Le gouvernement engage la réforme de l'aide aux personnes âgées

Par: Isabelle Mandraud 
Le Monde, 7 mars 2001

La ministre de l'emploi et de la solidarité, Elisabeth Guigou, a présenté, mercredi, le projet de loi créant l'allocation personnalisée d'autonomie. Cette prestation, très attendue, sera généralisée, son accès ne sera plus soumis à conditions de ressources, et son montant revalorisé. 

JUSTE À TEMPS ! A quelques jours du premier tour des élections municipales, mais surtout cantonales, le gouvernement affiche son projet de loi relatif à la création de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui concerne, en priorité, les départements. Certes, cette nouvelle prestation, destinée à se substituer à la prestation spécifique dépendance (PSD), ne deviendra effective qu'au 1er janvier 2002, après son examen par le Parlement prévu, en théorie, ce printemps. Mais au moins sa présentation au conseil des ministres, mercredi 7 mars, permet-elle d'annoncer une nouvelle réforme d'ampleur en matière sociale.

Pour Lionel Jospin, qui prend soin, à chacun de ses déplacements de soutien aux candidats de la gauche, de mettre en avant la baisse du chômage, la croissance, "la confiance retrouvée" des Français – tous phénomènes attribués en grande partie aux effets de "sa" politique –, il est en effet important de montrer qu'il reste à son gouvernement beaucoup de choses à faire… Aujourd'hui, c'est la prestation autonomie, affichée comme une priorité dans le programme de "l'année utile", demain viendront la pérennisation des emplois-jeunes, la relance du plan de lutte contre les exclusions ou le projet de loi sur les droits des malades. Bref, comme le résume le ministre délégué à la santé, Bernard Kouchner, "le projet de l'APA est judicieux et sa place dans l'agenda n'est pas idiote". 

Il tombe à pic, en effet, ce projet dont le principe a été arrêté depuis bien longtemps, la PSD étant jugée unanimement, par les associations et les partenaires sociaux, trop restrictive. Mis en chantier par Martine Aubry, puis repris par Elisabeth Guigou, il met fin à la très grande disparité qui règne actuellement entre les départements. Aujourd'hui, en effet, 135 000 personnes âgées dépendantes seulement bénéficient d'une aide, à domicile ou en établissement. Avec l'APA, du fait de l'élargissement de la "cible", ce sont près de 800 000 personnes qui devraient être concernées. Mais, surtout, l'aide financière apportée, qui peut varier dans une large fourchette selon la "générosité" et les moyens des conseils généraux, sera relevée et remplacée par un barême national unique, modulé en fonction des revenus et du degré de dépendance, classé en quatre groupes (GIR I à GIR IV), selon que la personne est confinée dans un lit ou bien encore nécessite une aide pour l'habillage. 

La nouvelle allocation, plus généreuse et plus étendue que la prestation dépendance 

Particularité : en Europe, seule la France a retenu un critère d'âge – les plus de soixante ans – pour attribuer une telle prestation. Ainsi, pour les personnes très dépendantes disposant de moins de 6 000 francs par mois, l'allocation maximale sera de 7 000 francs. Ce barême, précise le projet de loi, "sera revalorisé chaque année comme les pensions". 

Bon nombre de ces dispositions reprennent en tous points les conclusions du rapport qu'avait remis sur le sujet, le 16 mai 2000, le maire (PS) d'Orléans, Jean-Pierre Sueur. De même, le recours sur succession, plafonné jusqu'ici à 300 000 francs et décrite par l'élu comme "un frein psychologique", a-t-il été relevé à 1 million de francs. L'APA, dont la gestion est confiée aux présidents des conseils généraux, moyennant des conventions, est un "droit universel et objectif (…), ouverte à toute personne âgée dépendante ayant besoin d'un soutien de la collectivité et attribuée dans des conditions identiques sur l'ensemble du territoire", peut-on lire dans l'exposé des motifs du projet de loi qui comprend dix-sept articles. 

AVIS NÉGATIF DU PATRONAT

Une transition avec la PSD est prévue mais, d'ici au 1er janvier 2004, toutes les personnes relevant de ce type de prestations devront avoir basculé d'un système à l'autre. Le gouvernement promet également, "au plus tard le 30 juin 2003", la présentation d'un bilan financier de la mesure au Parlement, qui suscite, là encore, comme pour les 35 heures ou les retraites, la création d'un fonds spécial.

Le coût de l'APA est en effet estimé à 15 ou 17 milliards de francs les deux premières années, puis, en régime de croisière, à 23 milliards. Les départements devront prendre en charge la majeure partie du financement – 11 milliards – par reconduction des moyens existants et un petit effort supplémentaire de 2,5 milliards. Les caisses de sécurité sociale gestionnaires d'un fonds d'action sociale en faveur des personnes âgées apporteront 500 millions de francs. Enfin, l'affectation de 0,1 point de contribution sociale généralisée (CSG), actuellement affecté au fonds de solidarité vieillesse (FSV) permettra de dégager environ cinq milliards de francs. 

C'est ce dernier chapitre qui a motivé, une fois de plus, le mécontentement du patronat et abouti à l'avis "globalement négatif" exprimé par la Caisse nationale d'assurance-vieillesse à l'issue de son conseil d'administration du 1er mars. Tout en soulignant "l'amélioration de la réponse" apportée au problème de la dépendance des personnes âgées, la délégation des employeurs a, en effet, critiqué les "incertitudes" qui pèsent, selon eux, sur le financement de la nouvelle prestation et le "détournement social" du FSV. La CFDT, la CGC, la CFTC ont voté en faveur du projet. FO et la CGT ont préféré s'abstenir. 

Le plan de soins infirmiers toujours en gestation.

Le sort du plan de soins infirmiers (PSI) sera réglé en même temps que la prestation autonomie, avait indiqué la ministre de l'emploi et de la solidarité, Elisabeth Guigou. En réalité, ses partisans devront patienter un peu. Conclu entre la CNAM et la Fédération nationale infirmière (FNI) pour entrer en vigueur le 13 décembre 2000, ce plan, destiné à mieux organiser les soins à domicile des personnes dépendantes, n'a pas été agréé par la ministre, du fait de l'opposition d'une partie de la profession (Le Monde du 11 décembre). Une vaste concertation est en cours, menée par les caisses d'assurance-maladie auprès des associations de malades. "Il faudra encore un petit mois d'explications", selon Jeanne Ourth-Bresle, présidente de la FNI.


Global Action on Aging
PO Box 20022, New York, NY 10025
Phone: +1 (212) 557-3163 - Fax: +1 (212) 557-3164
Email: globalaging@globalaging.org


We welcome comments and suggestions about this site. Please send us your name for our postal and electronic mailing lists.