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Dans l'Oural, la mine d'amiante à ciel ouvert pollue toujours la ville d'Asbest 


Par Marie Jégo, Le Monde

10 novembre 2009 

Russie

 

C'est une énorme mine à ciel ouvert dans l'Oural, où une noria d'excavateurs et de camions bennes charrient sans relâche des pierres grisâtres qui donneront l'amiante. Ce minéral fibreux, connu pour sa résistance à la chaleur mais aussi pour ses effets cancérigènes, est interdit dans la plupart des pays européens. La Russie reste un des plus gros producteurs au monde. Pour la petite ville d'Asbest, située à 1 753 kilomètres de Moscou, l'amiante est une source de prospérité séculaire.

Jour et nuit, 2 000 conducteurs d'engins se relaient au fond de cette gigantesque carrière battue par les vents - 12 kilomètres de long, 3 kilomètres de large, 350 mètres de profondeur - pour en extraire l'amiante blanc, appelé ici " lin de roche ". Asbest, 71 000 habitants, produit 25 % de l'amiante chrysotile mondial. Sa carrière et son combinat, sortis de terre en 1885, emploient 8 500 personnes.

" Notre combinat fabrique chaque année 11 000 kilomètres de canalisations en amiante-ciment, soit l'équivalent en longueur de la Fédération de Russie... ", vante Vladimir Kotchelaev, l'adjoint du directeur du combinat Ouralasbest. La moitié de la production est écoulée sous forme de canalisations, d'isolants, de matériaux de construction vers une cinquantaine de pays, d'Asie du Sud-Est surtout.

En raison de l'interdiction de l'amiante, la production du combinat a diminué de moitié par rapport à ce qu'elle était en 1980. Avec la crise, l'inquiétude a refait surface. La demande en matériaux de construction baisse. Et il faut désormais compter avec la concurrence établie par la Chine et par le Kazakhstan, qui sont producteurs eux aussi.

Entre Asbest et le " lin de roche ", c'est une histoire ancienne. Tout a commencé au XVIIIe siècle, quand le maître de forge Nikita Demidov a ébloui Pierre le Grand en jetant au feu la nappe en amiante du festin impérial, retirée des flammes plus blanche que jamais. Un produit aussi miraculeux ne peut pas être nocif. Celui qui parviendra à convaincre les habitants d'Asbest que l'amiante est cancérigène n'est pas encore né.

Andreï Kholjakov, 46 ans, ingénieur et responsable syndical au combinat en est sûr : " La campagne antiamiante est orchestrée par des sociétés occidentales qui veulent nous voler nos marchés. " " Regardez-moi bien ! Ai-je l'air d'un tuberculeux ? ", interroge cet homme replet en pinçant bien fort ses joues rougies par le froid. De plus, " une étude scientifique récente dit que votre vin français est bien plus cancérigène que notre amiante ", ajoute-t-il.


Asbest, avec ses rues tracées au cordeau, " est un peu comme New York ", explique M. Kholjakov. Le centre-ville est plutôt coquet, avec son Palais des pionniers néoclassique, ses allées bordées de sorbiers chargés de fruits rouges. De père en fils, un tiers de la population active travaille au combinat.
Jénia, 25 ans, est employé à la carrière pour 16 000 roubles mensuels (372 euros). " Un sale boulot. En hiver, la poussière soulevée par le vent est telle qu'on ne voit pas à un mètre devant soi. Les contrôleurs nous affirment que le travail est sans danger... ", explique le jeune homme.

La santé n'est pas sa préoccupation première. Plus que tout, il craint de perdre son travail. Lui et sa jeune femme voudraient fonder une famille, mais les 16 000 roubles de salaire suffisent à peine aux besoins du couple. " Chaque kopeck - un centième de rouble - est compté ! ", déplore ce grand costaud au visage poupin. Avec la crise, le combinat a mis à pied 1 000 personnes en 2008, une autre vague est attendue pour la fin de 2009.

Alexandra Vassilievna, 65 ans, a perdu son emploi à l'atelier d'enrichissement au printemps 2008. C'était un deuxième départ à la retraite. Retraitée du combinat à 55 ans, elle avait réintégré son lieu de travail quelques mois plus tard, cumulant pension et salaire. Maintenant, c'est définitif, elle a décroché. Sans doute elle ne pourra plus autant aider son fils, sa belle-fille et leurs trois enfants, " qui ont des fins de mois difficiles " avec un revenu mensuel de 23 000 roubles (534 euros) vite entamé à cause de l'inflation (10 % par an) sur les produits de première nécessité.

Elle compte sur la promesse du premier ministre, Vladimir Poutine, d'augmenter les retraites. La sienne devrait passer de 6 000 roubles (139 euros) mensuels à 8 000 roubles. Pas de doute, " si Poutine l'a dit, ça se fera ". Cette grande femme alerte n'a aucune inquiétude pour sa santé. " Notre amiante est bonne. Nous vivons, nous respirons, tout va bien. La campagne antiamiante est un complot de l'Occident contre la Russie ", assure-t-elle.


Tandis qu'elle prépare le thé dans la cuisine, sa soeur Tamara, qui vit d'ordinaire à Samara, au sud de la Russie, prend la parole : " Il ne faut pas la croire. Ils sont tous malades, l'eau du robinet est infecte, remplie d'amiante ! " D'ailleurs, le mari d'Alexandra est malade - " l'asbestose ", chuchote-t-elle. Alexandra proteste : " Son asbestose, il ne l'a pas attrapée au combinat, il n'y a jamais travaillé ! "

Fibrose pulmonaire due à l'inhalation de fibres d'amiante, l'asbestose n'est pas la seule des maladies causées par le " lin de roche ", il y aussi les cancers, les bronchites, l'asthme. Dans le cas de l'asbestose, le temps de latence est de vingt ans en moyenne.

Sergueï Kachanski dirige l'institut d'Etat des maladies professionnelles à Ekaterinbourg, la grande métropole moderne de l'Oural, à 86 kilomètres d'Asbest. Il reconnaît un ou deux cas d'asbestose par ans chez les actifs, 20 à 30 cas parmi les retraités. Pour le reste, tout va bien. L'amiante, dit-il, " n'est pas dangereux ", tant que les mesures de protection au travail (filtres, masques, examens de santé) sont respectées.

Il parle en connaisseur. Son institut est membre de l'Association des producteurs d'amiante, soit 46 entreprises en Russie et dans l'ex-URSS, unanimes à dénoncer la campagne antiamiante, ce " business du mensonge ".


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