En Suisse, le paradis des retraités n'est plus ce qu'il était

Par: Marc Roche
Le Monde, 12 mars 2001 

GENÈVE" Cette cité est l'habitat naturel de la belle bourgeoisie française au tempérament empreint de frilosité, à la recherche d'une certaine tranquillité d'esprit et de sécurité pour les proches. " 

Le gestionnaire de fonds suisse semble plongé dans sa rêverie. Planté devant la baie vitrée de son bureau de la rue du Rhône, mains croisées, son regard survole la principale artère de la vie des affaires genevoise : " Regardez ces visons, ces Mercedes, ces bijoux. Ici, la richesse s'affiche ouvertement. A Paris, on se ferait traiter de sale riche. "Qui est la clientèle française de notre interlocuteur, éprise d'anonymat ? Des industriels ou des commerçants ayant vendu leur affaire, ou des héritiers de grandes familles âgés de plus de cinquante-cinq ans. A Genève, ces retraités peuvent bénéficier d'un forfait fiscal négocié directement par le banquier auprès du fisc suisse, valable pour une période de cinq ans. L'évasion fiscale est on ne peut plus légale.La mise de départ ? Entre 20 et 30 millions de francs disponibles " pour ne pas diminuer son train de vie ", indique-t-on. Ce " bas de laine " est investi dans un portefeuille partagé entre obligations et actions dans des sociétés renommées, et l'on garde un peu d'espèces pour l'argent de poche. 

Les plus gros patrimoines sont gérés au travers des structures juridiques de planifications fiscale ou successorale, via ces paradis fiscaux que restent le Liechtenstein ou les îles anglo-normandes. " Mes clients français ne veulent pas prendre trop de risques. Ils s'intéressent moins à la performance qu'au service personnalisé et à la discrétion ",indique cet autre professionnel installé sur les hauteurs de Malagnou. On les sent pourtant un tantinet inquiets, les banquiers privés suisses. Le secret bancaire a fondu comme neige dans les vallées alpines sous le coup du fœhn. 

UNE SOLIDE TRADITION DE DÉLATIONLe banquier désormais est tenu de vérifier l'origine des fonds lorsqu'il a affaire à un nouveau client. Depuis que les scandales (blanchiment de fonds de dictateurs ou de narcotrafiquants, controverse sur les fonds juifs en déshérence) ont éclaté, les juges du canton du Léman montrent plus d'entrain à répondre aux demandes d'assistance étrangères en matière de fraude fiscale. Par ailleurs, le contrôle sur la présence effective à Genève de ces résidents fiscaux a été renforcé. Les autorités françaises et suisses vérifient si les exilés respectent les strictes conditions de résidence, en théorie 180 jours minimum ; de fait 220 jours. Factures d'électricité et de téléphone, cartes de crédit et billets d'avion... sont passés au peigne fin. " Il y a une solide tradition de délation, les autorités suisses savent tout sur tout le monde ", insiste un expatrié de longue date à propos des enquêtes de voisinage menées par la police locale.

L'accès au marché immobilier genevois reste interdit aux étrangers, y compris aux plus grosses fortunes mondiales. Ainsi, le sultan de Brunei, l'un des hommes les plus riches de la planète, s'est vu refuser l'acquisition d'une vaste propriété sur les bords du lac. Et pour des placements " tranquilles ", les commissions sont onéreuses, même si elles sont négociables.L'effectif – 37 000 Français dans le canton du Léman, selon le consulat – se serait stabilisé ces derniers temps. Echaudées par le coût de la vie, certaines petites fortunes seraient rentrées au bercail. Ubi bene, ubi patria..


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