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Faut-il instaurer un droit à mourir ?


L’Express

 
23 Février 2012

  France




 

La fin de vie s'est invitée dans la campagne, après que François Hollande a dévoilé son projet d'autoriser l'aide médicale assistée à mourir. Une proposition défendue par Marisol Touraine, la "Madame Social" du candidat socialiste. Une idée "dangereuse" pour Jean Leonetti, père de la loi du même nom. 

François Hollande propose que "toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable [...] puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité". Mais il dit aussi qu'il n'est "pas favorable" à "l'euthanasie". On a un peu de mal à comprendre...

Marisol Touraine: Nous ne parlons pas d'"euthanasie" parce que ce mot donne lieu à des interprétations très différentes. Dans le sens commun, il renvoie à un droit sans limites, le droit au suicide assisté. Ce n'est pas du tout ce que nous prônons. Nous proposons l'ouverture d'un nouveau droit, une aide médicale à mourir dans la dignité, avec un encadrement strict dont les conditions devront être définies dans le cadre de la préparation d'un projet de loi, lors d'un débat collectif. Tout cela est cohérent: nous avions déjà déposé il y a trois ans une proposition de loi qui allait dans ce sens. C'est Nicolas Sarkozy qui se contredit aujourd'hui, en qualifiant notre proposition de "dangereuse" alors que lui-même, en 2007, disait: "On ne peut pas rester les bras ballants devant la souffrance de l'un de nos compatriotes qui appelle à ce que ça se termine." J'ajoute que plus de 90% des Français y sont favorables. Cela mériterait un débat apaisé.

Jean Leonetti: La proposition de François Hollande est floue alors que la définition de l'euthanasie est claire: il s'agit de donner la mort à un malade qui le réclame pour abréger ses souffrances. En phase terminale d'une maladie, la loi actuelle, lorsqu'elle est appliquée, est suffisante et permet d'accompagner et de soulager le malade. Le médecin peut et doit utiliser pour cela tous les médicaments nécessaires, même s'ils peuvent avoir pour effet secondaire de hâter la mort car, en fin de vie, la qualité prime sur la durée de la vie. Le médecin ne donne pas délibérément la mort. Changer la loi, c'est dépénaliser l'euthanasie. 

M. T.: Quelle hypocrisie! On administre à des personnes en fin de vie des sédatifs qui, donnés en grande quantité, ont pour effet secondaire de tuer; d'autres patients meurent en souffrance ou isolés après l'arrêt du traitement, lorsqu'ils ne sont plus alimentés ni hydratés. La loi qui porte votre nom a marqué une avancée très significative, et il faut évidemment tout faire pour que les soins palliatifs se développent. Mais cette loi ne recouvre pas l'ensemble des situations auxquelles sont confrontés les malades, leurs familles, les médecins. On estime à environ 8000 le nombre de personnes qui ne trouvent pas de réponses avec la législation actuelle. Parmi elles, certaines sont amenées à souffrir excessivement ou estiment qu'on leur impose de vivre dans des conditions qu'elles ne jugent plus dignes. 2000 soignants ont reconnu avoir "en conscience aidé médicalement des patients à mourir". On a besoin d'un cadre légal.

J. L.: Lorsque les soins palliatifs sont correctement mis en place, conformément à la loi, ces situations que vous décrivez deviennent exceptionnelles. Cela ne correspond pas à 8000 personnes. Il y a, en revanche, une situation à laquelle la loi ne répond pas: lorsqu'un malade n'est pas en phase terminale et demande à ce qu'on l'aide à mettre fin à sa vie parce qu'elle ne lui paraît plus digne d'être vécue: c'est le suicide assisté. Toutes les affaires médiatiques de ces dernières années entrent dans cette catégorie. Faut-il changer la loi pour ces cas? Je ne pense pas, car il est impossible de dire à qui on accorde ce "droit" et à qui on ne l'accorde pas. Comment refuser la mort à quelqu'un qui se sait atteint de la maladie d'Alzheimer et qui n'a pas envie de vivre dans ces conditions, et l'autoriser à celui qui est atteint d'une tumeur cérébrale? 

