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Les Militants des Partis Politiques se Recrutent Souvent chez les Plus de
60 ans
By Marc Coutty, Le Monde
February 27, 2004
Expérience, disponibilité, fidélité dans l'engagement : les préretraités et les retraités cumulent les qualités politiques qui font les bons militants. Libérés des astreintes du travail et moins contraints par la vie familiale, les seniors intéressent les partis. "Avec l'allongement de la vie et la réduction du nombre des enfants - et donc des petits-enfants -, on a une génération qui est en bonne santé, avec de l'allant, et que la chose politique intéresse. Ce sont autant de facteurs qui permettent l'engagement et la participation à la vie d'un parti", explique Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche au CNRS (Centre de recherches politiques de Sciences Po,
Cevipof).
Sur toute l'étendue du spectre politique, les organisations comptent sur des adhérents qui, au fil de leur vie, ont acquis un capital d'expérience dans les combats que les générations plus jeunes n'ont pas encore. "Imaginez !, s'enthousiasme Henri Malberg, 74 ans, ancien président du groupe communiste au Conseil de Paris. Les anciens, qui ont souvent adhéré lors de la Résistance, ont connu la guerre froide, les guerres coloniales, le stalinisme et la fin de l'URSS, 1958 et 1968, le Programme commun et ses suites. C'est une génération très politisée."
L'écho est semblable à l'UMP, où Olivier Ubeda, responsable des relations publiques et animateur des bénévoles, remarque que les anciens ont "des vraies personnalités. Ils ont vécu les succès et les échecs des partis qui désormais composent l'UMP". Eric Iorio, secrétaire national aux élections du Front national, ne dit pas autre chose : "A plus de 60 ans, ils vont au charbon et représentent un double avantage : ils incarnent la sécurité et la continuité de notre
parti."
Pourtant, en dehors des études portant sur les résultats électoraux, les chercheurs en sciences politiques ne semblent guère intéressés par cette tranche d'âge, alors que fleurissent les enquêtes sur l'engagement des jeunes. "En dehors des variables classiques des sondages et des votes, nous n'avons pas grand-chose", reconnaît Jacqueline Costa-Lascoux.
Les partis eux-mêmes ne sont peut-être pas étrangers à ce désintérêt. Ils préfèrent mettre en avant leur influence sur la jeunesse laborieuse ou scolarisée, comprise comme l'avenir, que chez les aînés. D'ailleurs, ils sont rares à avoir des structures dédiées : seuls le FN (avec le Cercle national des préretraités et retraités) et le PCF (via l'Association des vétérans du parti) offrent des espaces où les anciens peuvent se rencontrer entre eux.
Et, pourtant, ils constituent un véritable pilier militant. Ancienne secrétaire d'Etat aux personnes âgées et députée socialiste du Doubs, Paulette Guinchard-Kunstler admet sans peine que "l'apparition militante repose très largement sur les jeunes et les retraités. Pour participer activement à la vie d'un parti, il faut avoir une disponibilité difficilement conciliable avec la vie professionnelle et familiale". De fait, sur les marchés du dimanche, où se vend la presse des partis, dans les permanences politiques, où l'on colle des étiquettes sur des enveloppes, ou encore lors du porte-à-porte, l'électeur croise plus souvent des têtes grises ou juvéniles que de sémillants quadragénaires.
LES JEUNES SE FONT RARES
Bien sûr, le ratio générationnel varie selon les partis, même si, en France, rares sont ceux qui, comme la Ligue communiste révolutionnaire, propulsent un postier de 30 ans comme porte-parole. Il est vrai que les jeunes se font rares un peu partout : l'UMP confesse avoir 8 % d'adhérents entre 18 et 30 ans et 26 % de plus de 60 ans. Au FN, Eric Iorio pense avoir "un taux de plus de 60 ans supérieur à celui des autres partis", tandis que l'ancien porte-parole des Verts, Jean-Luc Bennahmias, assure que l'âge moyen est chez eux de 44 ans, 33 % des adhérents ayant plus de 50 ans, 11,5 % plus de 60 ans.
En vérité, même à l'extrême gauche, les seniors figurent en nombre au fichier des adhérents. "Nous avons un noyau important de militants de plus de 50 ans, environ 300 sur 3 000", reconnaît François Coustal, membre de la direction nationale de la
LCR.
La politique serait-elle devenue, au-delà même des dirigeants, l'affaire du troisième âge ? Jacqueline Costa-Lascoux n'est pas si loin de le penser : "Même s'il y a un regain, les jeunes n'ont pas le goût de la politique qu'ont gardé les seniors. Il y a encore peu, chaque réunion familiale était l'occasion de discussions, voire de disputes. Ce phénomène s'est estompé dans les années 1980", explique la
politologue.
De fait, la plupart des responsables de parti, à droite comme à gauche, reconnaissent qu'il y a un chaînon manquant, les quadragénaires. "Ils n'ont pas connu les grandes luttes sociales et, dans les années Mitterrand, ont été pris par le tourbillon carriériste de l'époque", analyse Mme
Costa-Lascoux.
Un phénomène nouveau ajoute ses effets au vieillissement des partis : "Nous avons souvent des adhésions de retraités qui, après avoir eu une vie militante syndicale ou associative, souhaitent la compléter par un engagement politique", remarque Jacqueline
Guinchard-Kunstler.
Une chose est certaine : les seniors ne sont plus à l'écart d'une activité dans laquelle ils trouvent "un sentiment d'utilité sociale", selon Jacqueline Costa-Lascoux. Et les plus jeunes ne semblent pas s'en plaindre. Passeurs de mémoire, les "vétérans" jouent ainsi un rôle indispensable dans une période qui aurait parfois trop tendance à vouloir effacer le passé.
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