Home |  Elder Rights |  Health |  Pension Watch |  Rural Aging |  Armed Conflict |  Aging Watch at the UN  

  SEARCH SUBSCRIBE  
 

Mission  |  Contact Us  |  Internships  |    

        

 

 

 

 

 

 

 

 



2006 : Cinq défis (au moins) pour l'année du papy-boom

Par Jean-Yves Ruaux, seniorscopie.com

France

2 janvier 2006

Plus de 600 000 baby-boomers vont cesser leur activité en 2006. Plus de 100 000 créations nettes d'emplois auront lieu. Nouveauté : la concurrence va s'installer chez les recruteurs. Pourtant, la question des retraites, celle de l'emploi des seniors, et de l'adéquation de l'action politique au désir des Français ne sont pas résolues. Les baby-boomers ne sont toujours pas décidés à partager la place qu'ils occupent sur le devant de la scène avec les autres générations. Les responsables d'entreprises n'ont pas encore tous compris que la ressource humaine va se tarir et la productivité diminuer, s'ils ne savent pas valoriser les compétences de leurs aînés. Quelques-uns des défis au menu de l'année qui s'ouvre.

1. Retraites : parvenir à l'équité en anéantissant le corporatisme
Pourquoi un conducteur de car scolaire, qui fait le même métier avec des horaires de travail, souvent plus amples, doit-il cotiser au moins dix ans de plus qu' un employé de la RATP pour toucher une retraite inférieure ? Quel gouvernement affirmera sa capacité à mettre les salariés du privé, ceux des "régimes spéciaux", et du secteur public sur un pied d'égalité face aux cotisations sociales et aux pensions ? Les socialistes peuvent-ils mieux y prétendre que la droite ?

Pas sûr, car le succès du "non" au référendum sur la Constitution européenne les a incités à se "gauchiser". Un oil sur Ségolène qui séduit Nicolas Sarkozy (Le Monde, 02/01/2006), François Hollande a réintégré Fabius dans son orbite pour éviter de perdre la gauche du PS au profit de l'ultra-gauche. Hollande tétanisé, le PS est paralysé. Car, la sur-représentation des fonctionnaires et assimilés dans les partis de gauche (et les syndicats) les empêche (le plus souvent) de s'écarter d'une vision corporatiste pour atteindre à l'équité.

Une droite colbertiste et jacobine (Chirac, Villepin.) est-elle plus à même de traiter la question ?

Faut-il songer au paradoxe de l'arrivée de la droite libérale pour parvenir à une véritable équité ? Peut-être ! Sarkozy sait se montrer libéral, voire "ultra libéral", lorsque son discours n'a pas d'enjeu électoral impliquant ses chances de succès. Sinon, l'ambitieux roublard, l'avocat malin, le "street-smart, sharp-elbowed lawyer" qu'évoquent les Britanniques, dilue la force de son café pour flatter le palais de sa clientèle du jour. Comme Tony Blair qu'il envie.
Beaucoup de pays ont abrogé les avantages spécifiques à leur fonction publique (nord-européens entre autres) mais le risque encouru par tous est aussi celui de l'évolution britannique. L' équité risque de s'y manifester dans la pauvreté partagée par l'ensemble des retraités. 

2. Lutter contre les discriminations âgistes (et en tous genres) par la révolution des mentalités

* La population du Japon va décliner dès 2006, faute de renouvellement des générations. D'ici trente ans, le pays aura perdu le cinquième de ses habitants et plus encore de sa force économique, de sa compétitivité. Il mise sur sa technologie pour triompher de ce handicap.

Les robots sophistiqués représentent même un obstacle à l'emploi d'infirmières et d'aide-soignantes immigrant des Philippines au Japon ("Japan's humanoïd robots ; Better than people", The Economist, 24/12/2005). Le Japonais juge en effet moins stressant d'avoir à son service des machines auxquels il ne devra pas les égards contraignants de la politesse nipponne. Exemple japonais, constatation universelle : le carcan des préjugés.

* Les représentations, dont nous sommes prisonniers, peuvent ainsi hypothéquer l'avenir socio-économique et politique d'un pays. Le non français au référendum de mai 2006 comporte une part de nostalgie de temps meilleurs, partagée par les seniors populistes-traditionnalistes de l'extrême-droite et les aînés de l'extrême-gauche.

