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France:

La crise de la canicule met en lumière les graves carences de la prise en charge des personnes âgées

By Patrick Roger, Le Monde

January 31, 2004


 
La canicule de l'été 2003 et ses dramatiques conséquences - environ 15 000 morts - ont mis en lumière les carences de la prise en charge des personnes âgées. Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) que le ministre des affaires sociales, François Fillon, a transmis, mardi 27 janvier, à la commission d'enquête de l'Assemblée nationale permet d'en mesurer l'étendue. Le constat établi par les inspecteurs de l'IGAS est accablant : coordination insuffisante, absence de dispositifs de prévention, prise de conscience tardive. 
Il souligne l'écart croissant entre les besoins et les capacités des structures d'accueil ou d'aide à domicile. Si les problèmes de dépendance sont en constante augmentation, l'adaptation des équipements n'a pas suivi. "Contrastant avec l'important effort d'équipement engagé dans les années 1970 et 1980, note le rapport, les années 1990 se caractérisent par une croissance très ralentie de la capacité d'accueil des établissements pour personnes âgées."Ainsi, de 1996 à 2001, la population des plus de 75 ans a augmenté de 3 % par an, le nombre de places offertes de 1 % : "le ratio de 166 places pour 1 000 habitants de 75 ans ou plus atteint en 1996 est revenu à 153 places en 2001". 

Quant aux services de soins infirmiers à domicile, leur capacité d'intervention est "globalement saturée", avec des listes d'attente très importantes.Si la médicalisation des établissements pour personnes âgées est en progression, elle reste toutefois insuffisante. Le taux d'encadrement en personnel soignant serait passé de 0,127 soignant par lit en 1996 à 0,150 actuellement. "La poursuite de la médicalisation, estime le rapport, apparaît comme une priorité."


COUPOLE TRANSLUCIDE

L'état des équipements s'avère inquiétant : "30 % des établissements seraient à rénover partiellement et 15 % totalement". La description que fournit le rapport est édifiante : structuration interne des locaux peu adaptée, portes trop étroites pour la circulation des fauteuils, absence de douches individuelles. Les inspecteurs constatent que, "dans nombre de cas, la rénovation des bâtiments inadaptés n'est pas envisageable et la modernisation passe par des opérations lourdes de reconstruction". Or, ajoutent-ils, "ces opérations sont d'autant plus délicates à financer que, par souci de maintenir bas les prix de journée, les amortissements de ces bâtiments désormais obsolètes et vétustes ont été programmés sur cinquante, voire quatre-vingts ans".

Le rapport déplore "l'insuffisance ou l'inadéquation des prescriptions architecturales dans les procédures d'agrément de nouvelles capacités d'hébergement". Il constate que des constructions inappropriées ont pu entraîner une surmortalité importante pendant l'été 2003. "La mission a ainsi visité un établissement de 62 lits présentant une architecture originale, œuvre d'un émule de Ricardo Bofill, prenant la forme d'un cylindre coiffé par une coupole translucide qui crée à l'intérieur des locaux un "puits de lumière". (...)"Cette architecture présente le grave inconvénient de transformer les locaux en un "puits de chaleur" en période de canicule : pour 1 à 2 décès les années précédentes, l'établissement a ainsi enregistré 9 décès du 1er au 22 août 2003 ; dont 5 décès intervenus au cinquième étage, sous la coupole."La plupart des constructions réalisées au cours des dernières décennies sont de "type V120 ou USN", c'est-à-dire des "bâtiments à structure de béton, peu isolés, aux larges baies vitrées sans volets et pourvus de toits en terrasse". 

Des températures intérieures dépassant les 40° y ont parfois été enregistrées, entraînant une surmortalité importante "concentrée au niveau des derniers étages, qui ont représenté jusqu'aux trois quarts des décès".Les inspecteurs ont constaté que très peu d'établissements disposent d'un système intégré de ventilation ou de rafraîchissement d'air. 

Face à des conditions climatiques exceptionnelles, chacun a dû "se débrouiller". "Dans la plupart des cas, note le rapport, l'équipement initial était minimal, se résumant à quelques ventilateurs individuels apportés par les résidents."Tout en soulignant la forte mobilisation des personnels durant cette période, l'IGAS observe que les personnes âgées, certes vulnérables et fragilisées, ont aussi été victimes du défaut de "culture du risque et de l'anticipation".

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