La CRI a t-elle détourné l'argent de ses cotisants?

Marianne, 13 janvier 2000

La CRI a t-elle détourné l'argent de ses cotisants?

La Caisse de retraite interprofessionnelle a spéculé avec l'argent de ses cotisants. Le tout avec la complicité des plus grands syndicats: FO, CGT, CFTC, CFDT, CGC et CFTC. Grâce au web, Marianne en ligne est en mesure de publier de larges extraits du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales. 

En février 1999, les inspecteurs de l'IGAS franchissent pour la première fois le perron de la CRI. Ce qu'ils vont découvrir au terme de quatre mois d'enquête risque de remuer pour un temps le petit monde secret de la gestion des retraites. Les pratiques douteuses dénoncées par l'IGAS sont en effet monnaie courante et pourraient bientôt mettre les enquêteurs sur la piste d'un bon nombre d'associations à but non lucratif similaires à la CRI. Depuis le début des années 80, la gestion de ces organismes a systématiquement attiré l'attention en raison de son opacité.

A l'origine, la CRI avait été créé en 1956 par le constructeur automobile Renault afin d'assurer une retraite complémentaire aux inactifs de la régie. Par la suite, la CRI a grandi et s'est mise à gérer les retraites de milliers d'autres salariés. Elle en compte aujourd'hui 500 000. Pendant les périodes de forte inflation elle s'est, à l'instar de nombreuses autres caisses de retraite, diversifiée en prenant des parts dans des sociétés commerciales susceptibles de lui faire gagner de l'argent. Problème: la CRI serait elle-même devenue petit à petit une véritable entreprise commerciale, utilisant l'argent de ses cotisants à d'autres fins qu'à celle de leur assurer une retraite. Sur 5,5 milliards en 1998, seulement 63% auraient servi à payer les retraites. Le reste ayant été investi sous forme de placement, non à la banque, mais en développant des activités spéculatives à haut risque. Résultat: le rapport de l'IGAS a été transmis au parquet de Nanterre qui décidera de la suite à donner à cette affaire.

Les trois scandales de la CRI

1/La spéculation avec l'argent des retraites

Outres les participations prises dans de nombreuses entreprises, les dirigeants de la CRI ont créé des sociétés pour vendre des produits financiers lucratifs: assurances-vie, retraites supplémentaires par capitalisation, épargne salariale, mutuelle... Mais ces activités n'ont pas profité aux retraités. Quand profits il y a, ils serviraient la plupart du temps à renflouer les sociétés déficitaires. C'est par exemple le cas de la filiale Intervie, dirigée par le directeur général de la CRI. En 1997, elle a accusé des pertes sèches de 60 millions de francs que la CRI a combler sans broncher.

Le constat dressé révèle la préoccupation d'affirmer un dynamisme commercial qui fait négliger la rigueur de gestion et le principe de spécialité.(...)
Le groupe CRI (5,5 milliards de francs de ressources en 1997) s'est doté d'une structure complexe dont 8 institutions de retraite par répartition ne sont plus qu'une des composantes, même si elles sont à l'origine du groupe et restent le principal financeur (63% des ressources), leur part se réduisant progressivement. Le groupe compte aussi des institutions de prévoyance, une mutuelle et des sociétés financières, sous l'égide de COPERNIC S.A. (épargne salariale, assurance, courtage, gestion financière…).(...)
La gestion de la retraite par répartition est devenue une préoccupation secondaire de l'encadrement supérieur qui n'y consacre qu'une part limitée de son activité. 

2/Une direction qui s'en met plein les poches

Cloué au pilori par l'IGAS, le directeur général de la CRI, M. Dessain Gélinet porterait de lourdes responsablités dans le procédé d'opacification de la gestion de la CRI. Non seulement il aurait détourné la mission de la CRI, mais il aurait en outre, selon l'IGAS, profité personnellement de l'argent des retraites. Fortes rémunérations, nombreux avantages en nature, etc.

Sur ces rémunérations, la mission d'inspection générale est amenée à remarquer :

1. l'insuffisance juridique des décisions les fondant : le président n'a pas été à même de produire un texte l'habilitant à fixer seul la rémunération du directeur général, non soumise au conseil d'administration et non signée du vice-président du groupe,
2. le niveau élevé de cette rémunération pour un Groupe qui prétend être à but non lucratif et qui exerce en partie une mission d'intérêt général, même si le Président l'estime faible au regard des pratiques du milieu de l'assurance,
3. le non-respect de ses engagements contractuels par le directeur général qui y a ajouté des honoraires extérieurs hors de proportion avec les accords passés et cela de manière réitérée.

3/La CRI aurait acheté le silence des syndicats

Le plus surprenant finalement, c'est bien la collusion que la CRI aurait réussi à entretenir avec les syndicats. Gérées paritairement par les cinq plus grands syndicats (FO, CGT, CFDT, CFTC, CGC, les conseils d'administration des caisses de retraite sont peuplés de syndicalistes. Ces derniers ne pouvaient par conséquent ignorer les pratiques de la CRI. Ils sont pourtant restés muets, se contentant de profiter de quelques rémunérations "fortuites" de la part de la CRI en faveur d'une cinquantaine d'entre eux qui n'y avaient en réalité ni fonction ni emploi. Si le terme d'"emploi fictif" n'est pas utilisé par les rapporteurs de l'IGAS, c'est pure précaution de style.

Sous la dénomination de chargés de relations extérieures, de chargés de relation, de conseillers techniques, de délégués CECOREL ou de délégués COPERNIC, le groupe CRI a, tout au long des années 94 à 98, assuré un salaire et souvent des remboursements de frais à des syndicalistes appartenant à des secrétariats départementaux, régionaux ou nationaux, fédéraux ou confédéraux, des organisations syndicales CGT, CFDT, CGT-FO et CFTC. (...)
Soit une imputation totale sur quatre ans arrondie à 34 305 000 francs.

Une affaire qui vient donner un coup de pouce inattendu aux partisans de la privatisation des retraites et des fonds de pensions. Le Medef et AXA ne manqueront sans doute pas l'occasion de le rappeler à Lionel Jospin, qui va annoncer prochainement son projet de réforme des régimes de retraite. Peut-être faudrait-il commencer par faire un peu de ménage.

Extraits du pré-rapport de l'IGAS.

Résumé
La collusion avec les grands syndicats
Le train de vie de la direction de la CRI
Conclusion


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