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L'habitat des personnes âgées mal conçu contre la chaleur

Marc Mennessier, Le Figaro

22 Novembre 2003

En France, la plupart des constructions récentes n'ont pas été conçues pour protéger leurs occupants contre la chaleur. Façades «transparentes», ventilation insuffisante, cloisons à faible inertie thermique: cet été, bon nombre de logements, de bureaux, d'établissements de soins, de résidences pour personnes âgées, se sont transformés en sauna. Quel a été l'impact de ces malfaçons sur le bilan sanitaire de la canicule et ses 15 000 morts? L'Institut national de veille sanitaire (INVS) vient de lancer une enquête sur la qualité de l'habitat des personnes âgées, qu'elles vivent à domicile ou en maison de retraite.

Manque de personnel soignant, réduction du temps de travail, insuffisance de crédits, isolement des personnes âgées, vacances gouvernementales, catastrophe climatique: telles sont les raisons le plus souvent invoquées pour expliquer les 15 000 décès dus à la canicule qui a sévi cet été. 
Curieusement, la qualité du bâti échappe à la polémique. Or, il est avéré qu'un grand nombre de constructions récentes, qu'il s'agisse de logements individuels ou collectifs, de bureaux, d'écoles, d'établissements de soins ou de résidences pour personnes âgées, se transforment en bouteille thermos dès que la température monte un tant soit peu. Et pour cause: ces merveilles d'architecture n'ont pas été conçues pour garantir à ceux qui y vivent ou y travaillent un minimum de protection contre la chaleur.

Tous les spécialistes du bâtiment en conviennent: si, en cinquante ans la bataille contre le froid a été gagnée, grâce à la généralisation et au perfectionnement des techniques de chauffage, la «thermique d'été» a été la grande oubliée. «En 2003, on ne meurt plus de froid dans sa maison mais de chaud», résume l'un d'eux. La mode des façades «transparentes», faites de larges baies vitrées sans volets ou stores extérieurs, la ventilation insuffisante et le manque d'inertie thermique du bâti (autrement dit la capacité d'une cloison ou d'une façade à limiter l'apport de chaleur extérieure) sont les principales causes de ce Waterloo thermique. 
Comme le soulignait l'architecte Édouard François, lors d'un colloque organisé récemment dans le cadre du salon Batimat, «il faut arrêter de construire des verrières orientées plein sud, sans protection solaire, simplement pour le plaisir d'avoir une jolie vue ou de prendre de belles photos!»

Deuxième constat: en trente ans, le bâti s'est «allégé». L'épaisseur des murs de façade s'est réduite comme peau de chagrin et les cloisons intérieures, type plaques de plâtre, ont peu à peu remplacé briques et parpaings. Or, une construction résiste d'autant mieux à la chaleur extérieure qu'elle est massive: une maison en pierre de taille, c'est bien connu, se réchauffe moins vite qu'une cabane en bois. 

La pose d'isolants (laine de verre, polystyrène...) encouragée depuis la crise pétrolière des années 70 pour limiter les dépenses de chauffage en hiver, a encore aggravé le phénomène. Certes, ces matériaux luttent efficacement contre les déperditions d'énergie de l'intérieur vers l'extérieur du bâtiment. Mais en été, ils n'empêchent pas la chaleur de pénétrer. Pire, ils s'opposent à son évacuation! Du coup, la température grimpe au moindre rayon de soleil, un peu comme dans une serre. La solution, pratiquée aujourd'hui, consiste à placer ces isolants, non pas à l'intérieur des bâtiments mais à l'extérieur, de manière à jouer sur les deux tableaux: protection contre le froid l'hiver, contre le chaud l'été.

Contrairement à une idée reçue, il est plus facile pour l'organisme de se préserver du premier (on peut toujours se couvrir) que du second. A fortiori si l'on est malade, vieux ou invalide. «Même s'il est difficile de le quantifier précisément, il est certain que l'inconfort thermique de certaines constructions a eu un impact sur le bilan sanitaire de la canicule», confie un spécialiste du bâtiment. 

