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La Bourse ou la retraite  ?

 

By Adrien de Tricornot

 

Le Monde, February 17, 2003

Le projet de créer des "fonds de pension à la française" – dans le dessein de compléter progressivement la baisse du rendement des régimes de retraite par répartition – semble abandonné par le gouvernement Raffarin. Dans le cadre d'une réforme globale du système des retraites, celui-ci affiche désormais son intention de s'en tenir à des dispositifs plus périphériques d'avantages fiscaux pour l'épargne-retraite individuelle. Parmi les arguments avancés pour ce... retrait figure la persistance de la crise boursière, l'une des trois plus graves du siècle après celles des années 1930 et 1970. Le député (UMP-RPR) François Cornut-Gentille jugeait ainsi "inopportun", dans une tribune publiée dans Le Monde du 7 février, "de parler des fonds de pension quand la Bourse se casse la figure".

Le calcul est davantage politique que financier. Quitte à créer des fonds de pension, ne vaut-il pas mieux le faire quand l'indice CAC 40 descend sous les 2 800 points, comme aujourd'hui, plutôt qu'à 6 922 points, son record de septembre 2000 ? A l'étranger, le bilan de ces trois dernières années n'est pas des plus brillants. Avec la chute des actions, la valeur des fonds de pension a fondu de 2 800 milliards de dollars dans le monde depuis 1999, selon une étude du cabinet Watson Wyatt. En effet, le portefeuille total des fonds de pension, qui inclut leurs placements boursiers, obligataires, immobiliers ou de diversification, est tombé de 13 500 milliards de dollars en 1999 à 10 700 milliards de dollars à la fin 2002. Sur la seule année 2002, quelque 1 400 milliards de dollars se sont volatilisés.

Aux Etats-Unis, les fonds de pension des grandes entreprises, grisés par la bulle financière sur les valeurs technologiques, avaient couramment tablé sur une progression de 9 % à 10 % par an de la valeur de leurs portefeuilles boursiers et accusent maintenant un lourd déficit, qui met en péril leurs engagements. Le constructeur automobile Ford reconnaît, par exemple, une insuffisance de financement de 7,3 milliards de dollars, et son concurrent General Motors avoue qu'il lui manque 19,3 milliards de dollars. Des provisions massives devront être passées, année après année, pour couvrir ce passif social. Selon Patrick Artus, directeur des études économiques de CDC Ixis, le coût des provisions restant à passer sur les fonds de retraite américains s'élèverait potentiellement à quelque 900 milliards de dollars.

ACCIDENTS

Après ces accidents, le modèle des fonds de pension, largement ou partiellement investis sur les marchés boursiers, reste-t-il pertinent ? Oui, selon le sénateur (UMP) Philippe Marini, rapporteur du budget et militant des fonds de pension. "La gestion des capitaux sur trente à quarante ans lisse les aspérités de la courbe", a-t-il expliqué récemment à l'AFP. De 1913 à 2000, selon l'Insee, les principales capitalisations boursières de la Bourse de Paris ont rapporté 4 % par an de plus que l'inflation, en moyenne, alors que les obligations perdaient du pouvoir d'achat. Face à l'inflation ou aux dévaluations monétaires, les placements obligataires sont automatiquement pénalisés, alors que la valeur de la Bourse peut s'ajuster, au moins en partie. Selon l'Insee, le pouvoir d'achat des actions a ainsi été multiplié par 81 entre 1913 et 2000, dividendes réinvestis. Depuis, la valeur de la Bourse a cependant été divisée par deux.

Selon l'Insee, entre 1913 et 2000, un investisseur avait plus d'une chance sur dix de perdre de l'argent en plaçant son capital à trente ans sur les cent à deux cents principales capitalisations boursières de la Bourse de Paris. Mais s'il investissait régulièrement et de façon tout aussi diversifiée pendant dix ans, puis conservait pendant trente ans ses titres et enfin désinvestissait progressivement pendant dix ans, il n'aurait pas essuyé de perte en capital, dans tous les cas de figure. Faute de chance, les fonds de pension doivent donc rester très prudents, très réguliers et très patients. A Tokyo, le Nikkei est revenu à son niveau de 1983. Après l'explosion de la bulle financière, à la fin de 1989, l'indice japonais a été divisé par près de cinq.

 


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