de demander des précisions, voire de transmettre le dossier à la justice.

80 % DES CAS EN FLANDRE
Dix ans plus tard, les statistiques concernant les déclarations qui sont parvenues à la commission font état d’une progression régulière du nombre d’actes. Le cap des 1 000 cas annuels a été franchi l’an dernier : 1 133 cas enregistrés, soit 1 % du total des décès en Belgique en 2011.

Les déclarations, rédigées en néerlandais dans plus de 80 % des cas, montrent que l’euthanasie est surtout pratiquée en Flandre. Mais certaines zones d’ombre subsistent : en dix ans, la commission de contrôle n’a pas transmis un seul dossier au parquet et elle précise, dans ses rapports réguliers aux chambres législatives, qu’elle « n’a pas la possibilité d’évaluer la proportion du nombre d’euthanasies déclarées par rapport au nombre d’euthanasies réellement pratiquées » .

Le professeur Montero y voit la preuve que l’euthanasie n’est pas sous contrôle : « La commission n’est finalement qu’une chambre d’enregistrement, dénonce-t-il. Elle opère a posteriori, reste tributaire de la déclaration des médecins et interprète la loi de manière très souple, notamment pour évaluer la notion de“souffrances psychiques”. »

Le professeur Marc Englert, rapporteur de la commission, souligne pour sa part qu’aucune déclaration n’a mis en évidence des violations de la loi. Quant à la possibilité d’euthanasies illégales, il balaie l’argument : « Je ne connais aucun médecin qui oserait pratiquer une euthanasie sans le dire. » Il rappelle leurs réticences. « Cela reste un acte difficile ; les médecins sont souvent désemparés. Ils peuvent refuser et font alors appel à des confrères qui ont déjà pratiqué l’acte. » Ceux-ci sont plus nombreux en Flandre, dans les unités de soins palliatifs de certains grands services hospitaliers, dans un contexte de prise en charge de la fin de vie.

RESPECT DE LA VOLONTÉ DES PATIENTS
« Avec la législation actuelle, le curseur n’est plus fixé sur le respect de la vie mais sur “le respect de la volonté des patients” qui souhaitent évidemment mourir avec le moins de souffrances possible. À partir de là, chaque unité de soins palliatifs a un peu sa philosophie », explique le docteur Isabelle de Bock, un des quatre médecins de l’unité de soins palliatifs des Cliniques de l’Europe, à Bruxelles. Elle refuse pourtant de pratiquer cet acte, auquel elle « n’adhère pas » . « Mes patients savent que je me refuse à dépasser l’interdit du meurtre. Je laisse donc l’euthanasie à mes confrères, même s’il est arrivé qu’on me reproche alors de ne pas accompagner mes malades jusqu’au bout. »

S’appuyant sur des enquêtes qui estiment que seules 50 % des demandes d’euthanasie sont accordées, certains médecins demandent désormais à aller plus loin, envisageant, par exemple, la prise en charge de patients qui ne seraient pas en phase terminale. Plusieurs propositions visant à élargir le champ d’application de la loi ont été déposées au Parlement depuis 2002. Les trois dernières datent de l’automne 2010 ; elles proposent d’étendre la loi aux mineurs et aux personnes devenues démentes ou incapables de s’exprimer.

Une révision de la loi ne semble toutefois pas à l’ordre du jour. Des médecins participant à une journée de réflexion organisée par le Centre de biomédecine de l’Université catholique de Louvain ont dénoncé une évolution dangereuse : « Il y a toute une génération, éduquée à la performance, qui angoisse à l’idée de devenir un jour un poids pour ses proches et pour la société », a aussi déploré un généraliste confronté directement aux interrogations de ses patients, s ’inquiétant d’une « médiatisation qui présente parfois l’euthanasie presque comme un droit individuel, exigible auprès du corps médical » .


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