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France:
Chambres doubles trop exiguës, portes trop étroites pour la circulation
des fauteuils, absence de douches individuelles, ascenseurs trop petits...
Dans bien des cas, l'architecture des maisons de retraite et la
configuration interne des bâtiments ont joué un rôle funeste pendant le
pic de chaleur estival. Or, rappelle l'Inspection générale des affaires
sociales (Igas), 30% des établissements hébergeant des personnes âgées
seraient à rénover partiellement et 15% totalement, selon des
estimations nationales peu étayées – aucun état des lieux des maisons
de retraite n'a jamais été réalisé. Pour Pascal Champvert, président
de l'association des directeurs d'établissements d'hébergement pour
personnes âgées, ce sont 5% des maisons qui, indignes, doivent être
fermées. «L'absence de statistiques fiables est une particularité du
secteur, un symptôme supplémentaire de l'indifférence des pouvoirs
publics et de la société sur la manière dont on traite, en France, le
troisième âge», fustige Jean-François Lacan. Car l'inadaptation des maisons de retraite françaises, dont les effets
tragiques sont apparus à l'occasion de la canicule, fait aussi du
quotidien des personnes âgées et du personnel un enfer. Un tiers des
pensionnaires déclarent ainsi ne pas disposer d'une chambre individuelle.
«Ma mère, qui vit dans une chambre de neuf mètres carrés, ne quitte
jamais son étage, témoigne encore la fille d'une femme âgée de 92 ans.
Elle n'a pas mis un pied dehors depuis des mois parce que l'ascenseur est
trop petit pour son fauteuil roulant». Construits dans les années 70 et 80, à la faveur du mouvement de
transformation des anciens hospices, de nombreux établissements ne sont
pas aujourd'hui en mesure de garantir la sécurité d'une clientèle plus
vulnérable qu'autrefois. «Les maisons de retraite étaient alors conçues
comme des résidences, censées accueillir des pensionnaires mobiles et
autonomes», indique Jean-François Lacan. Mais c'est à une tout autre réalité
que sont confrontés aujourd'hui les dix mille établissements français.
«On y entre désormais à 85 ans en moyenne et à reculons parce que le
maintien à domicile est devenu impossible en raisons de déficiences trop
lourdes à supporter pour la famille. Puis, on attend la mort», souligne
Thérèse Palla, présidente de l'Union française des aides-soignantes. De plus en plus dépendantes, les personnes âgées souffrent aussi de
troubles psychiques plus fréquents – Alzheimer, démences ou maladies
mentales chroniques – qui, selon l'Igas, «rendent nécessaire une prise
en charge par du personnel qualifié, formé, soutenu», valorisé et en
nombre suffisant. Tel ne semble pas être le cas, à en juger par
l'encadrement mouen de 0,43 agent par lit dans le public. Ce taux, jusqu'à
deux fois inférieur à ceux de certains pays européens, est encore plus
bas dans les structures privées. Conséquences : au mieux, des soins dispensés à la hâte, sans écoute ni
disponibilité, des gestes parfois brutaux ou un ton infantilisant. «On
rencontre une violence institutionnelle, liée au manque de moyens, à l'épuisement
ou à l'incompétence des personnels qui sont sous-payés», indique un médecin
inspecteur de la Ddass. Au pire, ce sont des actes médicaux réalisés
par des agents de ménage, des personnes désorientées enfermées à clé
dans leur chambre parce qu'on ne peut les surveiller, des résidents livrés
à eux-mêmes en l'absence de toute animation. «Ma mère vit dans un établissement
privé qui fonctionne à l'économie systématique, raconte une femme de
soixante ans. Elle paie 1 6OO euros par mois, mais aucune activité ne lui
est proposée, elle n'a pas été douchée depuis un mois et elle mange
peu. Il y a autour d'elle des gens très malheureux.» La création en 2001 de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la
signature des conventions tripartites – Etat, département et établissement
– ont alloué aux maisons de retraite des moyens supplémentaires, en échange
de la mise en oeuvre d'une charte qualité. Le nouveau personnel médical
est financé par l'assurance-maladie, tandis que la prise en charge de la
dépendance relève du département. En juillet dernier, 1 800 contrats
seulement avaient été signés, sur un objectif de 8 000. Le plan présenté
en novembre par le gouvernement a débloqué 210 millions d'euros par an
pour permettre la signature de 6 5OO conventions en cinq ans. «En l'absence de tout contrôle, nul ne peut cependant dire comment ces
sommes ont été dépensées dans le secteur privé», déplore Christophe
Fernandez, président de l'Association française de protection et
d'assistance aux personnes âgées. Les résultats de la seule enquête
menée pour vérifier les conditions d'application de la réforme sont «confidentiels»,
répond la direction générale de la concurrence, de la consommation et
des fraudes. «Une chose est sûre, les prix supportés par les familles
n'ont pas baissé, assure un cadre de la direction générale de l'action
sociale. L'argent a servi à financer les 35 heures dans le public et à
améliorer les prestations dans le privé. Un petit effet évaporation
est également possible». Pour l'Igas, l'effort de conventionnement des établissements doit cependant
être poursuivi à tout prix. «C'est une réforme indispensable qui tire
le niveau d'exigence vers le haut et améliore la situation, confirme
Isabelle Persec, présidente de l'association des inspecteurs de l'action
sanitaire et sociale. Pour autant, l'argent ne fait pas tout. La
motivation de la direction, la professionnalisation des équipes ou la
vigilance sur le recrutement font, à moyens égaux, la différence entre
établissements». «Il faut maintenant que les familles témoignent», souligne de son côté un inspecteur de la Ddass qui, après avoir visité une cinquantaine d'établissements en trois ans, a tenté d'obtenir la fermeture de trois maisons. En vain. «Ce n'est pas encore dans la culture de certains départements qui jugent cette procédure trop lourde», dit-elle. Une décision toujours difficile à prendre, alors que les places sont rares. Le secrétariat d'Etat aux Personnes âgées a annoncé la création de dix mille lits supplémentaires dans les années à venir. Suffiront-ils pour inverser le rapport de force, alors que le pays comptera quatre millions de personnes de plus 80 ans à l'horizon 2020 ? Copyright © 2002
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