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Attente prolongée pour les retraitesPar: Alain Lebaube Sur le dossier des retraites, il est une fois de plus
urgent d´attendre. C´est, du moins, le constat que l´on peut faire à
la lecture du programme de travail arrêté, le 7 novembre, par le
Conseil d´orientation des retraites (COR). Cette toute nouvelle instance
de réflexion et de consultation, installée fin mai par le premier
ministre pour l´éclairer dans ses choix et présidée par Yannick
Moreau, se donne en effet du temps. Composée d´experts, de représentants
des assurés sociaux et des employeurs – bien que le Medef ait
refusé d´y siéger –, à raison d´une séance mensuelle à peu
près, le COR a fixé son ordre du jour jusqu´en juillet. Il ne devrait
pas, comme prévu, être en mesure de fournir son rapport avant la fin
2001.
A cette date, entre élections législatives et élection présidentielle,
il sera à coup sûr délicat de prendre des décisions qui risqueraient
de choquer l´opinion. Tant et si bien que l´on s´achemine vers une
absence prolongée de décision, la période n´étant pas favorable à la
réforme. Surtout sur des sujets aussi sensibles. Personne n´a oublié la
grande grève de décembre 1995, qui a scellé le sort d´Alain Juppé,
confronté à la colère des cheminots. Lionel Jospin, pour s´être risqué
à s´exprimer sur la question, après des mois de cogitation, a vite
compris, au vu des réactions, qu´il devait prudemment s´accorder un répit
supplémentaire. Mais le gouvernement a-t-il encore les moyens de disposer du calendrier
comme il l´entend et, plus gênant pour lui, peut-il espérer rester maître
des termes du débat pendant toute la période qui vient ? Là encore, le Medef pourrait jouer les trouble-fête, comme sur d´autres thèmes liés à la négociation sur la refondation sociale. Certes, la situation est pour l´instant bloquée avec les syndicats, après six séances de discussions, mais on sait maintenant que le simple exposé des projets patronaux a le don d´alourdir le climat social. Or, les retraites se prêtent à bien des offensives. Si, officiellement, il n´est plus question de
fonds de pension ou de la création d´un système par capitalisation, les
autres motifs de discorde ne manquent pas. Ils vont d´une « retraite
à la carte », dont le montant dépendrait de l´âge et de la durée
de cotisation, à un système de retraite « à double entrée »,
selon l´âge et la durée de cotisation, en passant par l´épineux
rapprochement des deux régimes de retraites complémentaires l´Arrco (tous
salariés du privé) et l´Agirc (cadres du privé). Les ministres européens de l´économie, conscients de la menace que font peser les retraites sur les finances publiques, ont, par deux occasions en ce début de novembre, consacré leurs travaux aux conséquences du vieillissement de la population. Selon Laurent Fabius, qui préside ces réunions, ils ont admis « la nécessité de réformes de fond ». Parallèlement, l´Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rendait public un premier bilan des réformes entreprises par les pays de la zone, pour se féliciter des efforts accomplis, finalement plus impressionnants qu´on ne le croyait. Le document est censé sensibiliser. Sachant, ainsi que l´a rappelé Peter Hicks, expert de l´OCDE, qu´« on peut raisonnablement s´attendre à ce que cela conduise à des changements importants dans les cinq ou dix années à venir ». En
traînant des pieds, la France n´empêchera pas l´inexorable. Elle prend
aussi du retard sur des évolutions qui sont lentes. Parce qu´elles
supposent d´abord que les mentalités bougent.
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