L’année européenne 2012 est
promulguée année du
vieillissement actif et de la
solidarité
intergénérationnelle.
D’après la Commission
européenne, "cette initiative vise
à améliorer les
possibilités d’emploi et les conditions
de travail des personnes âgées,
de plus en plus nombreuses en Europe, afin de
les aider à jouer un rôle actif
dans la société et à
encourager le vieillissement en bonne
santé" (septembre 2010).
Ces initiatives nous rappellent que les
seniors constituent un potentiel
démographique et économique, et
qu’ils représentent une
catégorie d’acteurs incontournable des
débats actuels (utilisation de
nouvelles technologies, la santé,
intention de vote, etc.). Cet
intérêt croissant envers cette
catégorie de la population est une
invitation à nous pencher sur un
nouveau phénomène : la
création d’entreprise par les seniors.
Émergence
des seniors entrepreneurs : les
"seniorpreneurs"
Forts de leur carrière et de leur
expérience, les seniors semblent
s’intéresser aux activités
entrepreneuriales de manière active et
décomplexée. Le New York Times
en avait fait le constat en 2009. En 2020, on
verra sans doute apparaître des
"néo" entrepreneurs de 70 ans et plus.
En France, plus de 50 000 personnes d’au moins
50 ans ont créé une entreprise
en 2008 (ACPE). En 2010, 51% des seniors
salariés ou à la recherche d’un
emploi se disent prêts à
entreprendre (CSA et l’APCE). Ces chiffres
prennent en compte les dispositions
récentes liées à
l’auto-entreprise. Leurs modalités de
mise en place, très souples, ont pu
créer un "effet d’appel" dont le retour
pratique reste à évaluer. Cette
nouvelle catégorie d’entrepreneurs,
ayant entamé une expérience de
création passée 50 ans,
désigne ce que l’on nomme "les
seniorpreneurs".
L’entrepreneuriat
des seniors : origines du
phénomène
Subi ou souhaité, plusieurs facteurs
expliquent l’entrepreneuriat des seniors :
- L’entrepreneuriat comme complément de
revenu : pour le sociologue Serge
Guérin (2011), les octogénaires
sont obligés de reprendre une
activité professionnelle pour faire
face à une augmentation du coût
de la vie. L’entrepreneuriat permet de
générer des revenus
complémentaires pour assurer son
quotidien (s’il est en situation de
chômage) ou un complément de
salaire (retraite non suffisante, faire
perdurer un rythme et une qualité de
vie).
- Malgré lui, le senior se
désengage de la vie sociale
après la retraite. Les contacts
professionnels forgés tout au long
d’une carrière s’évaporent.
Jusqu’à présent, les solutions
proposées pour favoriser une certaine
continuité se bornaient au
bénévolat, et à
l’associatif. L’entrepreneuriat des seniors
est donc une question de lien social,
d’activité et de transmission dans la
sphère lucrative.
Le "seniorpreneur" souhaite prolonger son
activité professionnelle, faire face au
désengagement social provoqué
par la cession d’activité. Il
ambitionne également de transmettre aux
générations futures ses
connaissances, son savoir-faire et son
expertise. C’est ainsi que les
"seniorpreneurs" sont devenus les acteurs
majeurs de l’entrepreneuriat social.
Les
"seniorpreneurs", un entrepreneuriat
oublié
En France, près d’un senior sur deux
finance sa propre création
d’entreprise. Ils s’appuient sur leurs
compétences, leurs réseaux
personnels et professionnels pour créer
leur propre emploi. Rares sont les structures
qui accompagnent les seniors dans leur
aventure entrepreneuriale. On peut citer
l’exemple de l’association EGEE (Entente des
Générations pour l'Emploi et
l'Entreprise) principalement constituée
de bénévoles et d’anciens chefs
d’entreprises (prestataires seniors).
Au niveau des aides à la
création et à l’accompagnement,
on constate qu’aucune aide spécifique
n’est accordée aux seniors qui
souhaitent entamer une création
d’entreprise. L’ACCRE peut permettre sous
certaines conditions d’accéder à
une exonération des charges sociales
pendant un an et le NACRE propose un
accompagnement et un prêt à taux
zéro.
Le dispositif NACRE prend en compte
formellement "les demandeurs d’emploi non
indemnisés de mois de 26 ans ou de plus
de 50 ans". Ces deux aides ne sont pas
exclusives aux seniors, mais de par les
critères d’obtention (demandeurs
d’emplois, minima sociaux, etc.), la part des
seniors est infime. Toutefois, il faut bien
préciser qu’un léger effort de
la part des pouvoirs publics a permis le
changement des dispositions de la CNAV. En
effet, il n’y a plus aucune contrainte
à cumuler retraite et activité
professionnelle, la seule obligation
étant d’informer sa caisse de retraite,
par courrier.
Les structures de financement que sont France
Active et France Initiative (par exemple),
relayées localement par leurs
plates-formes d’initiative locale,
intègrent dans leurs "bonnes pratiques"
le suivi personnalisé des seniors, mais
de manière variable selon la
sensibilité des chargés de
mission ou l’influence des politiques locales
de l’emploi.
Quel
accompagnement pour les "seniorpreneurs" ?
Des structures à créer
À l’image de l’AGEFIPH, structure
proposant l’accompagnement et le financement
des porteurs de projets handicapés, il
serait intéressant de proposer un
accompagnement destiné exclusivement
aux seniors, via des réseaux à
la manière de la
"Fédération pionnières"
dédiée aux femmes
entrepreneures. Nous espérons
également optimiser les
mécanismes de financement
adaptés aux seniors entrepreneurs.
Enfin, il serait également pertinent de
mettre en place un fonds européen
d’aide à la création
d’entreprise exclusive aux seniors.
Si l’année européenne 2012 est
l’année du vieillissement actif et de
la solidarité
intergénérationnelle, elle devra
se pencher sur l’entrepreneuriat des seniors
qui, rappelons-le, est créateur de
valeur ajoutée économique et
sociale. L’entrepreneuriat des seniors n’est
pas une mode et ne cesse de croitre. Un
accompagnement spécifique et
ciblé permettra de pérenniser
ces firmes ainsi que tous les effets positifs
qui en sont issus : notamment créer un
tissu économique et social durable. En
reprenant des initiatives existantes, nous
avons illustré ce qui peut être
fait, et aussi montré l’envergure du
chemin qui reste à parcourir.