Home |  Elder Rights |  Health |  Pension Watch |  Rural Aging |  Armed Conflict |  Aging Watch at the UN  

  SEARCH SUBSCRIBE  
 

Mission  |  Contact Us  |  Internships  |    

        

 

 

 

 

 

 

 

 

Telle Fille, telle Mère 

By Véronique Lorelle 

Le Monde, June 4, 2004 

La maman s'inspire des tenues de sa préado de fille. Et vice versa. Une aubaine pour les griffes de l'air du temps.

"C'est pas style !" (prononcer : staïïïlle), lance Chloé, 13 ans, jean et tee-shirt moulant, à l'adresse de sa mère. Ebranlée, Anne, 41 ans, lâche le cintre comme s'il lui brûlait les mains. 

C'est un samedi après-midi chez Zara, l'une de ces chaînes de mode qu'affectionnent les tandems mères-filles comme destination week-end. Serrées l'une contre l'autre, Anne et Chloé se séparent à la vue d'un étalage, auscultent chaussures et étoffes, échangent des avis par-dessus les portants. Elles reposent, ici, leur butin, reprennent, là, de l'élan, à l'assaut du rayon jeans ou blousons, avant de se retrouver, les bras chargés de trophées, dans une unique cabine d'essayage, pour gagner du temps.

Depuis quelques saisons déjà, la pré-ado qui veut ressembler à une mini-femme et sa mère qui ne veut pas faire "dame" font les soldes ensemble, s'échangent le tee-shirt Petit Bateau ou la veste Diesel, se chipent des gloss couleur bonbon et lisent les mêmes magazines de mode. Le shopping est devenu un moment de partage. C'est une entente cordiale, à peine altérée par quelques remarques perfides : "Non, M'man, j'hallucine : tu ne peux pas mettre ça ! ! !

"La psychanalyse, la sociologie ou la littérature s'interrogent sur cette nouvelle complicité mère-fille. Les enseignes de mode, de Kookaï à Zara en passant par Promod ou Gap, profitent de l'aubaine : habiller, sans grand effort, la collégienne et sa parentèle. La rue ne s'étonne plus de ces ados qui arborent fièrement sur leur tee-shirt "Que serait le monde sans les filles ?" (Kookaï), bras dessus bras dessous avec leur mère dans un top noir orné de mangas.Certaines griffes encouragent même la symbiose, telle Darjeeling, qui lance, cet été, des maillots deux pièces en coordonnés mère-fille, avec rayures bayadères, fleurs ou impressions cachemire. Ou Monoprix, qui réédite ce mois-ci, pour les adultes, un tee-shirt à l'effigie de Martine et de son chien Patapouf, jusqu'ici réservé aux petites filles."

Autrefois, la fille voulait ressembler à sa mère. Maintenant, c'est la mère qui veut s'habiller comme sa fille", observe le couturier italien Giorgio Armani. Et pour ne pas faire de faute de goût, elle n'hésite plus à sillonner seule ou avec sa progéniture les boutiques des Lolitas. Exemple : Lulu Castagnette. "Quand j'ai créé la marque, en 1996, elle s'adressait aux teenagers, explique Charles Lahmi, son PDG-fondateur. J'avais choisi un nom ludique et un ours Teddy Bear comme mascotte. Au fil du temps, nous avons constaté que les 25-35 ans fréquentaient aussi nos magasins."

L'enseigne propose désormais ses tailles du 34 au 42. Elle a aussi réduit son nounours-logo à la portion congrue, pour de ne pas effaroucher cette clientèle inespérée.L'enseigne espagnole Mango, confrontée au même afflux inattendu, a décidé de choisir : ce sera les 20-40 ans. A partir de l'automne prochain, elle délaissera les adolescentes de 17-20 ans, taille de ses boutiques oblige. Mango a aussi sélectionné des mannequins plus âgés pour sa publicité, comme l'Espagnole Inès Sastre ou la Tchèque Karolina Kurkova.Tout l'univers de la beauté est aujourd'hui bousculé par ces baby-boomers qui ne veulent pas céder un pouce à la vieillesse. Par nostalgie ou par bravade, les femmes se réapproprient nombre de produits conçus au départ pour la jeune classe. C'est le sac Dior en toile logo rose, très "girly", qui s'accroche au bras de jeunes mamans. La veste en denim Diesel, qui habille la fille comme la mère. Les ballerines Repetto, qui trottent à tous les pieds.Le premier parfum vendu dans le magasin phare de Sephora, sur les Champs-Elysées, à Paris, n'est autre qu'une fragrance barbe à papa (Pink Sugar), achetée par des femmes adultes "sur une impulsion, un coup de cour", explique la grande chaîne de parfumerie.

Sephora encourage publiquement toutes ces audacieuses : "Les mamans aussi sont sexy", clame-t-elle dans une publicité, à la veille de la Fête des mères. "Il n'y a pas d'âge pour être belle", renchérit L'Oréal, vantant les mérites d'un de ses antirides.Même les sexagénaires se transforment en bêtes de mode. Louise, qui tient une boutique de vêtements dans le vieux Lyon, vient chaque automne faire ses emplettes au Salon du prêt-à- porter, à Paris. "J'ai des clientes qui me suivent depuis longtemps, explique-t-elle. Elles s'habillent de façon classique mais, à soixante ans, elles osent la couleur. Si je n'ai pas de pièces mode, des tee-shirts un peu flashy, elles désertent mon magasin.

"Le Comptoir des cotonniers, la première marque à avoir affiché, dans une publicité, des mères et des filles habillées par ses soins, vogue de succès en succès. Plus de 10 000 candidates se sont présentées à la sélection 2004, contre 200 au lancement de l'opération, en 1997. Pour la première fois, ce printemps, trois lignées de femmes - grand-mère comprise - posent au coude à coude et en noir et blanc pour la marque. "Nous ne voulons pas transformer toutes les femmes en jeunettes", affirme Alexandre Alicha, directeur de la communication et fils de l'entreprise familiale."Avec notre marque de créateur, nous sommes capables d'habiller chacune dans son style - un blouson de cuir moto pour la fille, une mini-veste pour la mère... - et nous donnons à toutes une image mode."

L'idée de génie - montrer dans les campagnes publicitaires "de vraies gens", mère et fille de surcroît - est apparue à Georgette Alicha, mère d'Alexandre et créatrice de la marque, alors qu'elle arrangeait la vitrine de sa boutique, près de Toulouse, le berceau de la marque. "Elle a observé le manège des clientes qui venaient avec leur fille s'habiller chez nous. Elle a eu l'idée de les mettre en scène, à une époque où l'on ne jurait que par les mannequins." Sept ans plus tard, le Comptoir des cotonniers est devenu un spécialiste des produits dérivés inter-générationnels : il organise des tournois de tennis mère-fille, s'apprête à sortir un disque de chansons et un livre de nouvelles, respectivement serinés ou écrits par des mères et des filles anonymes.Fini, le conflit des générations : ce duo d'enfer est même furieusement à la mode. En mars, l'hôtel Plaza Athénée a convié soixante-dix femmes - uniquement des couples mère-fille - à échanger leurs impressions gourmandes autour des plats préparés par Alain Ducasse. En mai, le site Internet aufeminin.com "relooke" des mères et des filles, des pieds à la tête. A partir du vendredi 11 juin, au Théâtre Molière, à Paris, Brigitte Fossey donne la réplique à sa fille, Marie Adam, sur des poèmes de Jean Cocteau. Les stars non plus ne cachent plus leur âge, ni leur fille.


Copyright © Global Action on Aging
Terms of Use  |  Privacy Policy  |  Contact Us