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Encore trop de médicaments prescrits aux seniors



Le Figaro


23 Avril 2012

  France




Les médicaments dénués d'effets indésirables n'existent pas. Suivre un traitement, même quand c'est nécessaire, n'est donc jamais anodin. Les personnes âgées de plus de 80 ans, qui prennent jusqu'à cinq «pilules» par jour, sont particulièrement exposées au risque de iatrogénie médicamenteuse. Ce terme barbare désigne les effets indésirables qui peuvent provenir du médicament lui-même, de son association avec une autre substance, de son incompatibilité avec le malade ou d'une erreur de prise… «La iatrogénie entraîne 15 à 20% des hospitalisations des plus de 75 ans», explique le Pr Claude Jeandel, gériatre au CHU de Montpellier. Si tous ces accidents ne sont pas évitables, un certain nombre pourrait l'être en diminuant les prescriptions inadaptées encore trop fréquentes chez les plus âgés.


Dans une étude publiée récemment dans la Revue d'épidémiologie et de santé publique, des chercheurs de l'Inserm (unité 912) montrent qu'en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), 11,6 % des plus de 70 ans prennent un traitement au long cours par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Or ces médicaments qui ont également des effets antipyrétiques (baisse de la fièvre) et antalgiques, peuvent provoquer des hémorragies digestives, notamment après 65 ans. «Les AINS sont souvent trop prescrits pour soulager la douleur, par exemple en cas de poussées d'arthroses. Dans cette situation, mieux vaut une prescription courte de deux ou trois jours relayée ensuite avec du paracétamol», estime le Pr Jeandel. Si la prise d'un AINS est indispensable, elle doit s'accompagner de la prise d'un protecteur gastrique. Mais cette double prescription est oubliée sur 28 % des ordonnances…


«Les AINS peuvent également se révéler redoutables lorsqu'ils sont prescrits avec un diurétique, car ils peuvent entraîner une insuffisance rénale aiguë: en deux ou trois jours le malade est déshydraté, poursuit le Pr Jeandel. C'est tout le problème chez les personnes âgées qui suivent un traitement au long cours pour diverses pathologies. Elles prennent un diurétique depuis des années. Puis quand survient une poussée d'arthrose, le médecin introduit un AINS sans vérifier la fonction rénale.» Parfois, c'est le malade qui, de lui-même, prend un anti-inflammatoire pour calmer ses douleurs…


«Les personnes âgées ne devraient jamais s'automédiquer sans l'accord préalable de leur médecin», prévient le Pr François Puisieux, gériatre au CHU de Lille. Ce médecin organise des ateliers autour des médicaments à destination des personnes âgées hospitalisées à la suite d'une chute. Bien souvent, les benzodiazépines en sont la cause. Utilisés comme anxiolytiques, antidépresseurs, myorelaxants, voire hypnotiques, ces médicaments font des ravages chez les seniors, particulièrement exposés en raison de modifications physiologiques liées à l'âge: les molécules s'accumulent dans leur organisme. Ce qui augmente les risques de surdosages et d'effets indésirables.


Selon l'étude réalisée en région Paca, 20 % des plus de 70 ans prennent des benzodiazépines sur de longues périodes et 15 % absorbent des benzodiazépines à demi-vie longue, plus toxiques car plus lentes à s'éliminer.  La seule indication des benzodiazépines chez les sujets âgés est l'anxyolyse» ou traitement de l'anxiété, martèle le Pr Jeandel.


Un agenda du sommeil

Pour convaincre ses patients, persuadés à tort qu'ils ne pourront pas dormir sans prendre leurs cachets, ce spécialiste leur fait remplir un agenda de sommeil. «Bien souvent nous nous rendons compte que la durée du sommeil n'est pas altérée et que les benzodiazépines sont inutiles», explique-t-il.

La même démarche est appliquée à Lille. «Nous sensibilisons les personnes hospitalisées à la suite d'une chute aux risques encourus et nous leur proposons des alternatives non médicamenteuses pour dormir», souligne le Pr Puisieux. Six mois plus tard, la moitié des patients ont suivi les conseils prodigués. «Les personnes âgées n'ont pas toujours conscience des risques liés à leurs médicaments. Trop souvent, elles avalent les “comprimés rouges” sans savoir à quoi ils servent et sans connaître leurs effets indésirables. C'est pourquoi elles doivent exiger d'être informées par leur médecin», insiste-t-il.


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