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Accompagner son parent en maison de retraite



La Croix


10 Janvier 2012

  France




Tu verras, tu seras bien :  c’est le titre plein d’espérance du livre témoignage de Catherine Sarrazin-Moyne, publié en septembre 2011 (1). Pour cette psycho-praticienne de formation, âgée de 61 ans, tout a basculé en 1990.

Dans un accident de la route, son père décède, sa mère survit avec de graves séquelles physiques et psychiques. Henriette vit un temps dans la maison d’hôte de sa fille, est hospitalisée à plusieurs reprises, connaît d’importantes difficultés pour marcher, perd ses repères. Un jour, Catherine Sarrazin-Moyne est mise au pied du mur : sa maman est devenue dépendante. Il lui faut trouver pour elle une solution en urgence.

« Comment oser prendre une décision à la place de son parent ? », s’interroge l’auteur, bien consciente que sa mère n’avait jamais envisagé d’entrer en institution. À l’époque, elle se raccroche aux mots maternels entendus des années plus tôt : « Je ne veux ni montrer ma décrépitude, ni peser sur mes enfants. » « Cette parole m’a habitée, c’était mon bâton de maréchal pour avancer », se souvient-elle, contrainte alors de se démener pour chercher une place en maison de retraite.

ASSOCIER ASSEZ TÔT LA PERSONNE CONCERNÉE
Un parcours douloureux ponctué de visites, de refus, d’inscriptions sur liste d’attente, de tentatives échouées, de retour à l’hôpital… Enfin la situation se stabilise dans un établissement, au prix d’un solide accompagnement affectif.

« Je m’y rendais presque tous les jours, et ma sœur tous les week-ends : nous avons mis notre énergie au service de notre mère pour lui apporter ce qui lui manquait, essentiellement de l’écoute et du temps », confie Catherine Sarrazin-Moyne, devenue, après la disparition d’Henriette en 2008, « accompagnante » et visiteuse bénévole en maison de retraite.

« À un moment donné, j’en ai voulu à maman de ne pas avoir décidé de son avenir, avoue-t-elle. Chacun est responsable de sa propre vie. Cette femme si autonome, si indépendante, si allergique à la collectivité a compté sur nous pour la placer en institution. Alors qu’il s’agit d’une décision intime. » « Dans les six derniers mois de sa vie, au terme d’un chemin accompli ensemble, j’ai gagné sa confiance et sa reconnaissance », confie l’auteur, enfin apaisée.

Préparer l’entrée en établissement et y associer assez tôt la personne concernée, c’est la conviction de la psychologue Claudine Rodriguez (2). Selon la praticienne, de plus en plus d’entrées se font dans l’urgence, à la suite d’une chute.

Dans 90 % des cas, complète Thierry Darnaud, psychologue clinicien et maître de conférences à Toulouse, l’entrée en institution se fait à la sortie d’une hospitalisation, ou dans les trois mois qui suivent.

« PRÉPARER » LE PARENT À CETTE ÉCHÉANCE
La majorité sont des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou d’un trouble apparenté, ne pouvant plus rester chez elles. Pourtant, la plupart ne souhaitent pas quitter leur maison mais se résignent, poussées par l’entourage.

« C’est une situation difficile pour les enfants : la famille est renvoyée à elle-même et est seule pour décider », déplore Claudine Rodriguez qui plaide pour « une aide à la décision, fruit d’un travail pluridisciplinaire (médecin gérontologue, infirmière à domicile, assistante sociale…) prenant en compte la situation sociale, médicale et psychologique de la personne âgée. Selon cette évaluation, on trouverait la solution la plus adaptée », préconise-t-elle.

Les meilleures conditions sont réunies lorsqu’on peut envisager bien en amont cette éventualité avec son parent, aller visiter avec lui différents établissements, tout en sachant que le moment venu, son choix ne pourra peut-être pas être satisfait. Il n’empêche, ces démarches contribuent à le « préparer » à cette échéance.

Dans certaines circonstances, un temps d’adaptation facilite l’appropriation des lieux : prendre un repas sur place avec lui, passer une demi-journée voire une journée. On peut aussi l’aider à personnaliser sa chambre avec des meubles, objets personnels et autres photos qui lui sont chères.

Il faut aussi l’accompagner dans ce changement de vie : il va quitter son environnement, ses habitudes de vie, son domicile qui est le reflet de son identité, pour arriver dans un établissement où il devra se plier à des règles collectives, des contraintes horaires, un personnel changeant. Il sait aussi que sa nouvelle maison sera sa dernière demeure, ce qui est très lourd au plan symbolique.

LE POIDS DE LA CULPABILITÉ
Pour les enfants aussi, l’expérience est difficile à vivre. Et ce d’autant plus qu’ils sont eux-mêmes bouleversés par les événements. Le poids de la culpabilité (impression de se « débarrasser » de son père ou de sa mère), l’état d’épuisement psychologique dans lequel se trouve souvent la famille qui a attendu la dernière extrémité pour prendre une décision.

L’entrée en maison de retraite, comme la vieillesse ou la dépendance des parents, constitue une étape susceptible de réactiver l’histoire familiale et de raviver des conflits psychiques enfouis avec les frères et sœurs ou les parents d’autrefois.

Selon la psychanalyste Catherine Bergeret-Amselek (3), « la génération des 50-60 ans est elle-même dans une période de transition. Elle s’interroge sur le sens de l’existence. À la fois peiné et encombré de sentiments filiaux ambivalents, le « grand » enfant est de nouveau aux prises avec des sentiments œdipiens ; il doit faire le deuil de son parent vaillant et protecteur ; il se sent coupable de le lâcher, impuissant de ne pas pouvoir l’empêcher de vieillir, lui en veut de le quitter, d’être parfois un poids.

LE PARENT SOUFFRE AUSSI, HONTEUX DE PESER SUR SES PROCHES
De son côté, le parent souffre aussi, perd ses repères, ses capacités, honteux de peser sur ses proches. L’entrée en institution est une étape qui fait rupture avec la vie d’avant. Pour que cette étape soit bien intégrée, il faut que l’environnement familial et institutionnel puisse rétablir par un soutien affectif le fil conducteur de la vie, le sentiment continu d’exister. »

Entre rupture et culpabilité, l’entourage vit souvent l’entrée en institution d’un aîné comme un échec, analyse Thierry Darnaud (4) qui a accompagné l’accueil de nouveaux arrivants et de leurs familles, afin, précisément, de ne pas laisser cette faille s’agrandir.

Le psychologue clinicien conseille aux proches de ne pas se substituer au personnel et de prendre leur place dans le quotidien de l’établissement : partager un repas, participer à une toilette, à une animation…

À l’inverse, le résident continue à prendre part, quand il le peut, à la vie de famille à l’extérieur de la maison de retraite, en allant au restaurant par exemple. Le lien familial ainsi réorganisé pourra continuer à se tisser.


(1) Tu verras, tu seras bien, 2011, Éd. Yves Michel, 7,50 €.

(2) La Vie en maison de retraite : comprendre les résidents, leurs proches et les soignants, de Claudine Rodriguez, 2003, Éd. Albin Michel,18 €.

(3) La Vie à l’épreuve du temps, de Catherine Bergeret-Amselek, 2009, Éd. Desclée de Brouwer. La Cause des aînés : Pour vieillir autrement… et mieux, 2010, Éd. Desclée de Brouwer (ouvrage collectif).

(4) L’Entrée en maison de retraite. Une lecture systémique du temps de l’accueil : rupture ou réorganisation du lien familial ? de Thierry Darnaud. Réédité en février 2012, Éd. ESF, 22 €.



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