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La retraite permet parfois de retrouver des plaisirs oubliés. Certains
profitent du temps qui s'offre à eux pour retrouver le plaisir du chant.
Michel Lelong a cédé, il y a quelques années, la pharmacie lilloise
qu'il exploitait avec son épouse pour s'installer à la campagne, dans le
département du Pas-de-Calais. "Lorsque
j'étais en pension, à l'adolescence, j'étais membre d'une chorale,
explique- t-il. Ensuite, je n'ai plus rien chanté, sauf quelques
paillardes lors de mes études. Depuis la retraite, je chante dans deux
chorales." Son expérience n'est pas unique. Dans les années 1960, la chorale de
l'Institut catholique de Paris, baptisée La Faluche, regroupait une
centaine d'étudiants. Lorsque le directeur musical de l'époque a fêté
ses 60 ans, en 1989, les anciens se sont retrouvés. "On s'est aperçu
que l'on chantait encore bien", raconte Daniel Morel, qui dirige désormais
Théâtre et musique, un groupe vocal composé d'anciens de La Faluche. A La Ciotat (Bouches-du-Rhône), la chorale Citharista constitue, avec les
gigantesques infrastructures métalliques qui dominent le port, l'un des
derniers vestiges des Chantiers navals, qui ont fermé leurs portes en
1989. Créée au sein de l'entreprise, la chorale s'est ouverte à
l'ensemble de la population et accueille désormais 90 personnes, dont
deux tiers de retraités. "Des gens qui s'installent dans la région
et qui rêvent de se remet-tre au chant nous contactent", explique la
chef de chour, Liliane Burdet. A écouter les choristes, le chant procurerait un grand bonheur. "C'est
une activité à la fois physique, intellectuelle et émotionnelle",
déclare une adepte. Cela permet aussi de faire face aux chocs de la vie.
"Lors du dépôt de bilan des Chantiers navals, c'était dur. Grâce
à la chorale, pendant deux heures, je ne pensais à rien d'autre",
se souvient Jean Sergé, choriste à Citharista. On pratique à tout âge, ou presque. "Certes, avec le temps, la voix
peut devenir moins puissante et moins belle. Mais le but n'est-il pas de
regrouper des gens qui n'ont pas des voix extraordinaires pour en faire un
bel ensemble ?", s'interroge Liliane Burdet. Les chorales cherchent
tout de même à recru-ter des plus jeunes, car la présence de trop
nombreux retraités peut parfois devenir un handicap. "Ils prennent
des vacances en dehors des périodes scolaires, donc pas tous en même
temps", regrette Liliane Burdet. L'activité demande du temps et de l'endurance. Les répétitions durent en
général deux heures, un soir de semaine. Il est impératif de s'entraîner
à la maison, si les activités du conjoint ou une soudaine visite des
petits-enfants le permettent. "Ce n'est pas trop astreignant",
confie Michel Lelong, qui, pourtant, admet ne pas beaucoup travailler chez
lui. L'effort ne
concerne pas seulement
le chant proprement
dit. "Il faut tout apprendre par cour, et parfois dans une langue étrangère",
souligne Daniel Morel. L'ensemble qu'il dirige s'est, il est vrai, spécialisé
dans la comédie madrigalesque, un genre musical pratiqué en Italie au
tout début du XVIIe siècle et qui allait donner naissance à l'opéra.
Mais l'épreuve la plus rebutante demeure, comme autrefois à l'école,
celle du solfège, encore que certains savent s'en passer. "Je chante
à l'oreille. Je connais le rythme mais pas les notes", reconnaît
Michel Lelong. A force de chanter ensemble, on se lie. Même si les enseignants, retraités
ou non, forment souvent une minorité active, une chorale constitue un
exemple de mixité sociale, comme l'illustre Citharista. "Lorsque je
me suis réinscrit après quelques années de déplacement professionnel,
je me suis retrouvé dans les travées à côté d'un ramoneur ; de
l'autre côté, il y avait un professeur agrégé", témoigne Jean,
lui-même ancien commandant de sous-marin puis ingénieur aux Chantiers
navals. Par contre, les chorales respectent rarement la parité : les femmes y sont
largement majoritaires. "Chanter n'est pas considéré comme une
activité très virile ; les hommes préfèrent sans doute le foot ou le vélo",
annonce tout de go Liliane Burdet, à La Ciotat. "Les deux chefs de
chour sont des hommes, et ça n'a pas l'air de les complexer", rétorque
Michel Lelong, dans le nord de la France. Il n'empêche que les hommes
manquent. "Mais une fois inscrits, ils sont très motivés et ont
souvent une très jolie voix", tempère la chef de chour de
Citharista. Et pourquoi ne pas y aller à deux ? Si l'un ne chante pas, il pourra
toujours donner un coup de main pour la préparation d'un spectacle.
Lorsqu'un ensemble vocal se produit, il faut en effet se préoccuper de la
mise en scène, des costumes, voire des lumières ou de la location de la
salle. "Récemment, nous avons proposé un spectacle costumé, une sorte de comédie musicale relatant l'histoire de la musique. Tout le monde s'y est mis : celles qui savaient coudre ont confectionné des patrons pour les autres", raconte Liliane Burdet. Les hommes ont remis à neuf les estrades ternies par la rouille. "Cela nous a permis de créer des liens très cordiaux qui rappellent ceux que nous avions entre collègues", témoigne Jean.
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