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José Narayanin, du Comité National Contre la Maltraitance des Gens Agés:
«Leur Intimité N'est Pas Respectée»

By Ludovic BLECHER, Liberation
Le 30 Septembre 2004




La maltraitance dans les maisons de retraite est-elle un phénomène marginal?
Je suis effaré du nombre de témoignages que j'ai pu recueillir, notamment auprès d'étudiants infirmiers en stage dans des maisons de retraite. On me rapporte des cas de négation de la personne au quotidien dans pratiquement toutes les institutions. Cette maltraitance est aussi le fait des aides à domicile. C'est d'ailleurs à la maison qu'on compte le plus grand nombre de cas répertoriés parce qu'il s'agit d'un lieu où les intervenants sont moins contrôlés. Les cas de maltraitance manifeste (avec des coups portés) semblent moins nombreux puisque le personnel a généralement conscience qu'il serait coupable de faits graves.

Que recouvre la maltraitance au quotidien ?

La première des maltraitances est psychologique. Les personnes âgées dépendantes sont dévalorisées. Dans nombre de maisons de retraite, on ne respecte pas le nom des pensionnaires. Le «mamie», «papi», et le tutoiement sont la norme. L'intimité des personnes âgées est souvent peu respectée. Les soignants débarquent sans frapper dans la chambre. Il est aussi courant de minimiser leur douleur physique. Or c'est souvent pour qu'on leur prête attention que les personnes âgées se croient «obligées» d'avoir mal.

Vous évoquez aussi l'abus d'autorité...

Il est courant de décréter sans concertation ce qui est bien pour les pensionnaires. Le personnel traite souvent les gens âgés comme des enfants. Pour se faciliter la tâche, on leur met des bavettes durant les repas ou, parfois, on met des couches même à ceux qui ne sont pas incontinents. Tout cela est humiliant car cela renvoie une image très dévalorisée de la personne. De nombreuses scènes de la vie quotidienne prouvent la négation de l'individu. Un exemple : durant les soins ou la toilette, il arrive que les intervenants changent le programme de la télévision de façon autoritaire. Cela paraît insignifiant, mais c'est extrêmement vexant. Il y a aussi les chantages : si une personne mange trop doucement, on la menace alors de la priver de dessert.

Comment expliquer ces actes de maltraitance?

Les mauvaises conditions de travail favorisent les dérives : projet global inexistant, pénurie de personnel, sous-qualification et absence de formation à la gérontologie. Il manque, bien souvent, des instances de régulation dans les institutions : des lieux où les soignants pourraient parler des difficultés qu'ils rencontrent au quotidien, du mal-être qu'on peut ressentir face à la vieillesse. Il n'y a pas non plus assez d'endroits où les personnes âgées elles-mêmes peuvent s'exprimer.
Au final, rares sont les cas de maltraitance qui sont signalés ...

La loi du silence règne. Les personnes âgées se plaignent rarement car leurs premiers interlocuteurs sont justement ceux qui les maltraitent. Elles craignent les représailles. Et puis certaines ne veulent pas faire de tort à une personne qui, malgré tout, leur porte attention. Il y aussi la crainte de perdre leur place alors qu'elles l'ont déjà perdu au sein de leur famille. Elles ont le sentiment de devoir payer le poids qu'elles font peser à la société et à l'institution du fait de leur dépendance. Ces gestes étant quotidiens, deviennent finalement la normalité et un rapport de soumission se met en place. En général, c'est la famille ou d'autres soignants qui tentent de faire remonter les cas de maltraitance. Le problème se pose alors de savoir à qui les signaler. Par réflexe, on se tourne tout d'abord vers la hiérarchie. Et quand ces signalements ne sont pas étouffés, c'est la direction qui a tendance à masquer les problèmes pour qu'il n'y ait pas de bruit autour de leur institution.


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