Le casse-tête des
pensions de réversion
Par Colette Sabarly, Le Figaro
19 Novembre 2011
France
Après
le décès de son conjoint, tout
époux ou ex-époux survivant
bénéficie, en principe, d'un droit
à réversion de la pension de
retraite du défunt. Mais faire valoir ce
droit n'est pas si simple.
A la fin de l'année dernière, 1,8
million de personnes bénéficiaient
d'une pension de réversion du régime
général. Et sans surprise, ce sont
majoritairement les femmes qui profitent de ce
dispositif. Non seulement parce que leur
durée de vie moyenne est plus longue que
celle des hommes, mais aussi parce qu'elles ont
généralement des revenus
inférieurs. Pourtant, obtenir une pension
de réversion n'a rien d'un long fleuve
tranquille. Premier écueil :
l'information.«Tout le monde sait que la
pension de réversion existe, mais, à
aucun moment, les caisses ne délivrent une
information aux assurés sociaux»,
lance Marc Darnault, associé du cabinet
conseil Optimaretraite. La Caisse nationale
d'assurance vieillesse (Cnav) se défend.
«Lorsque le défunt percevait
déjà une pension de retraite et que
nous savons qu'il était marié, nous
envoyons systématiquement un courrier
d'information relatif aux droits du conjoint
survivant, mais lorsque celui-ci n'est pas encore
retraité, c'est plus difficile»,
indique-t-on à la Cnav. Abstraction faite
de cette petite polémique, force est de
constater que le système est complexe.
D'autant que si les différents
régimes de base ont été
harmonisés, les régimes
complémentaires, eux, conservent leurs
particularités. La pension de
réversion existe en effet dans le
régime de base comme dans le régime
complémentaire.
Le régime
général applicable à tous
Dans le régime de base, la première
des conditions tient au statut du survivant. Il
n'y a, en effet, que celui qui est marié
qui peut prétendre à la pension de
réversion. «L'ex-époux
bénéficie également de ce
droit, précise Marc Darnault, peu importe
la durée du mariage et le fait qu'il soit
ou non remarié.» Mais attention : les
couples pacsés ou simples concubins n'y ont
pas accès. Dans le régime
général, il faut aussi respecter une
condition d'âge. Le survivant doit avoir 55
ans au minimum au moment de sa demande de pension
de réversion (51 ans si le
décès a eu lieu avant le 1er janvier
2009). Cela ne signifie pas qu'il perd son droit
à pension de réversion, mais
seulement qu'il devra attendre l'âge de 55
ans pour en user.
Enfin, les ressources du survivant ne peuvent
dépasser certains plafonds revus chaque
année. S'il vit seul, ce plafond est
fixé à 18 720 euros annuels pour
2011. S'il vit en couple ou qu'il s'est
remarié entre-temps, ce plafond est
porté à 29 952 euros. De quels
revenus s'agit-il ? La liste est longue puisque
sont pris en compte non seulement les revenus
professionnels salariés ou non (un
abattement de 30 % est toutefois
concédé aux plus de 55 ans), mais
aussi les rentes, retraites de base et
complémentaire, allocation de
chômage, indemnités de
Sécurité sociale. De même que
les revenus tirés de placements (livrets
d'épargne, assurance-vie...) ou immobiliers
appartenant en propre au conjoint survivant.
Dans tous les cas, la pension de réversion
n'excédera pas 54 % de la retraite de base
du conjoint décédé ou de
celle à laquelle il aurait pu
prétendre. En effet, même s'il
n'était pas retraité, le
défunt avait sans doute acquis des droits
qui pourront, le cas échéant, donner
lieu à pension de réversion.
«Nous conseillons aux conjoints des
assurés décédés,
même s'ils pensent n'avoir aucun droit, de
faire une demande, quitte à ce que celle-ci
soit rejetée», indique-t-on à
la Cnav. Attention, si le défunt avait
été marié plusieurs fois,
chaque époux survivant a droit à une
pension de réversion au prorata de la
durée de son mariage. A noter aussi que le
montant de la pension est révisé
chaque année. Il peut donc augmenter,
diminuer ou être purement et simplement
supprimé.
Chaque
régime complémentaire a ses
spécificités
Les salariés du secteur privé, du
commerce, des services et de l'agriculture
cotisent obligatoirement à l'Arrco
(Association pour le régime de retraite
complémentaire des salariés) et,
éventuellement, à l'Agirc
(Association générale des
institutions de retraite complémentaire des
cadres). Les exploitants agricoles relèvent
de la Mutuelle sociale agricole (MSA). Les
commerçants et artisans disposent, pour
leur part, du RSI (Régime social des
indépendants) et les professions
libérales de différentes caisses
selon leur profession, l'une des plus importantes
étant la Cipav (Caisse interprofessionnelle
de prévoyance et d'assurance vieillesse).
De fait, ils bénéficient
également d'un droit à pension de
réversion. Sous certaines conditions. A
l'Arrco et à l'Agirc, elle concerne tout
conjoint marié (même divorcé).
Sans surprise, les couples pacsés ou en
union libre sont évincés. Attention,
à la différence du régime
général, le conjoint ne peut
toutefois être remarié, sinon il perd
son droit. Des conditions d'âge sont
également requises. A l'Arrco, aujourd'hui,
il faut au moins avoir atteint l'âge de 55
ans, et à l'Agirc, 60 ans. Autre
différence par rapport au régime
général : aucun plafond de
ressources n'est imposé. Quant au montant
de la pension, elle s'établit à 60 %
de la retraite complémentaire du
retraité décédé.
