L'Union demande à la France de réformer ses retraites
Le
conseil des ministres des finances estime "indispensable" que
Paris et Madrid revoient rapidement les systèmes existants. L'Italie et
la Grande-Bretagne reçoivent un satisfecit des Quinze "LE
CONSEIL considère qu'il est indispensable que la France poursuive dès
que possible la réforme du système de retraite". C'est ainsi
que se termine l'avis des Quinze adopté, mardi 12 février, à
Bruxelles sur le programme de stabilité de la France pour la période
2003-2005. En théorie,
Bruxelles n'a pas à se prononcer sur les retraites qui relèvent des
choix des Etats. Mais au nom de l'euro, les ministres des finances des
Quinze estiment nécessaire de surveiller ce qui se passe chez leurs
voisins. Les enjeux financiers des retraites, qui n'apparaissent pas dans
les budgets des Etats, dépassent de loin les querelles sur quelques dixièmes
de point de dérapage budgétaire. Faute d'action, c'est la stabilité de
la monnaie qui sera menacée. "A partir de 2008, il va falloir
commencer à mettre des picaillons de côté", estime un
diplomate. En réunion, Laurent Fabius a convenu qu'il faudrait avancer
sur le sujet. La
France est visée, car depuis la réforme Balladur de 1993, qui allongeait
notamment la durée de cotisation dans le privé de 37,5 ans à 40 ans,
aucune réforme n'a été engagée. Lorsque le gouvernement d'Alain Juppé
a voulu réformer en 1995 le régime favorable dont bénéficient les
fonctionnaires et agents publics, il a mis la France dans la rue. Quant à
Lionel Jospin, à Matignon depuis juin 1997, il s'est contenté, tout
comme les Espagnols, eux aussi fortement épinglés par Bruxelles pour
leur manque de réformes, de créer un fonds qui doit être abondé pour
faire face, à terme, au problème des retraites. Il s'agit du Fonds de réserve
des retraites (F2R), créé en 1999, qui devrait être doté de 12 milliards
d'euros à la fin 2002 et de 152 milliards d'euros à l'horizon
2020. A
l'approche des élections, le sujet refait surface. Le 5 décembre
sur France 2, M. Jospin a tenu à se justifier : jusqu'ici, a-t-il
expliqué, il n'était pas possible d'ouvrir le dossier "plombé
par le gouvernement Juppé, qui avait mis des centaines de milliers de
personnes dans la rue en s'attaquant inconsidérément aux régimes de
retraites dits spéciaux". Le
premier ministre a promis de prendre "à bras le corps, dès la
prochaine législature, et dès le début de la législature, ce dossier
des retraites". Sur TF1 le
11 février, Jacques Chirac a estimé que les retraites sont l'"un
des plus graves problèmes qui n'aient pas été résolus et qui se posent
aujourd'hui". Mais son intervention est restée timide alors que
certains s'attendaient à ce qu'il soit plus offensif sur le sujet. La
droite milite pour un troisième étage de retraite, assis sur la
capitalisation, en plus des versements de la Sécurité sociale et des
caisses complémentaires. Elle assure qu'il ne s'agit pas de remettre en
cause le système de répartition à la française alors que la faillite
d'Enron — où les salariés ont perdu leurs retraites — jette une
ombre sur la fiabilité des fonds de pension. La
gauche est d'autant plus discrète qu'elle sait qu'elle ne pourra pas
aborder le sujet des retraites sans parler du régime des fonctionnaires
dont la durée de cotisations (37,5 ans) est inférieure à celle des
salariés du privé (40 ans). Comparée
à ses partenaires européens, la France a l'avantage d'avoir une démographie
favorable, contrairement à des pays à faible natalité, comme l'Espagne,
l'Italie et l'Allemagne. C'est ce qui peut expliquer que M. Jospin
ait déclaré qu'"on a du temps devant nous, dix à quinze ans". Comparée
à ses voisins, la France conserve un âge légal de départ en retraite
à 60 ans. Mais l'âge réel d'arrêt d'activité y est très
bas, le taux d'activité des 55-64 ans étant de huit points inférieurs
à la moyenne communautaire. Par ailleurs, le poids des retraites des
fonctionnaires dans le produit intérieur brut est de deux point supérieur
à la moyenne communautaire. Enfin,
la France n'a pas rééquilibré son système de retraite en introduisant
des fonds de pension, contrairement à l'Allemagne, dont la réforme est
qualifiée par les Quinze de "pas dans la bonne direction".
"Mais, précisent les ministres, elle doit être complétée
par des réformes structurelles destinées à accroître le taux d'activité
des femmes et des travailleurs âgés", et ce le plus rapidement
possible, pour faire face au vieillissement de la population. En évaluant
les programmes de chaque pays, Bruxelles a distribué de bons et mauvais
points. Si, à côté de l'Espagne et la France, la Grèce se fait tancer
pour n'avoir prévu "aucun plan ou aucune date spécifique pour
une réforme des retraites", l'Italie a droit à un encouragement
pour avoir commencé à se pencher sur ses problèmes. "Le conseil
encourage l'Italie à accélérer la mise en œuvre de la réforme des
retraites pour contrôler les dépenses et à promouvoir des retraites
privées complémentaires". Quant au
Royaume-Uni, dont les retraites sont financées par fonds de pension et
dont le ratio inactif sur inactif sera un des plus bas en 2050, il a droit
à un satisfecit : "Avec un ratio de dette sur le produit intérieur
brut bas et en baisse, il est en bonne position pour traiter les conséquences
du vieillissement de la population", se réjouissent les Quinze.
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