«Ne jamais passer outre le
consentement de la personne»
Par Eric Favereau, Libération
24 Janvier 2012
France
Y a-t-il un
problème de libre choix dans les
maisons de retraite, aujourd’hui
baptisées Ehpad (Etablissement
d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes) ?
Oui. Je pense qu’il y a un certain nombre de
personnes âgées mais aussi de
personnes handicapées qui sont comme
assignées à résidence.
Une partie d’entre elles ont pu à un
moment demander un hébergement
collectif, mais cette demande ou ce souhait a
pu s’effacer. Elles voudraient rentrer chez
elles. Elles ne le peuvent plus. Il y a une
volonté qui s’exerce ainsi contre ces
personnes. Et cette volonté peut
être d’origine médicale,
familiale, voire administrative avec la
tutelle. Et c’est un problème.
Il s’agit
d’êtres en situation de grande
fragilité…
Oui. Dans ces Ehpad, ce sont souvent des gens
faibles, vulnérables, qui peuvent avoir
de surcroît des comportements
imprévisibles et hors normes. Face
à eux, pour s’en occuper, nous avons
parfois des personnes insuffisamment
formées et en nombre trop faible. Vous
avez tous les ingrédients pour que cela
dérape, pour que le personnel perde
patience et que les résidents payent le
prix de cette impatience.
Mais comment
y remédier ?
Il y a une véritable difficulté.
Jusqu’à présent, pour les
contrôler, il y a des inspections
administratives, mais elles sont peu
fréquentes, et se déroulent
souvent dans des lieux où il y a des
problèmes déjà
pointés. Nous avons besoin de
mécanismes de prévention, par
exemple de personnes qui se rendent sur place
et discutent pour voir si les choses se
passent convenablement. Sur ce champ-là
[les lieux de privation de liberté,
ndlr], nous avons un savoir-faire ; nous avons
des compétences, avec les inspections
que l’on fait en grand nombre pendant
plusieurs jours, par exemple dans les
établissements pénitentiaires.
Mais en principe, les gens venant
volontairement dans les Ehpad, ce
critère nous interdit d’y aller. Mais
peut-on s’en satisfaire ?
Dans beaucoup d’Ehpad, il y a désormais
un étage fermé, pour les malades
dits fugueurs, comme ceux atteints de la
maladie d’Alzheimer. C’est un vrai sujet. Ces
malades sont souvent difficiles, les
établissements sont inquiets, et ils
voient leur responsabilité
engagée. Et comme la vie dans le lieu
collectif est difficile, le plus simple est
alors de fermer les portes à
clé. Cela ne diffère pas de
certains lieux de psychiatrie, où des
patients, hospitalisés librement, se
retrouvent cependant dans des services
fermés. Parce que l’on n’a pas les
moyens de faire différemment. Mais il y
a autre chose qui m’inquiète :
aujourd’hui la tendance est de faire des Ehpad
très grands, pour 120 résidents,
sans personnel adapté. Le risque
d’introduire des mesures sécuritaires
déplacées en termes de
libertés est important.
Finalement,
face à la grande vieillesse, quels
sont les repères pour agir ?
On ne doit jamais passer au-dessus du
consentement de la personne. Il est anormal
que l’on décide de la manière
dont certaines personnes doivent vivre, et
cela sans leur accord. Surtout que depuis la
loi Kouchner, c’est un principe absolu : le
consentement aux soins. L’hébergement
des personnes âgées ne doit pas
faire l’économie de procédures.
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