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Des pays noyés


Par Katia Gagnon, La Presse

Asie 

8 août 2007  

Les pluies torrentielles font des ravages en Asie du Sud. Si le phénomène de la mousson est annuel, les inondations, elles, prennent de l'ampleur au fil des ans. Le réchauffement climatique n'est pas étranger au problème. La situation, déjà critique, pourrait s'aggraver sur le plan humanitaire.

En une nuit, l'eau a envahi la maison de Forquan Ali, montant jusqu'à la taille de ses occupants. Forquan Ali vit à Badda, une petite ville de l'est du Bangladesh. Sa femme, enceinte de huit mois, s'est réfugié chez ses parents, où l'eau est moins haute. Mais son père, âgé et malade, vit encore dans la maison inondée: son lit a été haussé au-dessus du niveau de l'eau à l'aide de bambous et de cordes.

Dans la maison, il n'y a plus d'eau potable. Forquan Ali cuisine les deux pieds dans l'eau, qui continue son inexorable montée. Chaque nuit, il doit surveiller les serpents venimeux qui prolifèrent dans les eaux sales.

«Si nous ne trouvons pas d'endroit sûr où déménager, la seule solution sera de vivre sur le toit de notre logeuse», a-t-il raconté hier au Daily Star, le journal national du Bangladesh, qui racontait hier son histoire déchirante.

Forquan Ali fait partie des 20 millions de sinistrés d'une mousson dévastatrice, dont les eaux torrentielles ont submergé près de la moitié du Bangladesh. Depuis trois semaines, les pluies torrentielles ont littéralement noyé ce pays, ainsi que plusieurs États voisins de l'Inde et du sud du Népal.

Ces eaux qui, dans plusieurs cas, n'ont pas encore fini de monter, ont entraîné dans leur sillage une énorme catastrophe humanitaire. Depuis le début de la mousson, en juin, près de 1200 personnes sont mortes, dont le tiers dans les deux dernières semaines. Mais surtout, près de 10 millions de personnes ont vu leur habitation carrément balayée par les eaux.

Dans l'État indien de l'Uttar Pradesh, il est tombé près d'un mètre de pluie en l'espace de 15 jours, la moisson la plus importante depuis 30 ans. Dans le village de Karonda, quatre personnes âgées, qui s'étaient réfugiées sur le toit de leur maison, sont mortes quand leur maison a été emportée par le torrent.

Dans les derniers jours, les pluies ont cessé à certains endroits, permettant aux secours d'être acheminés. «L'un des défis majeurs, c'est de rejoindre et de donner des services à autant de sans-abri», ajoute Emmanuel Irsch, coordonnateur pour Vision Mondiale, organisme d'aide humanitaire canadien qui a une trentaine de personnes sur le terrain.

M. Irsch estime que les organisations humanitaires ont tiré plusieurs leçons du tsunami en Asie. «Les 48 premières heures sont cruciales. Des produits stockés sur place ont pu être acheminés rapidement», dit-il.

Néanmoins, en de nombreux endroits, l'aide a tardé à venir: dans l'État indien du Bihar, les sinistrés se sont battus pour mettre la main sur les 4300 colis de nourriture largués par le gouvernement indien. Un adolescent est tombé du toit de sa maison et s'est noyé en tentant de mettre la main sur l'un de ces colis.

Dans le village de Darbhanga, des citoyens ont même enlevé un officier de police et l'ont relâché après qu'il eut promis la mise sur pied d'un centre de distribution d'aide. «Notre famille a survécu une semaine avec le lait de notre bufflesse», raconte Meghu Yadav, du village de Samastipur, dans le Bihar. L'animal a fini par mourir, faute de nourriture.

Mais le pire pourrait être à venir, compte tenu des maladies que propagent ces eaux sales: choléra, dysenterie, infections respiratoires. «Nombre des régions affectées abritent des communautés pauvres souffrant toute l'année de mauvaises conditions hygiéniques et sanitaires. Les eaux stagnantes laissées par les inondations sont un bouillon de culture mortel pour des maladies», souligne Marzio Baille, responsable sanitaire pour le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) en Inde.

Au Bangladesh seulement, 1400 cas de gastroentérite ont été diagnostiqués dans les 24 dernières heures, a indiqué Fadela Chaib, porte parole de l'Organisation mondiale de la santé. Dans les pays touchés, les gouvernements ont commencé à distribuer des trousses d'hygiène, des tablettes de purification d'eau et des moustiquaires.

Comme toujours, les catastrophes naturelles font quelques heureux: les fabricants de bateaux, au Bangladesh, ont fait une petite fortune. Les prix de la moindre embarcation ont doublé et les vendeurs écoulent plus d'une centaine de bateaux par jour.

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