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Avoir le courage du (cinquième) risque

Par Philippe Bas, Lemonde.fr 


5 Août 2009


France


Parmi les engagements du candidat Nicolas Sarkozy figure la couverture du "cinquième risque", c'est-à-dire le risque dépendance. C'est un engagement qu'il a eu raison de prendre ! Il faut maintenant le tenir. Comment ? 
D'abord en nous entendant sur l'objectif : il s'agit de financer par la solidarité la part croissante des dépenses aujourd'hui à la charge des personnes dépendantes et de leur famille.


L'expression "cinquième risque" peut induire en erreur. Il ne saurait être question d'ajouter aux quatre branches de la Sécurité sociale (maladie, accidents du travail, famille, retraite) une cinquième, qui serait la branche "dépendance". Ce serait faire fausse route ! Nous ne partons pas de zéro. Il faut s'appuyer sur l'existant.


Et l'existant, ce n'est pas d'abord la Sécurité sociale, ce sont les départements et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Ils assurent le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, ainsi que la prise en charge des dépenses des maisons de retraite et des maisons pour personnes handicapées qui ne sont pas laissées aux personnes dépendantes et à leur famille. Notre organisation est garante d'une réponse aux besoins de chaque personne par des services de proximité. Il ne s'agit pas de se priver de ce qui marche, mais d'innover pour remédier à ce qui ne va pas.


Et ce qui ne va pas, c'est que la part laissée aux personnes et à leur famille ne cesse de croître. En effet, les établissements ont beaucoup investi pour se mettre aux normes et augmenter le nombre de places disponibles ; ils devront d'ailleurs continuer à le faire. Les conséquences sur les budgets ne se sont pas fait attendre.


Malgré un effort sans précédent des pouvoirs publics grâce à la Journée de solidarité, les prix de journée des établissements n'ont cessé d'augmenter pour pouvoir rembourser les emprunts. Dans les maisons de retraite, le prix de journée moyen avoisine désormais 1 800 euros par mois, contre 1 500 en 2004. Avec une retraite moyenne de 1 200 euros, les personnes âgées ne peuvent suivre sans que toutes leurs économies y passent. Beaucoup sont contraintes de faire appel à leurs enfants ou à l'aide sociale. Certaines le ressentent comme une insupportable humiliation après une longue vie de labeur. 

 

Le devoir de notre société n'est pas seulement de dispenser les soins et l'accompagnement auxquels elles ont droit. C'est de leur épargner cette ultime souffrance morale du grand âge, parfois aussi douloureuse que la dépendance elle-même.


Quand il s'agit du gîte et du couvert, il est normal que chacun paie comme s'il était chez lui. Mais quand il s'agit de l'assistance et des conditions d'hébergement liées à la dépendance, la solidarité doit jouer. Il faut créer au plus vite un "chèque dépendance" pour combler le fossé creusé entre la pension de la personne dépendante et le coût de son accueil.


Gardons-nous bien de le faire en augmentant les prélèvements obligatoires, dont notre pays détient déjà le triste record ! Cela se traduirait par plus de chômage et moins de pouvoir d'achat. Ce serait irresponsable.
Il y a deux autres moyens de réunir les financements nécessaires. L'un et l'autre ont démontré leur efficacité.


Tout d'abord, le redéploiement de crédits de l'assurance-maladie en faveur des personnes dépendantes : depuis 2005, ce sont près de 4 milliards d'euros supplémentaires qui ont ainsi alimenté les fonds médico-sociaux de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, que je suis fier d'avoir mis en place. Gageons que la création des agences régionales de santé et les nécessaires restructurations du système hospitalier qu'elles ne manqueront pas d'impulser permettront d'amplifier encore cet effort. Il faut mettre l'argent de l'assurance-maladie là où sont les nouveaux besoins.


Ensuite, la création d'une deuxième Journée de solidarité, qu'il faut avoir le courage de proposer. Au pays des trente-cinq heures, dont bénéficient aujourd'hui plus de la moitié des salariés français, il vaut mieux financer le progrès de la solidarité par le travail, qui enrichit la France, que par l'impôt, qui l'appauvrit. Nous ne manquons pas de vacances et de RTT. Saurons-nous surmonter nos égoïsmes pour donner à nos anciens et aux personnes handicapées un peu de ce temps libre dont nous disposons à profusion ?


J'entends d'ici le déchaînement des protestations qu'une telle proposition, pourtant raisonnable, ne manquera pas de déclencher. Les défenseurs des acquis sociaux ne craindront pas de se mobiliser contre le progrès social et la solidarité. Les responsables politiques les plus frileux justifieront leur immobilisme par la crainte électorale. Les syndicats conservateurs dénonceront le fait que les artisans, les commerçants, les agriculteurs et les professionnels libéraux ne sont pas soumis à la journée de travail supplémentaire, oubliant qu'ils travaillent déjà plus de cinquante heures par semaine.


Et pourtant, malgré l'emprise du politiquement correct, malgré les critiques véhiculées par de nombreux médias, j'ai assumé haut et fort la Journée de solidarité dans toute la France, à chacun de mes déplacements ministériels. J'en ai en effet montré la contrepartie positive : à chaque fois, il s'agissait d'ouvrir des places pour enfants autistes, de créer des services d'accueil pour malades d'Alzheimer, de rénover de fond en comble des maisons de retraite vétustes. Rien de tout cela n'aurait été possible sans la Journée de solidarité. Partout, les critiques se faisaient discrètes devant les réalisations constatées. N'ayons donc pas peur !


D'aucuns préfèrent sans le dire l'augmentation de la CSG ou la création d'une TVA sociale, qui auraient le mérite de renflouer aussi les caisses de la Sécurité sociale. Force est de constater que le sujet est devenu tabou.
Je préfère pour ma part ouvrir le débat car, si nous ne surmontons pas les crispations qui surgissent à chaque fois qu'il est question du financement de la solidarité, nous pouvons être certains que jamais le cinquième risque ne verra le jour. Il n'y a pas d'autre raison au retard pris par ce grand projet présidentiel, dont la réalisation est plus que jamais urgente.

 

 

Philippe Bas est ancien secrétaire général de l'Elysée, ancien ministre de la santé et des solidarités.


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