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Et toujours les retraites. 

P
ar Michel Husson, dans l'Humanite

France

7 avril 2006

C’est la nouvelle « réforme » à la mode. Dans plusieurs pays européens (Allemagne, Espagne, Danemark, Royaume-Uni) de nouveaux projets sont avancés, qui consistent tous à repousser l’âge de la retraite : de 65 à 67 ans au Danemark, de 60 à 65 ans pour les fonctionnaires britanniques. Cette nouvelle offensive vient de se heurter au Royaume-Uni à un mouvement social massif, le plus important depuis 80 ans, qui a concerné tous les services publics : écoles, transports, éboueurs, pompiers et même ... policiers.

Pourtant la logique de ces réformes semble à première vue convaincante : si les salariés partent plus tard à la retraite, ils resteront par définition actifs plus longtemps et la progression du nombre de retraités sera freinée d’autant. Dans le scénario du COR (Conseil d’Orientation des Retraites), la réforme Fillon fait ainsi gagner 0,9 % de PIB à l’horizon 2020 et 1,2 % à l’horizon 2050. Mais cette économie (assez modique) ne pourrait être dégagée qu’à une condition : même si les salariés acceptent de travailler plus longtemps, il faut encore que leurs emplois ainsi prolongés s’ajoutent à ceux créés pour les jeunes. Autrement dit, il faut supposer que le nombre d’emplois s’adapte à celui des demandeurs d’emplois.

Dans l’absolu, l’allongement de la durée de vie et le vieillissement des populations devraient rendre possible un tel scénario : baisse du chômage, progression des salaires (et donc des ressources des régimes de retraite) et allongement de la vie active. Mais les projets à long terme des capitalistes sont différents, et les représentants du Medef au COR (dont Guillaume Sarkozy) ont vertement critiqué cette perspective d’une stabilisation, voire d’un redressement de la part de la masse salariale dans le revenu national. Le patronat entend bien que les choses se passent autrement, et que le chômage continue à exercer son influence « bienfaisante » sur le niveau des profits.

Les fonctionnaires anglais ont parfaitement compris la logique implacable qui se cache derrière ce type de réforme. En pratique, compte tenu de l’état du marché du travail, les salariés devront prendre leur retraite à peu près au même âge qu’avant, mais avec une pension réduite d’autant en fonction de systèmes de « décote » semblables à celui que la réforme Fillon a introduit en France. Le but de la manoeuvre n’est donc pas de faire travailler les gens plus longtemps mais bien de baisser le niveau de leur pension.

Ce qui se passe dans les pays voisins préfigure alors ce qui risque de se passer en France. La réforme Fillon est en effet une réforme glissante. On sait qu’elle conduit à reculer l’âge de départ à la retraite : en 2008, il faudra avoir cotisé 40 ans pour avoir droit à une retraite à taux plein. Mais ce n’est pas tout : à partir de 2009 - c’est explicitement prévu par la loi - la durée de cotisation augmentera à nouveau dans le public et le privé, de telle sorte que les salariés qui devront partir à peu près au même âge en retraite verront leur pension diminuée d’autant. Il faut ajouter à ce mécanisme celui de l’indexation des pensions, sur les prix et non pas sur les salaires, qui conduit d’ores et déjà à une baisse relative des retraites. Aujourd’hui, la pension moyenne représente environ 72 % du salaire moyen : ce taux de remplacement ne sera plus, selon le COR, que de 65 % en 2020 et de 59 % en 2050.

Les alternatives à cette régression sociale existent, et elles ont été largement discutées pendant le mouvement sur les retraites de 2003. Elles reposent sur un schéma, évidemment inacceptable par le patronat, qui consiste à relever la part de la masse salariale dans le revenu national, puis à la stabiliser. Cela veut dire que le salaire va augmenter au même rythme que la productivité, ce qui rend possible d’accompagner l’évolution du rapport entre actifs et retraités, moyennant une augmentation progressive du taux de cotisation patronale.

Quant à l’argument selon lequel l’allongement de la durée de vie en bonne santé devrait permettre de travailler plus longtemps, il n’est pas d’actualité. Avant de le prendre en considération, il faut d’abord revenir au plein emploi, parce qu’il serait absurde de vouloir faire travailler plus longtemps ceux qui ont un emploi quand tant d’autres en sont privés. L’autre préalable est de réduire la durée et l’intensité du travail, sinon on verra dans dix ou vingt ans les salariés arriver à la cinquantaine dans le même état d’usure que les générations précédentes.

Michel Husson, Fondation Copernic, administrateur de l’INSEE, chercheur à l’IRES


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