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« Joindre les deux bouts » avec de petites retraites

La Croix

France

19 Décembre 2007


Alors que se tient jeudi 20 décembre à Matignon la conférence sur les pensions, cinq retraités modestes témoignent de leurs difficultés quotidiennes

Pas une vie, de la survie Josy, à Carcassonne
Elle parle d’une « vie sans rien ». Ni mari – décédé depuis déjà vingt ans –, ni enfants, ni plaisirs ou «petites folies». Depuis douze ans, Josy vit seule, à la retraite, en face de la prison de Carcassonne, dans un appartement d’une cité HLM de l’Aude, un des départements les plus touchés par la pauvreté des personnes âgées selon l’Insee. 

« Je n’ai personne sur qui compter, à part peut-être une nièce. Mais elle vit en Guyane, confie cette vieille dame de 72 ans. C’est triste, mais on s’y fait… » Chaque mois, il lui faut donc apprendre à « se débrouiller seule, sans la famille », avec sa maigre retraite, que l’État complète par l’allocation de solidarité aux personnes âgées dite « minimum vieillesse », soit 526 €. 

Une fois le loyer, le gaz, l’électricité et l’eau payés, Josy n’a plus rien, elle qui a pourtant commencé à travailler dès l’âge de 14 ans comme nourrice, puis ouvrière à la chaîne. « C’est injuste. J’ai beaucoup donné pour gagner peu au final, se désole-t-elle. C’est très dur à accepter, d’autant qu’aujourd’hui tout augmente sauf les retraites ! » 

Josy doit donc « se priver de tout ». Elle ne s’autorise aucune sortie, sauf quelques promenades dans la ville, et se contente de la télé, sa « seule compagnie », dont elle ne pourra pas payer la redevance comme le souhaite à présent le gouvernement. Ses pantalons, robes et vestes, elle va les chercher dans la friperie sur le boulevard voisin, où tout est à vendre à 0,50 €. Quant à la nourriture, depuis cinq ans, elle a dû « à contrecœur » se résoudre à se rendre au Resto du Cœur, à la distribution de colis alimentaires tous les lundis et jeudis. « Je ne pouvais plus faire autrement. J’ai mis du temps à me décider, explique-t-elle. Au début, le regard des gens me gênait beaucoup. J’avais honte. » Et si Josy a encore besoin de « quelques bricoles », elle a ses adresses de hard discount. 

Travailler pour ne plus être assisté Daniel, à Achères (Yvelines)
« Les aides, c’est bien beau, mais ça ne peut pas durer continuellement, et je préfère trouver un bon emploi. » À 66 ans, Daniel pourrait espérer couler une retraite paisible, avec son épouse et les trois derniers de leurs neuf enfants. Mais avec 312 € de retraite mensuelle et 307 € de complément versés chaque trimestre, il n’y a pas moyen de s’en sortir. Surtout quand il faut acquitter 310 € de loyer HLM à Achères (Yvelines). 

S’il le pouvait, Daniel serait encore responsable de caisse dans le supermarché tout près, mais après le braquage dont il a été victime en 2001, sa tension artérielle s’est emballée et sa santé s’est dégradée. Tant que son épouse travaillait dans la restauration, cela pouvait aller, mais au chômage depuis un an et demi, elle ne perçoit plus grand-chose. Durant huit mois, la famille n’a survécu que grâce aux aides caritatives et au soutien de ses enfants aînés. 

Mais Daniel ne veut plus compter sur les autres. Pour gagner de l’argent, et ne pas être assisté, il a trouvé un emploi : chaque jour, il conduit des enfants handicapés à l’hôpital de jour, pour un salaire mensuel de 570 €. Mais ce n’est pas encore assez et il aimerait percevoir 800 à 900 €. « J’ai l’âge, c’est vrai, mais j’ai encore la force de travailler et j’ai toujours eu de très bonnes références », insiste ce titulaire d’un DESS de comptabilité. À force de chercher, il pense avoir frappé « à toutes les portes des environs », mais il ne se décourage pas. En attendant « de sortir de cette galère », Daniel fait du bénévolat. Du temps, c’est tout ce qu’il peut donner, alors il ne s’en prive pas.
 
Une retraite de privations Anne, à Nantes
Elle n’est pas du genre à se plaindre mais Anne (1), retraitée nantaise de 75 ans, reconnaît devoir se priver de beaucoup de choses. Elle touche un peu moins de 600 € par mois, en comptant sa retraite et son allocation supplémentaire. Ancienne responsable du personnel dans une grande entreprise, elle n’a pas pu obtenir tous ses trimestres de cotisations en raison d’arrêts maladie fréquents. Sans enfants et veuve depuis l’âge de 40 ans, Anne a l’habitude de « tout gérer toute seule ». 

