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L'Effritement Des Fins de Carrière Pèse Sur la Retraite

By Catherine Rollot, Le Monde Economie

October 18, 2004

Pour Michelle, le couperet est tombé à 57 ans. Pour Marc, c'était à 55. Mais, cinq ans avant son départ définitif, il avait senti le vent mauvais souffler et, même si de "jolis placards l'avaient accueilli", la porte de la sortie s'était faite de plus en plus pressante.

Avant de partir, ce cadre aujourd'hui au chômage et qui sera officiellement en retraite dans trois ans pensait qu'il ne perdrait rien en quittant son travail. Depuis, son moral est en berne. "Je me rends compte que l'on ne passe pas sa vie au travail sans conséquence : le travail, les collègues, les responsabilités me manquent et j'en suis parfois stupéfait... J'aimais le travail que je faisais et je pensais que je pouvais encore travailler longtemps. Mon processus de deuil vis-à-vis de mon entreprise n'est pas fini."

A l'image de Michelle ou de Marc (les prénoms ont été volontairement modifiés), qui témoignaient lors d'une journée organisée par l'association Développement et Emploi sur le thème "Du travail à la retraite : des transitions réussies", nombre de salariés connaissent un arrêt brusque, imprévu et anticipé de leur vie professionnelle. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Au moment de toucher leur pension, 36 % des personnes étaient dans des dispositifs de préretraites, 20 % étaient indemnisées par les Assedic et 6 % étaient en longue maladie. Seuls 38 % arrivaient donc à la retraite dans des conditions "normales", c'est-à-dire en quittant un emploi.

Malgré la diversité des situations, tous partagent l'absence quasi systématique de préparation à ce qui s'avère pourtant comme une étape fondamentale dans la vie de chaque salarié. "Le concept de transition entre vie professionnelle et retraite n'a jamais rencontré beaucoup de succès", explique Dominique Thierry, vice-président de Développement et Emploi. "L'échec de la notion de retraite progressive est là pour en témoigner. Les dispositifs telles les préretraites progressives (PRP) ont été essentiellement utilisés comme alternatives aux départs anticipés, dans une logique de gestion d'effectifs."

De fait, l'information sur le sujet circule peu. Comme le reconnaît Monique Baudoin, consultante, animatrice de session de préparation à la retraite, "la demande de séminaire pour franchir le cap entre fin de carrière et retraite émane principalement des syndicats, via les comités d'entreprise, et quasiment pas des directions des ressources humaines (DRH)".

Autre constat : beaucoup de salariés ont tendance à idéaliser le départ. La faute à la gestion désastreuse des fins de carrière, qui a souvent pour effet de saper le moral des seniors et leur faire presque espérer le jour où ils tourneront la page. "Dans les entreprises, aujourd'hui, la carrière des cadres se déroule essentiellement entre l'âge de 30 et 45 ans", constate Monique Boutrand, secrétaire fédérale à la CFDT Cadres et membre du groupe de recherche sur "l'identité après le travail" constitué sous l'égide de l'association Développement et Emploi. "Au-delà de cette tranche d'âge, une offre de formation moindre, des propositions de mobilité plus rares, un entretien professionnel moins formel, voire autour d'une table de restaurant... sont autant d'indices discrets qui instillent chez les cadres le sentiment qu'ils abordent la fin de leur carrière", poursuit la syndicaliste.

Pour ceux qui ont la chance de pouvoir terminer leur parcours dans l'entreprise, les dernières années sont donc bien souvent synonymes de frustrations, voire de ressentiment. "C'est particulièrement marqué chez ceux qui ne sont pas remplacés, ceux dont personne ne poursuivra la tâche", constate Monique Boutrand. "La possibilité de transmettre son savoir, d'expliquer à un plus jeune son expérience, représente une reconnaissance qui contribue à positiver cette transition vers la retraite."

Plus douloureuse encore est la situation des deux tiers des salariés âgés, poussés vers la sortie dans le cadre de départs anticipés ou de licenciements secs. "Même les préretraités partis dans des conditions financières avantageuses se vivent souvent dans une période "de no man's land", incapables de bâtir un nouveau projet de vie tant qu'ils ne sont pas juridiquement en retraite. A fortiori, pour les demandeurs d'emploi -âgés-... qui savent qu'ils n'en trouveront pas, toute projection vers la retraite est quasi impossible", analysent les experts du groupe de recherche précité.

Si les chercheurs commencent à explorer les conditions satisfaisantes de transition du travail vers le "hors travail", les entreprises refusent pour l'instant de s'aventurer sur ce terrain-là. Et pour cause. "Les employeurs ne se préoccupent même pas de garder leurs seniors", analyse Dominique Meda, philosophe, responsable de la mission animation de la recherche de la Dares (ministère du travail). "On ne voit donc pas pourquoi elles s'inquiéteraient des conditions non matérielles de départ, voire de la qualité de la retraite de leurs anciens salariés."

Pouvoirs publics et partenaires sociaux sont restés absents du débat. Rien ne les poussait d'ailleurs à bouger. L'augmentation de 33 % des plus de 55 ans dans la population active d'ici à 2007 pourra peut-être constituer le bon aiguillon.


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