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Aménager Sa Maison Pour Ses Vieux Jours

By Sophie Trébern

Le Monde, June 13, 2004

Suzanne foucher, 79 ans et veuve depuis seize ans, se sentait seule dans sa grande maison de l'agglomération angevine. Elle s'inquiétait aussi de ne plus pouvoir, dans un bref avenir, monter les escaliers pour rejoindre sa chambre. "En vieillissant, on se fatigue plus vite. Il vaut mieux que tout soit à portée de main. Comme je voulais rester le plus longtemps possible chez moi, j'ai transformé ma maison en appartement." Elle a installé sa chambre et sa salle de bains au rez-de-chaussée et remplacé sa baignoire par une douche pour prévenir tout accident en enjambant le rebord.

Ce n'est jamais de gaieté de cœur que l'on se résout à transformer sa maison : "Avant 75 ans, les gens refusent d'envisager leurs vieux jours. On veut bien faire des travaux pour améliorer le confort et l'esthétique de sa cuisine, ou pour aménager une pièce consacrée à Internet. Mais la perspective du handicap et de la dépendance effraie", explique Frédéric Serrière, fondateur du cabinet conseil Seniors-Stratégie. On craint aussi la réaction des petits-enfants devant des équipements qui donnent à la maison familiale une allure de clinique.
Il faut le plus souvent attendre le premier accident pour qu'enfin certains franchissent le pas. A 84 ans, après la première chute et une hospitalisation, Maurice Chachuat s'est résigné à laisser ses enfants aménager sa maison de Fontainebleau : "Il ne voyait pas l'intérêt de poser des rampes partout, raconte sa fille, Sylvie. Maintenant tout est de plain-pied : on a même installé une grande douche au rez-de-chaussée avec poignées et tabouret."

Mais cette intrusion des enfants dans l'univers familier n'est pas toujours bien acceptée, d'autant que les normes de confort diffèrent selon les générations. C'est pourquoi Michel Albertini, boucher parisien de 57 ans, préfère garder l'initiative et compte bien adapter lui-même sa maison de Côte-d'Or à sa retraite : " Ma mère vit dans un établissement médicalisé : j'ai observé comment ils s'y prenaient pour aménager les pièces et je vais faire pareil : un seul niveau, un excellent chauffage, des rampes douces, une douche assez large pour s'asseoir et tous les équipements nécessaires."

Point n'est besoin, cependant, de tout bouleverser. "Le logement est un espace qui nous ressemble. Il ne faut pas le défigurer. Aménager son intérieur en vue de la vieillesse doit être un acte de vie et non de retrait", prévient Alain Rozenkier, sociologue et directeur de recherche à la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV).

Joseph et Marie-Thérèse Martineau, 81 et 76 ans, tenaient à garder leur maison de Mortagne-sur-Sèvre (Vendée), et ce, malgré les difficultés du retraité pour monter aux étages. Afin de ne pas sacrifier leur intérieur en transférant leur chambre et leur salle de bains au rez- de-chaussée, ils ont eu recours aux services de Georges ; c'est le surnom que leur fils a donné au fauteuil élévateur qu'ils ont installé depuis un an dans l'escalier central. "Depuis l'arrivée de Georges, les escaliers ne me posent plus de problème. Je monte et descends facilement de la chambre au salon. Et si l'un de nous tombe malade, l'autre peut le soigner sans risquer une chute", sourit le Vendéen, ravi de son acquisition.

Ces équipements coûtent malheureusement très cher : il faut compter entre 4 000 € et 8 000 € pour l'installation d'un monte-escalier et entre 5 000 € et 6 000 € pour une baignoire à porte. Des organismes accordent des subventions : les caisses d'assurance-vieillesse et les caisses complémentaires, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, la région, le département ou encore la caisse communale d'action sociale (CCAS).

Mais, avant de se lancer dans de gros investissements, on peut commencer par les précautions élémentaires : ne laisser traîner ni fils électriques ni objets sur le sol, fixer les tapis au moyen de bandes collantes double face ; s'assurer que le téléphone et les numéros indispensables soient accessibles en permanence. Dans la salle de bains, l'usage de dispositifs antidérapants évite aussi bien des accidents. Autre détail qui a son importance : l'éclairage. Pour éviter les chutes, il ne faut laisser aucune zone d'ombre.

Dans la chambre, le lit peut être rehaussé pour plus de confort. Côté cuisine, c'est moins la forme des placards que leur rangement intérieur qui importe, ni trop haut ni trop bas. Pourquoi ne pas commencer par placer les usuels (assiettes, plats couverts...) à portée de main ? "Comme l'ouvrier adapte sa machine à ses besoins par de petits bricolages", remarque Alain Rozenkier. D'une pierre deux coups, ces petits remaniements valoriseront les personnes âgées à leurs propres yeux, et montreront à leur entourage qu'elles maîtrisent leur environnement.


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