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Comment la Société Assumera-t-elle le Coût du Vieillissement ?

By Philippe Bernard, Le Monde

March 30, 2004

La CNAM a consacré, les 25 et 26 mars, un colloque aux conséquences de ce phénomène inéluctable. A partir de 2010, la concomitance de l'arrivée des baby-boomers à l'âge de 65 ans et du départ massif en retraite de médecins fait craindre le pire
Bonne nouvelle : les Français vont continuer de mourir de plus en plus vieux, au point qu'une femme sur deux née au XXIe siècle pourrait atteindre cent ans. Mauvaise nouvelle : personne ne sait très bien comment la société assumera les dépenses sanitaires liées à ce vieillissement inéluctable. 

Sept mois après le choc d'une canicule mortelle et à la veille d'une réforme annoncée de la Sécurité sociale, la question des conséquences du vieillissement de la population sur les dépenses de santé n'a rien de théorique ni d'anodin. En décidant d'y consacrer ses journées d'études annuelles, jeudi 25 et vendredi 26 mars à Paris, la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) avait choisi d'appuyer sur un endroit douloureux du corps social. D'emblée, en soulignant que les effets du vieillissement exacerbent toutes les insuffisances du système de soins, Daniel Lenoir, directeur de la CNAM, a avoué que les "enjeux considérables" liés à l'évolution de la pyramide des âges ont de quoi "faire un peu peur" alors même qu'ils exigent des réponses "qui ne peuvent plus être différées très longtemps".

Même si la tonalité générale des interventions tendait à tempérer l'éventualité d'une panique généralisée, l'étalage de certaines données alarmantes n'a pu que faire frissonner les quelque deux cents responsables et gestionnaires des caisses de Sécurité sociale réunis dans l'ambiance feutrée d'un grand hôtel parisien.

Il en est ainsi de la concomitance, à partir de 2010, de l'arrivée à l'âge de 65 ans des premières lourdes générations de baby-boomers avec leur cortège de pépins de santé, et de la diminution et du vieillissement massif de la population des médecins. "2010-2025, ce sont les quinze années de tous les dangers. Les cohortes nombreuses de médecins vont partir à la retraite en même temps que les baby-boomers", a lancé Bui Dang Ha Doan, directeur du Centre de sociologie et de démographie médicales. Le simple examen du nombre brut des décès attendus - entre 700 000 et 800 000 par an en 2050 contre 500 000 actuellement - donne une idée vertigineuse de ce qui nous attend.

0,9 POINT DU PIB EN 2020

Rapprochant l'augmentation astronomique de la demande d'opérations de chirurgie ophtalmologique (cataracte principalement) liée au vieillissement des classes nombreuses de l'après-guerre, et la raréfaction des médecins de cette spécialité, M. Bui Dang a assuré que la France devait choisir "entre la peste ou le choléra": un système à l'américaine où l'offre de soins est abondante mais la couverture inégalitaire, et une sécu à l'anglaise, où l'accès aux soins est régulé mais bien couvert financièrement.

Les économistes ont évalué à 0,9 point de PIB en 2020 l'impact de ce vieillissement, sans compter les maladies de longue durée. Sans compter non plus les coûts liés à la dépendance qui, de l'avis général, vont exploser : la démence ou la suspicion de démence concerne 40 % des nonagénaires et 70 % des centenaires, a souligné Jean-Marie Robine, démographe à l'Inserm.

Une prévision plus réaliste doit tenir compte, en outre, du fait que l'augmentation de la consommation médicale des personnes âgées connaît une accélération plus forte que celle des populations jeunes. Et que, à âge égal, les nouvelles générations consomment nettement plus que les précédentes.

En réalité, bien plus que l'âge en soi, c'est l'état de santé qui détermine l'évolution de la dépense. "Le facteur qui domine, c'est le nombre de maladies déclarées. Or la santé des personnes âgées a tendance à s'améliorer ou à rester stable", a tempéré Claude Le Pen, professeur à l'université Paris-IX - Dauphine. "Arrêtons de répéter que c'est le vieillissement qui nous plombe : l'évolution des coûts est aussi liée à l'évolution de la façon de soigner, aux progrès de la médecine, a enchéri Dominique Polton, directrice du Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé. De fait, à état de santé équivalent, les personnes âgées ont tendance à dépenser moins pour leur santé que les plus jeunes.

Ainsi, pour les spécialistes réunis par la CNAM, l'essentiel du lien entre dépenses de santé et vieillissement tient non pas à l'âge, mais au "temps qui reste à vivre", selon l'expression du démographe Hervé Le Bras, puisque la dernière année de vie coûte environ cinq fois plus cher que les autres. Or, l'allongement de la durée de la vie aidant, la proportion des personnes proches du décès ne cesse de diminuer, allégeant ainsi la charge, ou tout au moins la reportant dans le temps.

MALADIE ET DÉPENDANCE

Reste la question cruciale : les années gagnées seront-elles des années de pleine santé ou seront-elles marquées par la maladie et la dépendance ? Les experts hésitent entre deux écoles : l'une, pessimiste, tend à expliquer l'allongement de la vie par le recours à des techniques sophistiquées et donc coûteuses, mais sans effet positif sur l'état de santé ; l'autre hypothèse, optimiste, tend à expliquer l'allongement de la vie par l'amélioration de la santé elle-même. Aucune étude ne permet de trancher définitivement, même si certaines données font état d'une amélioration, au fil des ans, de l'état de santé à âge égal et d'un allongement de l'espérance de vie sans incapacité.

Une seule certitude : les analyses les plus sophistiquées du lien entre vieillissement et dépenses de santé convergent vers une question qui dépasse largement les enjeux économiques : vieillir toujours plus longtemps, certes, mais dans quel état ?


L'Explosion du Nombre de Supercentenaires

Longtemps, on a répété que la durée moyenne de la vie ne pourrait excéder 85 ans et que 100 ans constituait la limite de la longévité humaine. Or la croissance exponentielle du nombre des nonagénaires et des centenaires depuis 1945 et, plus récemment, celle des supercentenaires (110 ans et plus) tendent à remettre en question ces affirmations, a estimé Jean-Marie Robine lors des rencontres de la CNAM. Le démographe, responsable de l'équipe Inserm démographie et santé de l'université Montpellier-I, constate que l'âge maximal du décès constaté est passé de 110 à 120 ans au cours des vingt dernières années.

Au-delà de 80 ans, analyse-t-il, le taux de mortalité semble suivre non plus une loi exponentielle, mais une évolution liée aux saisons. Ce constat "suggère que ces individus fragiles résistent mal aux agressions de l'environnement", précise M. Robine. Le taux de mortalité apparaît alors "plus comme une mesure de la qualité de leur environnement que comme une mesure de leur vieillissement biologique".

 

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