M. T.: Mais parce que, justement, il n'est pas en phase avancée ou terminale! Je trouve votre exemple scandaleux! Un malade ne va pas arriver à l'hôpital en disant: "Tuez-moi", comme si on était au supermarché! Nous proposons une aide à mourir, parce que nous reconnaissons à chacun, homme ou femme, la liberté de choisir jusqu'au bout la manière dont il veut réaliser sa vie.  

Cette aide pourrait survenir en "phase avancée", dites-vous, mais celle-ci est beaucoup plus difficile à déterminer que la "phase terminale". Qui va décider si le patient est entré dans cette étape-là?

M. T.: Il appartiendra aux professionnels d'évaluer le stade de la maladie. Le temps d'évolution des différentes pathologies n'est pas le même!  

J. L.: Ce qui est scandaleux, hypocrite et surtout irresponsable, c'est de faire croire que tout est si simple. C'est dans le terme "avancé" que le problème réside. Cela ne veut rien dire et tout dire à la fois. Il sera très difficile de dire non à un malade atteint d'une maladie grave qui réclame la mort, parce qu'il est impossible d'évaluer la souffrance psychique qu'il ressent; lui seul peut le faire. Selon quels critères vais-je concéder aux uns le droit à la mort, et pas aux autres? 

M. T.: Vous faites semblant de ne pas comprendre. Il faut évidemment que la maladie soit incurable, et la souffrance insupportable. La personne doit avoir exprimé son consentement, celui-ci doit avoir été réitéré et vérifié par un collège de médecins. Avec un contrôle a posteriori. Il est évident que moins il y aurait de gens à demander l'aide assistée, mieux cela serait. 

J. L.: Ce que vous décrivez là et ce que le PS propose, ce sont les lois néerlandaise et belge qui autorisent l'euthanasie et le suicide assisté sous certaines conditions. 

M. T.: Nous ne disons pas qu'il faut changer la loi sur le modèle de la Belgique! Notre proposition s'enracine dans une certaine conception de la liberté, de la dignité, et de l'égalité, aussi : de nos jours, des hommes et des femmes partent à l'étranger pour être soulagés, parce qu'ils ne trouvent pas de réponse à leur demande en France. D'autres n'ont pas les moyens de le faire.  

J. L.: La pratique des mères porteuses est autorisée ailleurs, et ce n'est pas pour autant qu'on l'a légalisée en France. Nous sommes face à un conflit de valeurs entre, d'un côté, le respect absolu de la vie humaine et, de l'autre, celui de la liberté de l'individu. Deux conceptions de la dignité s'affrontent qui sont deux visions différentes de la société: l'une, collective et solidaire, qui dit: "C'est notre volonté"; l'autre, individualiste, qui dit: "C'est mon choix."  

M. T.: Je ne crois pas du tout que notre proposition oppose une valeur à une autre. Comme s'il fallait choisir entre la liberté et l'égalité! Nous sommes dans l'articulation entre la liberté individuelle et la société, le collectif, qui fixe des règles. Et reconnaître l'homme en tant qu'homme, c'est le reconnaître libre jusqu'au bout de décider de sa vie. 

Un Etat qui donne le droit de tuer, n'est-ce pas symboliquement dangereux pour la société?

M. T.: Nous n'en sommes plus au temps du droit naturel d'Antigone. D'où vient qu'il faudrait reconnaître comme s'imposant à la liberté individuelle et à la volonté collective d'une société un principe transcendant? 

J. L.: Robert Badinter est favorable à la loi actuelle car il pense que le droit à la vie est le premier des droits de l'homme et que c'est d'ailleurs le fondement de l'abolition de la peine de mort. Il a raison. La question est en fait de savoir pourquoi la loi qui condamne l'acharnement thérapeutique et prône le non-abandon et la non-souffrance est si peu connue et si mal appliquée. 


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