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Comment se comporter avec une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer

Le Monde

France

18 octobre 2005


Lorsque je vais voir ma mère, elle me demande des nouvelles de ses petits-enfants. Je lui réponds, mais, cinq minutes plus tard, elle me repose la même question... qui reçoit la même réponse. Et ainsi de suite... C'est très difficile à supporter" , raconte Elsa, qui ne sait plus comment s'y prendre. 

"C'est classique chez les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, explique Jérôme Pellissier, chercheur. Il s'agit d'un phénomène d'amnésie antérograde. La personne éprouve des difficultés à retenir des informations nouvelles ; celles-ci ne passent plus de sa mémoire à court terme à sa mémoire à long terme. Il est donc inutile de répéter indéfiniment la même explication, assortie d'un "je te l'ai déjà dit ou, tu me l'as déjà demandé trois fois !" ; cela déstabilise le malade, qui ne se souvient ni d'avoir posé la question ni d'avoir reçu une réponse. Il est préférable de changer de sujet." 

Dans leur livre, intitulé Humanitude (Bibliophane, 357 p., 21 €), Yves Gineste et Jérôme Pellissier tentent d'aider les familles et les soignants à comprendre la vieillesse pour mieux prendre soin des personnes âgées. Il est indispensable, en effet, de connaître les principaux stades d'évolution de la maladie avec leurs symptômes, répertoriés dans l'échelle dite de Reisberg, et d'observer attentivement le malade, car les troubles ne se produisent pas dans un ordre immuable chez tous les individus.

Il faut, enfin, opérer un retour sur soi pour débusquer les filtres qui risquent de brouiller notre regard. Il arrive, en effet, qu'on refuse de voir que la personne est malade, et qu'on lui reproche ses faiblesses au lieu de se réjouir des performances qu'elle peut encore réaliser. On garde du malade l'image de ce qu'il était autrefois, sans pouvoir l'accepter tel qu'il est.

L'observation de la personne atteinte, conjuguée à une meilleure connaissance de la pathologie, est de nature à dénouer des situations angoissantes et à apporter davantage de bien-être au malade. Dans un hôpital, le personnel ne comprenait pas pourquoi un patient âgé refusait de mettre son dentier, en hurlant : "Enlevez-moi ce cendrier de la bouche !" Jusqu'à ce qu'on leur explique qu'il avait perdu le vocabulaire, la faculté de reconnaître un objet ; pour lui, "dentier" signifiait "cendrier", et son attitude de rejet était donc logique.

SUPPRIMER LES MIROIRS

De même, certaines personnes deviennent agressives dès qu'elles se voient dans un miroir. Il s'agit de la prosopagnosie, la perte de l'aptitude à reconnaître les visages, y compris le sien. La figure entrevue dans la glace peut susciter l'angoisse à l'idée qu'un étranger se trouve dans la pièce. Le remède consiste, selon Jérôme Pellissier, à "ôter les miroirs de la maison". 
Autre symptôme courant, le "plongeon rétrograde". La personne se dit brusquement qu'elle doit aller travailler ou chercher ses enfants à l'école. De fait, elle se retrouve immergée dans une période de son passé. On constate alors une grande cohérence des informations qui reviennent, non seulement des événements de la vie personnelle, mais aussi des actualités de cette période. En 2002, une dame de 78 ans, revenue à l'époque de ses 28 ans, a donné sans erreur le nom du président de la République d'alors, Vincent Auriol. Plongée dans le passé, une malade semblera avoir oublié son nom marital si les souvenirs se situent avant son mariage, ou même son patronyme si elle est remontée jusqu'à l'enfance.

" Vouloir à tout prix la ramener dans le présent, c'est risquer de lui faire perdre toute confiance en elle, en raison du décalage entre la réalité qu'elle vit psychiquement et celle dans laquelle nous lui affirmons qu'elle est", remarque Jérôme Pellissier. Il est préférable d'entrer dans son univers. Si elle s'obstine à vouloir sortir pour aller travailler, on l'en dissuadera en douceur, en faisant dévier la conversation sur son métier et sur ses collègues de l'époque ; on lui aura permis de revivre des moments heureux de son passé.

Quand la maladie progresse, les familles sont confrontées à des situations bien plus douloureuses : lorsque le patient, en raison d'une amnésie d'oubli qui entraîne la perte des informations déjà présentes dans la mémoire, ne se souvient plus que son conjoint est décédé, et demande pourquoi il ne vient jamais la voir. Il ne faut pas lui assener à chaque fois la vérité, mais choisir un moment favorable pour la lui rappeler.

La personne atteinte peut aussi ne plus reconnaître son entourage. Mais, explique Jérôme Pellissier, "ce n'est pas parce qu'elle ne se souvient plus du nom de ses enfants ou ne les identifie plus comme tels qu'elle ne les ressent pas affectivement comme des proches". 

En la matière, conclut-il, tout est affaire de nuances et de respect. Ainsi, il est aussi néfaste de forcer quelqu'un à se souvenir de ce qu'il a oublié, à coups de questions et d'exercices répétés, que de renoncer à solliciter sa mémoire sous prétexte qu'elle est trop défaillante. Il faut également tenir compte des déficits éventuels, éviter par exemple de s'approcher par derrière d'une personne dont le champ visuel est réduit, mais se présenter face à elle pour ne pas la surprendre et lui laisser le temps de réagir.


A lire également : La Maladie d'Alzheimer au jour le jour , de Jacques Selmès et Christian Derouenné (EdItions John Libbey, 24 euros). 


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