Les trotskystes présenteront Arlette Laguiller aux élections présidentielles de 2007, 38 ans après sa première candidature. Comme les communistes et une partie des socialistes, ils mixent leur message antiglobalisation avec une croisade pour davantage de justice sociale. Nombre d'entre eux puisent leur doctrine dans les pages du Monde Diplomatique et la littérature d'ATTAC qui expriment parfois la nostalgie de la guerre froide, d'un monde clairement partagé jusqu'en 1990 entre Est et Ouest.

Explication partielle : beaucoup ont fréquenté feue l'Albanie du "ruralo-marxiste-léniniste" Enver Hodja dans les années 70. Ils en ont conservé la croyance que la France peut s'épanouir hors d'une globalisation, pourtant entrée dans les faits par les communications. Cette foi du charbonnier a déjà leurré une partie de l'électorat en 2005. La CGT y trouve l'argument d'une alternative aux politiques existantes pour refuser la suppression des régimes spéciaux de retraite ou l'harmonisation des pensions public/privé.

* Reste que le jeunisme ambiant représente lui aussi un obstacle à l'harmonisation des relations avec elle-même d'une société qui vit un décentrement démographique. L'âge médian de la population française va croître de plus de dix ans d'ici 2025. Or les média-boomers, politiques et people, réunis (PPDA, Jarre, Hollande-Royal, Sarkozy.) ont fait glisser à leur profit le pôle d'équilibre des couvertures de magazines. Ils en étaient le sujet en 1980 et le sont toujours sans avoir encore accepté leur place dans la succession des générations. Je renais donc je suis. Les publicitaires - à qui l'on reproche souvent d'offrir des stéréotypes restrictifs au public - ont su mieux que les politiques et les managers intégrer l'âge à leur perception du réel.
Interdéco Expert - le centre de recherches de Hachette - focalise aujourd'hui nombre de ses études sur les 50-65 ans en attendant d'y intégrer les 65-70 ans avec le glissement démographique en cours.

* Pour le politique, ou le manager, le vieux reste l'autre. Sophie Pedder, la correspondante en France de The Economist, redoute de nouvelles explosions sociales en 2006 pour le pays. Elles résulteraient, entre autres, de l'écart entre le discours et l'action politique : "Les Français veulent changer. Ils en ont soupé d'une élite intouchable. Ils craignent pour leur boulot. Ils redoutent le déclin du pays. Ils sont en quête d'un leader qui inspire l'espoir. M. Chirac incarne le passé : 2006 marquera le trentième anniversaire de sa première démission du poste de Premier ministre." La journaliste a la dent dure pour évoquer la distance que suggère l'image du "patricien" de Villepin, "an aristocratic, smooth-talking diplomat". Elle montre également sa réserve à l'égard de la capacité de Nicolas Sarkozy à incarner la réalité du changement, de la rupture, de la révolution mentale qu'il annonce. "Il va avoir de plus en plus de mal à se vendre comme une alternative à l'actuel gouvernement tout en continuant à y siéger."

3. Jouer la solidarité sociale contre l'individualisme ambiant
* Les boomers ont inventé la culture jeune (années 60-70) avant de décliner d'autres valorisations de l'ego dont la littérature (Pascal Bruckner, Laurent Joffrin, Bernard-Henry Lévy, PPDA.) ou les trajectoires et représentations politiques (Fabius, Hollande, Royal, Sarkozy, Villepin.) témoignent. Le schéma de la famille recomposée, les "unions californiennes" (quinqua + jeunette, Polnareff.) ont été popularisés par les boomers.

La valeur couple s'est aujourd'hui émiettée. Cette donnée est passée de la représentation d'une relation inscrite dans une durée et institutionnalisée à l'image de fragile (mais intense) point d'intersection de destinées. Toujours le culte de l'individu. La valeur couple est aussi passée de l'universalité d'un schéma hétérosexuel à celui de couples, voire de familles homosexuelles (cf la reconnaissance britannique des mariages gay le 20 décembre 2005).

* En revanche, les nécessités de l'heure en appellent davantage à des solidarités retrouvées entre les âges au travail, au sein de la cellule familiale, en politique. Depuis le début du processus de la réforme des retraites (2003), les gouvernements successifs n'ont pas su faire comprendre que le relèvement de l'âge de la retraite est un élément de la solidarité économique entre générations. Les syndicats ont soigneusement évité ce point. Or, les boomers ne peuvent se permettre de faire peser tout le poids de leurs retraites sur les générations suivantes que l'on sait d'avance moins bien loties. Le fait nouveau de 2006 n'est pas l'avancée en âge d'une partie de la population mais le volume inédit de cette population et son poids sur l'économie globale. 