Le régime complémentaire des
indépendants diffère sur quelques
points. «La réversion
s'établit sur la base de 60%, mais
l'âge d'accès à cette
réversion est fixé à 60ans
pour le commerçant et à 55ans pour
l'artisan. Par ailleurs, la durée de
mariage doit être d'au moins deux
ans», note Marc Darnault. A noter aussi que
le remariage ne donne plus droit à pension
de réversion. Des conditions de ressources
sont également imposées : 36 753
euros par an en 2011. «En cas de
dépassement, le conjoint survivant de
l'artisan perd son droit à
réversion, ce qui n'est pas le cas du
commerçant qui bénéficie,
pour sa part, d'un droit minoré en
proportion», précise encore Marc
Darnault. Chez les professions libérales,
60 % des droits acquis par le conjoint
décédé sont reversés
au survivant, sans condition de revenus. Encore
faut-il qu'il ait au moins 60 ans et qu'il ait
été marié pendant deux ans au
minimum. En cas de remariage, le droit à
réversion tombe.
Plan Fillon: une
conséquence inattendue sur les retraites
Afin de réduire les déficits
cumulés des régimes de retraite de
4,4milliards d'euros entre 2012 et 2016, le
gouvernement propose d'accélérer la
mise en oeuvre de l'âge légal
à 62ans (voir tableau ci-dessous). Le
relèvement de l'âge du taux plein,
c'est-à-dire de l'âge à partir
duquel aucune décote n'est
appliquée, quelle que soit la
carrière de l'assuré, suivra
naturellement le même calendrier. Cette
mesure aura une conséquence directe sur les
assurés qui auront racheté des
trimestres pour partir à taux plein
à l'âge légal. Avec
l'obligation de travailler jusqu'à quatre
mois de plus, ces assurés se trouveront, en
effet, au nouvel âge légal, avec un
ou deux trimestres de trop. Et dans tous les cas,
le gain de la surcote ne commençant
qu'à compter de l'âge légal,
avoir plus de trimestres que nécessaire
à cet âge n'aura aucune
utilité. Quid alors de ces trimestres?
Seront-ils remboursés par les
régimes de retraite? Rien n'est moins
sûr. Quant à ceux qui souhaitent
partir à la retraite de manière
anticipée dans le cadre des
carrières longues ou de la
pénibilité, qu'ils se rassurent! Ces
dispositifs ne devraient pas être
touchés par cette mesure.
CAS PRATIQUE
Michel Durand, né en1956, vient de
décéder à l'âge de
55ans. Il était marié et avait un
enfant qui n'est plus à charge. Il
totalisait 148trimestres au régime
général, 2950points au régime
complémentaire de l'Arrco et 24550points au
régime complémentaire de l'Agirc. Sa
femme, Brigitte, a 55ans. Quels sont les droits de
réversion auxquels elle peut
prétendre?1 - PENSION DE RÉVERSION
DU RÉGIME DE BASELa retraite de
réversion est égale à 54% de
la pension de vieillesse à laquelle
l'assuré décédé aurait
pu prétendre.- Salaire annuel moyen
calculé sur les 25meilleures années
de Michel Durand: 28300€- Taux appliqué
pour le calcul de la pension: 50%- Durée
d'assurance au régime
général: 148trimestres- Durée
d'assurance maximale retenue: 166trimestres-
Retraite mensuelle à laquelle Michel Durand
aurait pu prétendre: (28300 x 50% x
148/166)/12= 1051,30€- Pension de réversion
mensuelle: 1051,30 x 54%= 567,70€Si l'âge de
Brigitte ne fait pas obstacle à la
perception de la pension de réversion (elle
a 55ans), ses ressources personnelles ne doivent
pas excéder un plafond trimestriel
fixé à 4680€, soit 1560€ par mois
(étant âgée de 55ans, son
salaire est pris en compte avec un abattement de
30%). De plus, si le total du montant de la
retraite de réversion et des ressources de
Brigitte dépasse le plafond, la retraite de
réversion est réduite du montant du
dépassement.- Pension de réversion
mensuelle: 567,70€- Montant des ressources
mensuelles: 1150€- Total ressources+pension de
réversion: 1717,70€- Plafond mensuel de
ressources pour une personne seule: 1560€-
Dépassement de ressources: 157,70€- Pension
de réversion mensuelle versée
à Brigitte: 567,70-157,70= 410€2 - PENSION
DE RÉVERSION DES RÉGIMES
COMPLÉMENTAIRESLa retraite de
réversion est égale à 60% de
la pension de vieillesse à laquelle
l'assuré décédé aurait
pu prétendre à taux plein.- Valeur
du point Arrco: 1,2135€- Pension de
réversion mensuelle Arrco:
(2950x1,2135x60%)/12= 178,99€- Valeur du point
Agirc: 0,4233€- Pension de réversion
mensuelle Agirc: (24550x0,4233x60%)/12= 519,60€A
55 ans, Brigitte peut bénéficier de
la pension de réversion de l'Arrco et,
compte tenu du fait qu'elle percevra la pension de
réversion de la Sécurité
sociale, elle pourra également
bénéficier immédiatement de
celle de l'Agirc. Attention: pour continuer
à percevoir ces pensions de
réversion des régimes
complémentaires, Brigitte ne doit pas se
remarier.SYNTHÈSE- Pension de
réversion mensuelle (régime de base)
versée à Brigitte: 410€- Pension de
réversion mensuelle Arrco: 178,99€- Pension
de réversion mensuelle Agirc: 519,60€TOTAL:
1108,59€
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