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Toxicos du 3e âge

Par Jean-Yves Nau, Slate.fr

6 juillet 2011

Monde


Le nombre des personnes âgées devenues «polydépendantes» (alcool, médicaments voire produits illicites) ne cesse d'augmenter. Faut-il ou non les prendre en charge?

Vielleisse rimant avec sagesse? C’est gentil mais c’est fini. Un nombre croissant de personnes âgées de plus de 65 ans entrent aujourd’hui dans une période de leur vie qui pourrait être qualifié de «double dépendance». La première est bien connue: c’est la perte d’autonomie physique et financière, une «dépendance» d’autant plus lourde à supporter par la collectivité qu’elle est étroitement liée à l’allongement continuel de la durée de l’espérance de vie.

Pour ce qui est de la seconde, on estime habituellement qu’elle ne concerne que des fractions plus ou moins larges d’une population beaucoup plus jeune. C’est la «dépendance», bien connue elle aussi, à la consommation de substances (légales ou qui n’ont pas encore été dépénalisées); des substances occupant une place majeure dans l’activité économique officielle (boissons alcooliques, spécialités pharmaceutiques et produits dérivés du tabac) ou souterraine.

Un nouveau regard sur les addictions

Or de nombreux éléments laissent aujourd’hui penser que la situation est un peu plus complexe: les personnes âgées (réunies sous les appellations de «seniors» ou de «quatrième âge») seraient (dans des proportions croissantes) des toxicomanes invisibles car non diagnostiqués comme tels. C’est le constat établi par les auteurs d’un rapport officiel que vient de rendre public à Londres le Royal College of Psychiatrists. Ses conclusions ne concernent bien évidemment pas que le Royaume-Uni et devraient en toute logique imposer d’élargir le regard porté sur les addictions et de définir de nouvelles stratégies de santé publique.

Les auteurs du rapport estiment qu’en Europe, entre 2001 et 2010, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans devenus dépendantes à une ou plusieurs substances addictives a plus que doublé. Le vieillissement de la population n’explique pas, à lui seul, un tel phénomène. Cette situation est fréquemment associée à différents problèmes physiques ou psychiatriques qui conduisent à des associations potentiellement dangereuses de boissons alcooliques d’une part et, de l’autre, des spécialités pharmaceutiques (obtenues avec ou sans prescription médicale).

On sait que si la consommation d'alcool diminue avec l'âge, un nombre important de seniors continuent toujours à consommer durablement de l'alcool à des niveaux élevés. Les hommes âgés sont plus exposés que les femmes au risque de consommation combinée d’alcool et de substances illicites, les femmes présentant quant à elles un risque plus élevé de surconsommations médicamenteuses. Il faut en outre tenir compte des consommateurs de substances de longue date de substances illicites. En vieillissant ils souffrent, comme d’autres, de différentes pathologies et peuvent ainsi devenir des polydépendants d’une autre catégorie.

Les indices

Quels sont ici les éléments qui peuvent éveiller l’attention des proches comme des soignants? Tout d’abord la présence d’affections chroniques conduisant à la prescription à long terme de médicaments de la famille des hypnotiques, des anxiolytiques ou des analgésiques. Mais il y a aussi, avec l’âge, l’accumulation de facteurs dits «psychosociaux» comme le deuil, l’inactivité associée à la retraite, l'ennui, la solitude, la dépression… autant de situations statistiquement étroitement associées des consommations élevées d'alcool. Les auteurs estiment par ailleurs que la situation de plus en plus fréquente du «déclin cognitif» soit également un facteur de risque. Question pour spécialistes: sont-ce les problèmes de santé mentale qui conduisent à la (poly)toxicomanie ou est-ce l’inverse?

Concrètement, les auteurs estiment que le moment est venu, au Royaume-Uni, de limiter (chez les plus de 65 ans) la consommation quotidienne à un maximum de 1, 5 unité d’alcool (1,5 cl ou 12,8 g d’alcool pur) soit à une demie pinte de bière ou un verre de vin. Les recommandations actuelles sont de ne pas dépasser 4 unités par jour pour les hommes et 3 unités pour les femmes.

Plus généralement, les spécialistes du Royal College of Psychiatrists recommandent de modifier de manière radicale le regard porté sur les personnes âgées. Ils fournissent une série de recommandations de bon sens pour que des toxicomanes aujourd’hui «invisibles» puissent être identifiés afin d’être efficacement pris en charge. Les généralistes devraient par exemple, lors des visites de routine, interroger leurs patients âgés sur leurs différentes consommations d’alcool et de médicaments susceptibles d’entraîner des situations de dépendance.

Comment soigner ces dépendants?

Or c’est là une recommandation particulièrement ambiguë dans la mesure où c’est souvent ces mêmes médecins qui sont les prescripteurs des médicaments induisant au fil du temps des accoutumances. Sur le fond, une question plus générale est soulevée: celle des limites, avec le temps, de l’action médicale dans le champ de l’addiction.

La prise en charge médicale spécialisée des toxicomanes (au tabac, à l’alcool ou aux produits illicites) ne soulève guère de questions lorsque ces toxicomanes sont encore jeunes et qu’on ne les soigne pas sous la contrainte. Rien ne dit qu’un tel consensus existe quand il s’agit de seniors ou de personnes du «quatrième âge» devenues polydépendantes parce que confrontés à la souffrance chronique, la solitude et la dépression qui bien souvent l’accompagne.

La solution, si elle existe, dépasse de loin la seule action médicale. Elle suppose la mobilisation d’actions psychosociales et de ressources collectives de grande envergure. Faute de quoi la perte progressive d’autonomie s’accompagne et s’accompagnera chaque jour un peu plus de l’installation dans l’ombre de toxicomanies associées et collectivement acceptées.

Ne pas vouloir prendre en compte cette réalité c’est, de facto, estimer que le moment vient où l’avancée en âge ne justifie plus de qualifier de «pathologiques» des situations de polydépendance; des situations qui conduisent pourtant à réduire l’espérance de vie de celles et ceux qui en souffrent.

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