Pour assurer votre retraite, faites le plus possible d'enfants allemands

Par: Arnaud Leparmentier
Le Monde, 4 avril 2001

BERLINde notre correspondant

Il est organiste dans la région de Trêves et père de dix enfants. Alfred Wilhelm Müller ne comprenait pas pourquoi il devait payer autant que les célibataires pour l'assurance-dépen- dance, destinée à financer l'aide médicale à domicile des personnes âgées. Il estime qu'il paie déjà largement sa part en élevant ses enfants, contributeurs de demain. Il a alors déposé une plainte... et obtenu gain de cause devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, l'instance judiciaire la plus élevée du pays. Dans une décision rendue mardi 3 avril, les juges ont déclaré partiellement inconstitutionnelle la loi instaurée en 1995 par Helmut Kohl et financée par une cotisation de 1,7 % sur les salaires. Ils ont donné au législateur jusqu'à la fin 2004 pour amender la loi et réduire la contribution des familles.

Car, pour les juges de Karlsruhe, cette assurance ne peut être pérenne que si les assurés versent leurs cotisations et mettent au monde des futurs cotisants. Ce n'est plus le cas en Allemagne, qui connaît une natalité catastrophique, avec un taux de fécondité de 1,3, et où plus d'une femme sur trois de la classe d'âge née après 1965 n'aura pas d'enfant. 

Il convient donc de réduire l'inégalité entre célibataires et familles, ces dernières payant deux fois : pour les assurés d'aujourd'hui et ceux de demain en élevant leurs enfants. La décision de Karlsruhe a été qualifiée de "révolutionnaire" par les conservateurs bavarois et de "percée historique" par l'Association des familles allemandes (DFV).

Les retraites par répartition sont désormais en ligne de mire, les juges de Karlsruhe ayant exigé du législateur qu'il prenne en compte leur décision pour les autres prestations sociales : l'idée défendue par les familles, et soutenue indirectement par Karlsruhe, est que ceux qui choisissent de ne pas avoir d'enfants doivent payer plus que ceux qui en ont s'ils veulent prétendre toucher à leur tour leur retraite par répartition.

La décision de Karlsruhe met dans l'embarras le gouvernement Schröder, qui, dans un pays où tout est fait pour les personnes âgées, paie les conséquences d'une politique fiscale et sociale hostile aux familles depuis des décennies : quotient familial quasi inexistant, crèches insuffisantes, école finissant à 13 heures, ce qui empêche les mères de travailler, etc. Aujourd'hui, avec une population vieillissante, l'Allemagne prend conscience que son système de solidarité sociale est au bord de l'explosion.
En déposant une plainte, les familles montrent qu'elles ne veulent pas être les éternelles perdantes. "Un ménage avec trois enfants gagnant 60 000 marks par an peut mettre de côté 5 000 marks pour ses loisirs ou son épargne par an. Un célibataire dispose de quatre fois plus", estime le démographe Herwig Birg. Déjà, lors d'une décision de 1992, Karlsruhe avait exigé que l'on prenne en compte pour les retraites le temps que les femmes avaient passé à éduquer leurs enfants. En 1999, elle avait de facto forcé le gouvernement Schröder à augmenter sensiblement les allocations familiales.

A l'époque, on avait accusé Karlsruhe d'empiéter sur les prérogatives du politique. La Cour estime qu'elle remplit sa mission de gardien de la Constitution, qui affirme (article 6) : "Le mariage et la famille sont placés sous la protection particulière de l'Etat."


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