Vive les vieux salariés ! 

Par: Robert Taylor 
Courrier International, 9 décembre 1999

Les bouleversements démographiques des vingt prochaines années en Europe auront de profondes répercussions sur le monde du travail. Entre 1995 et 2015, le nombre de personnes âgées de 20 à 29 ans va chuter de 20 % et celui des personnes âgées de 50 à 64 ans va augmenter de 25 %. Cette évolution nécessite un changement fondamental dans le recrutement et le traitement des salariés les plus âgés. Trop d'hommes de plus de 55 ans ont quitté les rangs des demandeurs d'emploi. On estime que 40 % des "jeunes retraités" se sont sentis obligés de quitter le marché du travail. Pourtant, l'espérance de vie des hommes n'a cessé de progresser dans les pays de l'Union européenne au cours des vingt dernières années. 

Certains Etats membres de l'Union européenne semblent cependant amorcer un changement d'attitude envers la main-d'oeuvre âgée. Le gouvernement britannique, par exemple, a mis en place au début de l'été une réglementation destinée à favoriser la diversité des classes d'âge, en encourageant les entreprises à embaucher et à conserver les salariés âgés. En Autriche, les mesures gouvernementales visant à décourager le personnel de plus de 55 ans de prendre une retraite anticipée ont reçu le soutien des employeurs comme des syndicats. Elles encouragent activement ceux qui ont un emploi à plein temps à opter pour un temps partiel. S'ils réduisent leur temps de travail de moitié, ils pourront conserver 75 % de leur ancien salaire avec l'aide de l'Etat si une embauche est effectuée pour compenser cette réduction. Au début de l'année, le gouvernement danois a également lancé des réformes ayant pour but de dissuader les salariés de prendre leur retraite anticipée : ils risqueront une réduction des prestations s'ils partent à l'âge de 62 ans. Mais, en contrepartie, l'âge officiel de la retraite est ramené de 67 à 65 ans, et les prestations sont améliorées de manière à encourager les individus âgés de 62 à 65 ans à quitter le marché du travail. En Finlande, ceux qui choisissent la retraite anticipée recevront des allocations moins élevées, tandis qu'en Espagne le gouvernement veut engager des discussions avec les partenaires sociaux à propos d'une diminution des retraites anticipées. 

Le culte de la jeunesse a toujours frisé le ridicule, au point de risquer de devenir contre-productif. Les employés âgés ne manquent pas d'atouts : davantage d'expérience, un plus grand investissement dans leur travail, la fiabilité et la stabilité. Ils peuvent aussi constituer un atout pour les entreprises à l'heure où les marchés du travail deviennent plus flexibles. Les mesures donnant un coup de pouce aux hommes jusqu'à 65 ans sur le marché de l'emploi pourraient permettre de résoudre en partie le problème de la dépendance des personnes âgées. L'Union européenne estime qu'une plus grande participation à la vie active des plus de 50 ans permettrait d'alléger considérablement le coût de la prise en charge des vieux. Selon elle, une solution "productive" de cette nature a l'avantage de faciliter la gestion de l'augmentation des contributions et de la réduction des prestations. Parallèlement, cela permet aux personnes ayant autour de la soixantaine de participer à la vie de la société en y jouant un rôle actif et donc de jouir d'un meilleur statut et d'une meilleure qualité de vie.