Une fois le loyer de son modeste T3 réglé, l’électricité, le téléphone, l’assurance et la mutuelle payés, il ne lui reste plus grand-chose à dépenser. « Je suis bien équilibrée dans mon budget, je regarde à tout. » Pour ses courses alimentaires, elle cible plutôt les grandes surfaces. « En centre-ville, la margarine coûte 0,40 € de plus, ça vaut le coup de l’acheter ailleurs. » Elle qui n’aime pas « les repas gargantuesques » ne mange pas de viande tous les jours mais se « régale » de légumes de saison. «Je m’en sors avec des fermiers que je connais.» Pour le reste, « je n’ai pas besoin d’être à la mode. Tant que mes vêtements sont corrects, je peux attendre l’année suivante. »

Dans son petit appartement de centre-ville, Anne s’offre des plaisirs simples : « Je lis, j’écoute de la musique à la radio, je récupère les revues des voisins et des amis. » Lorsqu’il lui reste un peu d’argent à la fin du mois, elle le met de côté « pour les coups durs ». « Il faut tout prévoir. En cas de souci de santé, on est de moins en moins remboursé. » Sa richesse, Anne la trouve donc ailleurs. «J’aime aller vers les gens, leur tendre la main.» Engagée dans la vie associative de son quartier, elle participe à de nombreuses réunions et ateliers. « L’essentiel, c’est de ne pas se replier sur soi-même.» 

Des comptes au centime près Annick et Paul, à Noyal-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine)
Dans la cheminée qu’ils ont fait installer récemment, un bon feu de bois réchauffe la pièce principale de leur petite ferme aménagée avec goût, aux portes de Rennes. Retraités depuis 2002, Annick et Paul Veillard, 62 et 66 ans, ont étalé les papiers sur la table et donnent les chiffres au centime près. 

« Parler d’argent n’a jamais été un tabou », explique Annick. Exploitants agricoles sur une petite ferme d’une trentaine d’hectares où ils avaient pris la succession des parents de Paul, ils ne se plaignent pas de leur sort. La retraite a failli être encore moins élevée, mais Annick a bénéficié d’un petit coup de pouce pour ses quatre enfants : « Entre 1971 et 1981, un décret a permis, en prélevant une petite somme sur les allocations familiales, de cotiser au taux plein pour les femmes ayant élevé des enfants, explique-t-elle. Au moment de la retraite, la Mutualité sociale agricole avait oublié de le prendre en compte. » 

Il a fallu six mois de démarches avec l’aide de leur syndicat, la Confédération paysanne, pour que ce supplément soit réintégré. « On ne peut pas augmenter nos revenus comme Sarkozy l’a fait pour son salaire et notre pouvoir d’achat est, comme pour tout le monde, à la baisse », souligne Paul. 

Les deux retraites couvrent les dépenses courantes mais sans plus. Évidemment, s’il y a des dépenses un peu exceptionnelles, comme la cheminée ou des travaux à faire sur la maison, ils puisent dans les réserves et complètent leurs petits revenus en louant leurs hangars pour abriter des camping-cars, caravanes et bateaux. 

Il emprunte 20 € par-ci par-là Belkacem, à Toulouse
L’hiver, Belkacem n’aime pas. À cause de la facture de gaz, qui gonfle avec le chauffage, il ne chauffe quasiment plus. Ou juste la chambre de son T3 au centre de Toulouse. « Quarante ans de boulot pour en arriver là, forcément c’est dur », lâche ce retraité de 67 ans. Il est arrivé en France en 1962, pour fuir la guerre d’Algérie, et jusqu’à la fin de son activité de maçon, en 2000, n’a jamais cessé de travailler. La plupart du temps pour des artisans, durant des périodes plus ou moins longues, jusqu’à quinze ans chez l’un de ses « petits patrons ».

« Un congé-maladie, je n’en ai pris qu’une fois, quand je me suis cassé la jambe sur un chantier, raconte-t-il. En 1994, je suis resté quelques mois sans travail, mais je ne me suis pas inscrit au chômage. Je me suis débrouillé. Je n’ai jamais rien coûté. Alors, ce que je touche aujourd’hui, je trouve cela bien maigre. »

640 € de retraite, plus une pension de rapatrié et une pension d’ancien combattant. En tout, à peine plus de 800 € mensuel. Son loyer s’élève à 370 € par mois, et il reçoit 130 € d’allocation logement. Joindre les deux bouts dans ces conditions est un exercice d’équilibriste. Surtout depuis trois ans, et la séparation d’avec son épouse (mais sans divorce encore) qui, plus jeune, continuait à travailler. 

D’autant que Belkacem s’occupe souvent le week-end ou dans la semaine de ses trois enfants de 8, 14 et 16 ans. À qui il ne sait pas refuser grand-chose. Il leur fait parfois les courses, qu’ils ramènent chez leur mère. Se laisse aller à quelques crédits.

Pour boucler les fins de mois, Belkacem emprunte, à droite à gauche, à des amis, 20 € par-ci par-là. Se limite souvent à un sandwich par jour. Spirale descendante. Depuis deux mois, il a accepté d’être placé sous la tutelle de l’Association des petits frères des Pauvres, qui suit à Toulouse plus de 300 personnes âgées en grande précarité. 

Le midi, il mange au restaurant municipal. C’est au moins un vrai repas par jour. Et il réapprend à gérer son petit budget, à tenir sur le fil. « Si j’avais 1.000, ou 1.200 € comme d’autres qui, me semble-t-il, ont moins trimé que moi, je serais un petit peu plus tranquille. Mais bon, grâce à Dieu, j’ai encore la santé. Alors, peut-être que je ne dois pas me plaindre. »


Une enquête de nos correspondants régionaux


(1) Son prénom a été modifié à sa demande.


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