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Retraite et repli

 LE MONDE

 June 5, 2003

REPLI, c'est le mot de l'heure. Le mouvement de "mobilisation générale" sur le front des retraites paraît sur le repli. La journée de grèves et manifestations, mardi 3 juin, contre le projet de réforme des retraites n'a pas eu le succès qu'espéraient ses organisateurs.

Çà et là, le mouvement de grève a été bien suivi, notamment dans l'éducation, les transports ou La Poste. Mais le pays n'a pas été paralysé ; le taux de grévistes était sensiblement inférieur aux précédents mouvements ; le secteur privé n'a guère suivi. Le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, peut compter, aujourd'hui, sur un essoufflement progressif du mouvement.

Le premier ministre effectue lui aussi un repli, reportant à l'automne son projet de décentralisation de l'Etat – qui doit être la marque de son passage à Matignon, dit-il – et celui de la réforme des universités. D'ici là, il aura fait voter le projet de François Fillon, le ministre des affaires sociales, sur la réforme des retraites : alignement du public sur le privé ; allongement du temps de cotisation et, à terme, augmentation du montant des cotisations.

C'est une date, un moment important. La France amorce une réforme indispensable. Elle le fait après la plupart de ses partenaires européens. Il n'y a que de très rares experts pour affirmer que les tendances profondes de la démographie permettent le maintien du système actuel. Sauf à abandonner massivement le principe de la répartition, garantie de la solidarité intergénérationnelle, au profit de celui de la capitalisation, ou à accepter une chute drastique du montant des pensions. Jean-Pierre Raffarin a donc fait preuve de réalisme en attaquant ce dossier des retraites.

Mais il y a une lourde colonne négative à porter à son bilan. La France se réforme à sa manière, hélas : par la loi, pas par le dialogue social ; par la norme, pas par le contrat. Or il eût été essentiel, et pour le coup véritablement novateur, de tout faire pour réformer autrement sur un sujet aussi sensible et qui touche durement les Français les plus modestes. Convaincu qu'il jouait sa crédibilité sur cette réforme, le gouvernement s'est refusé à privilégier une vraie logique de négociation avec les syndicats. Or tout indique qu'il y avait, au moins sur ce sujet, un front réformiste à la direction de la plupart des centrales syndicales, y compris à la CGT. C'est une situation quasi exceptionnelle en France.

La manière Raffarin n'a pas aidé à faire émerger ce front réformiste. Elle risque, au contraire, de laisser des syndicats amers et humiliés. Il y avait une chance de sortir d'une culture d'affrontement pour entrer dans une culture de dialogue social ; l'occasion de favoriser un pacte social, en lieu et place d'une guerre sociale larvée ; de faire comme tant de nos voisins, où le compromis permet des sorties de crise sans vainqueurs ni vaincus. C'est d'autant plus dommage que M. Raffarin va pleurer l'absence d'un tel front réformiste quand il voudra s'attaquer à l'automne, en plus de la décentralisation et des universités, à un dossier encore plus explosif que celui des retraites : le financement de l'assurance-maladie.


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