4. Ressources humaines : instaurer un management créatif pour rompre avec le malthusianisme traditionnel
"On se prépare à une rude bataille pour le carburant, l'eau et les compétences humaines", prédit Mark Léonard qui est le directeur de politique étrangère du Centre pour la réforme européenne (The Economist, "The World in 2006").

L'humanité connaît depuis des millénaires la valeur stratégique de la possession de l'eau, source de vie. Dans les années 70, la crise du pétrole a fait découvrir la force géopolitique du propriétaire des ressources fossiles (cf le conflit Russie/Ukraine). La découverte la plus récente est celle de la raréfaction des talents et de la subsidiarisation des activités à valeur ajoutée.

Les théoriciens US évoquent la "granularisation" des métiers, leur spécificité, la responsabilisation individuelle qui appellent le retour à un encadrement intermédiaire, une gestion moins pyramidale, plus décentralisée de la décision. Elle est exigée par la particularité croissante de la demande, l'exigence du sur-mesure favorisée par une concurrence exacerbée. Les stratégies globales s'effacent au profit de la recherche généralisée de l'efficacité et de l'adéquation de l'offre à la localisation accrue des marchés. Le "penser global, agir local" prévaudra de plus en plus dans la gestion des ressources humaines.

Le nombre des départs annuels (600 000) va dépasser de plus de 100 000 les entrées sur le marché du travail dès 2006. Un chiffre supérieur est attendu en 2008 en Corée du Sud, dont l'expansion économique est plus récente mais rapide et fragile.

Conséquence, la figure du décideur omniscient, éventuellement inspiré par une vision individuelle, "the big-ego CEO", selon le mot américain, subit une décote. Economiquement, elle sera vite jugée moins efficace que la personnalité du coach capable de stimuler ses équipes, de veiller au bon équilibre des âges, des échanges de compétences. De même que les GRH et RRH, le manager devra devenir attentif aux parcours de carrière afin d'éviter la démotivation. Il lui faudra maintenir l'ardeur au travail, le patriotisme d'entreprise d'une assistante de 63 ans, plusieurs fois grand-mère, lui donner des objectifs renouvelés. Il aura à substituer un management individualisé aux mouvements de troupes malthusiens qui avaient la faveur des "chefs de personnel" de la grande industrie "seventies".

Savoir expliquer, faire partager, déclencher l'enthousiasme d'un ingénieur sexagénaire, coordonner les actions, deviendra plus important que l'aptitude à trancher en solitaire. Triomphe éthique du négociateur mutualisant ses décisions sur l'autocrate inspiré.

5. Faire triompher le pragmatisme sur le formalisme
"En 2006, l'Europe devra moins se concentrer sur l'idéologie et plus sur les résultats", plaide José-Luis Barroso (The Economist, "The World in 2006"). Le président de la Commission a été échaudé par le non français au projet de Constitution et tous les signes d'une sclérose institutionnelle qui peut bloquer le pays. Une sclérose sensible à tous les étages, porteuse de cette discrimination entre les âges, les statuts, les cultures dont les observateurs étrangers redoutent les effets.

Reste que lorsqu'une famille de cinq personnes veut embarquer dans un taxi parisien, elle y parviendra parfois, mais au prix de palabres, de l'acquittement de suppléments, de temps perdu pour tous. Les règlements applicables à la profession de taxi sont l'objet d'un intense lobbying et sont (souvent) conçus au bénéfice de l'exploitant (voire l'étonnante disparité de la flotte) et non du client. Lorsqu'une personne âgée en fauteuil veut accéder à un taxi, elle devra réserver avec préavis, ou sinon se heurter fréquemment à la mauvaise grâce des chauffeurs, avant de se plier à la morphologie de leurs véhicules. Les "citycabs" d'Edimbourg ouvrent leur porte latérale, déploient leur rampe d'accès amovible et l'aîné peut s'y installer sans autre formalité, ni remisage de son fauteuil au coffre. De la même façon, une famille ou un groupe y prend place sans autre formalité. Le taxi écossais a été conçu comme un moyen de transport universel, en conformité avec les directives de l'ONU pour une société sans discrimination, ouverte à tous les âges.

L'extrême formalisation des dispositifs et procédures français, le chevauchement des lois, les retards de publication des décrets (jusqu'à vingt ans parfois) font qu'en dépit des lois du 11 février 2005, l'accessibilité généralisée des commerces et institutions du pays ne sera pas effective avant une dizaine d'années. Quant à la réforme des retraites, elle est en partie périmée avant d'avoir connu une application complète.


Copyright © Global Action on Aging
Terms of Use  |  Privacy Policy  |  Contact Us