Pour en avoir le cœur net, l'Institut national de veille sanitaire (INVS) vient de lancer, en lien avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l'unité 500 de l'Inserm, une enquête sur l'habitat des personnes âgées vivant à domicile ou en institution. Les résultats seront connus début 2004. Orientation des façades, qualité des cloisons, protection des baies vitrées contre le soleil, présence ou non d'arbres pourvoyeurs d'ombre, efficacité de la ventilation...: environ 400 maisons de retraite seront étudiées à la loupe.

Contacté par le Figaro, Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées, qualifie cette initiative de «provocation.» Selon lui, la question de l'habitat est un «sujet complètement annexe: ce qui a tué cet été, c'est le manque de personnel. Nous avions demandé au gouvernement la création de 250 000 postes sur cinq ans pour arriver au niveau de nos voisins étrangers, or le premier ministre vient de nous n'en accorder que 15 000». 

Avec une moyenne de 0,4 agent par pensionnaire, nul ne contestera qu'il y a pénurie. Sauf que le doublement ou le triplement du nombre d'aides soignantes n'aurait pas empêché bon nombre de vieillards de suffoquer dans leurs chambres transformées en étuves. Si ces personnes étaient mortes de froid, se serait-on contenté de dire qu'il n'y avait pas assez de personnel pour leur apporter des couvertures ou leur frictionner le dos?

Or, il est possible, moyennant le respect de certaines règles, d'offrir un minimum de confort thermique estival, sans forcément recourir à la climatisation. «Climatiser un bâtiment sans protection solaire est aussi aberrant que d'installer le chauffage sans faire de travaux d'isolation: les deux doivent aller de pair», souligne Jean-Claude Visier, ingénieur au CSTB.

Pour Édouard François, «la technique en général, et la climatisation en particulier, ne doit pas être un palliatif des erreurs de conception». D'autant que la généralisation de cette dernière à l'ensemble du parc immobilier, ruinerait des décennies d'effort en matière d'économie d'énergie. 

La nouvelle réglementation thermique mise en place en 2000 impose donc, pour la première fois en France, des contraintes strictes: protection systématique des ouvertures par des stores extérieurs ou des volets; fenêtres ouvrantes sur au moins 30 % de leur surface (10 % sur les immeubles de grande hauteur) pour garantir un minimum de ventilation; renforcement de l'inertie thermique des bâtiments afin de rester en deçà d'une température de référence, variable selon les situations et les régions. 
«Malheureusement les effets de cette réglementation ne se feront sentir qu'à moyen terme, car elle ne s'applique qu'aux constructions neuves», explique Jean-Robert Millet, ingénieur au CSTB. Quid alors des bâtiments existants? 

Certaines corrections peuvent néanmoins être apportées lors de travaux de rénovation, comme la pose d'isolant extérieur sur les toits plats, ou la suppression des moquettes épaisses. Ces revêtements ont en effet l'inconvénient de réduire l'inertie thermique des planchers, à la différence des moquettes rases, du carrelage, ou du lino. Autre possibilité: avant de s'équiper d'un climatiseur, la surventilation nocturne au moyen d'une VMC (ventilation mécanique contrôlée) spécialement réglée permet d'abaisser la température, moyennant des consommations électriques réduites.

Reste enfin la modification des comportements. Le fait que la majeure partie des décès ait été recensée dans la moitié nord du pays (nos éditions du 26 septembre 2003) est révélateur d'un manque ou d'une perte de savoir-vivre. Dans les régions méridionales, les populations ont appris depuis des générations à se protéger de la chaleur, que ce soit à travers leur architecture ou leur mode de vie. Demandez à un Marseillais ou à un Madrilène s'il laisse ses volets ouverts lorsqu'il fait 35°C à l'ombre...


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